C’est une des conséquences du succès du « bio » [1]. A l’occasion de sa visite au salon « Tech & Bio » à Bourg-lès-Valence (Drôme) en septembre, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a annoncé son projet pour l’agriculture bio en France. En particulier le désengagement de l’État pour les « aides au maintien ». Il s’agit des soutiens versés aux agriculteurs souhaitant s’engager vers une agriculture qui tient compte de l’environnement.
Il a fait savoir que les différents budgets destinés à financer des nouveaux contrats d’aide à la conversion (à la culture bio) étaient réorganisés. Il y aura une aide pour la conversion (trois ans) et une autre au maintien. Le succès commercial des produits « bio » a entraîné une multiplication des « conversions ». Au point que les enveloppes initialement prévues furent insuffisantes. En 2012, elles étaient de 90 millions d’euros annuels. L’ancien ministre, Stéphane Le Foll s’était engagé – un peu à la légère – à passer à 160 millions d’euros par an. En 2016, dans la chaleur de la campagne électorale, il avait surenchéri en promettant 50 millions supplémentaires pour l’agriculture bio mais aussi des mesures agro-environnementales.
Une autre difficulté s’est ajoutée avec la nouvelle politique agricole commune (PAC) lancée en 2015. Depuis cette date, les aides sont gérées conjointement par l’État et par les régions. Et chacun se renvoyant la balle, les professionnels reconnaissent se retrouver dans l’opacité. En conséquence, le ministre Travert fit savoir que les régions pourraient continuer à verser des aides au maintien (sous forme de nouveaux contrats) « sans mobiliser les crédits du ministère ».
La Fédération nationale de l’agriculture (bio) a réclamé de regrouper les aides venues des régions soit un montant annuel de 230 millions d’euros. Seulement il faut tenir compte des aides données à l’agriculture de montagne. Et l’État est coutumier de gros retards de paiement : la seule promesse du ministre a été de verser « à partir de novembre 2017 » une aide au titre de la campagne 2015 et que les paiements des aides 2016 ne débuteront qu’en mars 2018. En résumé cela signifie que l’État a choisi de ne plus soutenir les aides au maintien.
Ce que souhaitait la FNSEA que l’État cherche à ménager comme un groupe de pression très efficace. Nos lecteurs savent que, durant des décennies, la FNSEA a privilégié et continue de privilégier, l’emploi massif des produits chimiques dans les cultures [2]. Très critique durant des lustres contre le bio, elle aurait un peu modifié son discours.
Revenons au ministre Travert. Pour les agriculteurs « bio », il a suggéré qu’un fonds suisse pourrait très bien financer les projets de développement des filières bio françaises… à la place de l’État !
Michel LEBLANC
[1] – En 20 ans la production bio a bien progressé. Elle représente actuellement 5,7 % de la surface agricole utile, avec 7 % des emplois agricoles. Depuis 2007, elle a connu une croissance de 278 % et son chiffre d’affaires est de 7 milliards d’euros.
[2] – Voir le remarquable livre de Jean-Clair Davesnes, L’Agriculture assassinée. Mort de la civilisation rurale (Éditions de Chiré, 3e éd. augmentée).
Suggestion de livres sur ce thème :