Enquêtes inquiétantes sur l’islam des banlieues

Lu dans Monde&Vie n°955 de mai 2018 : Plusieurs enquêtes sont parues ces derniers mois, accablantes involontairement pour le soi-disant Islam de France, qui est trop souvent dans les lycées l’Islam de la radicalisation.

Une enquête magistrale révèle un fait stupéfiant : les jeunes musulmans, par leur religion même, contestent les normes de la société française. Ils sont « à rebours de la tendance à la sécularisation qui gagné l’ensemble de la jeunesse française »  et ils brandissent leur religion comme l’étendard de ce refus. Une religion toute sociale, qui est plus un ensemble de signes contestataires (normes alimentaires, discours sur la morale sexuelle, vêture) qu’une véritable réflexion spirituelle. Ce refus, cette religion comportementale et leur tolérance à la violence dans la vie ordinaire sont des voies vers la radicalisation.

Laissons de côté la discussion sur les présupposés idéologiques des universitaires et ceux de leurs contradicteurs (discussion ô combien révélatrice de l’idéologie républicaine commune à toutes les parties, et véritable impensé de leurs recherches comme de leurs critiques) et revenons sur la radicalité définie comme « un ensemble d’attitudes ou d’actes marquant la volonté de rupture avec le système politique, économique, culturel, et plus largement avec les normes et les mœurs en vigueur dans la société ». On sent que la radicalisation guette nombre de lecteurs de Monde&Vie ! Plus sérieusement, l’enquête montre que la population des jeunes qui acceptent la violence religieuse est presque exclusivement composée de musulmans.

La lecture de l’enquête doit être replacée dans la continuité d’autres travaux (moins scientifiques, certes). Tout d’abord, le rapport de l’institut Montaigne, « Un islam français est possible », paru en septembre 2016, qui définissait plusieurs groupes de musulmans, le troisième étant celui des opposants, composé .à 50 % de jeunes. « Il réunit des musulmans qui ont adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République », qui « se définissent davantage par l’usage qu’ils font de l’islam pour signifier leur révolte que par leur conservatisme : [… ] 28 % des musulmans de France peuvent être regroupés dans ce groupe qui mélange à la fois des attitudes autoritaires et d’autres que l’on pourrait qualifier de « sécessionnistes ». »

Ensuite, une note de la Fondation Jean Jaurès, « Radiographie de la mouvance décoloniale : entre influence culturelle et tentations politiques ». La note, qui s’étonne de l’impunité médiatique et judiciaire du PIR et du CCIF, souligne que « Le trait principal de la mouvance décoloniale réside dans une tentative de synthèse entre l’expression d’une radicalité militante en germe dans les quartiers populaires des grandes métropoles françaises, principalement en région parisienne, et une théorisation assez poussée de la question identitaire, dans ses dimensions à la fois raciale et religieuse. »

Voilà achevé le portrait de la religiosité des jeunes Français musulmans : une contestation radicale, ethnique, politique, historicisée et légitimant le recours à la violence du modèle français, vécu comme un système oppressif et devant être détruit, y compris dans son laïcisme militant. Une part significative des musulmans constitue un groupe social aux valeurs différentes du consensus dominant en France, un groupe qui ne peut pas être défini par une situation économique homogène, et un groupe désireux de changer la norme laïque en vigueur, « par tous les moyens, même légaux ». Ce n’est pas une mise en accusation des islams en tant que tels. C’est une réalité sociologique,. C’est donc un problème de bien commun. Il n’est pas certain que les médiathèques de Borloo et l’Europe de Macron soient la réponse politique appropriée.

Par Hubert Champrun  

 

NDLR : Comme Georges Bensoussan en 2002 après la publication de « Les territoires perdus de la République, antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire »  ou Michèle Tribalat  avec « Les Yeux grands fermés : L’Immigration en France », les auteurs de « La Tentation radicale » Anne Muxel et Olivier Galland de La Tentation radicale (2018, PUF, 464 p. 23€) ont dû subir les suspicions de la police de la pensée lors d’un débat face à Olivier Roy, islamologue, organisé par le Nouveau magazine littéraire. Olivier Galland a dû justifier leur démarche :

« Nous n’avons aucune « idéologie »,  c’est un pur procès d’intention. En tout cas, les lycéens dans leurs réponses n’ont apparemment pas été particulièrement sensibles à une supposée idéologie laïque. Par ailleurs, nous avons dans notre échantillon des lycées à forte proportion de musulmans, mais c’est très loin d’être systématique ! Notre échantillon comprend 1609 chrétiens et 1753 musulmans, la comparaison est donc tout à fait possible. »

« Il y a bien, dans les sociétés européennes et en France, des normes dominantes. Ce n’est pas un jugement idéologique, c’est un fait. Ces normes ressortissent à ce que Gérard Grundberg et Etienne Schweisguth ont appelé le libéralisme culturel. […] La sécularisation est une autre évolution forte qui l’accompagne. Nos résultats montrent que les jeunes musulmans sont à rebours de ces évolutions ; ainsi le relativisme en matière religieuse est totalement dominant parmi les jeunes chrétiens – en réalité très proches des jeunes sans religion-, alors que c’est l’inverse chez les jeunes musulmans. »

 

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