Lectures Françaises

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Un indispensable défrichement du champ de bataille et de ruines de notre langue

ByJérôme Seguin

Jan 3, 2022
Un indispensable défrichement du champ de bataille et de ruines de la langue française

« Éviter les fautes, c’est mener un combat décisif. Le français est, certes, un champ de blé, où l’on peut moissonner les plus beaux et réguliers épis, ainsi que de magnifiques coquelicots et éphémères ; mais il est aussi un champ de bataille – et l’heure est grave.

« Elle est grave, parce que les media, les réseaux sociaux, la publicité ou les SMS malmènent, chaque jour un peu plus, les mots et les phrases » [1].

Le mois dernier nous nous en sommes pris à l’excès, insupportable, de quelques anglicismes, parmi les plus répandus et entendus actuellement et qui prendront prochainement une place primordiale dans les conversations, si nous n’y prenons garde. Afin de nous empêcher de souffrir d’une indigestion « anglicisée », nous alternerons cette ligne de front avec, en parallèle, une seconde tranchée pour monter à l’assaut des innombrables impropriétés qui dénaturent, qui salissent, qui blessent outrageusement et quotidiennement notre propre langue française. Car il est devenu vital d’effectuer un indispensable défrichement du champ de bataille et de ruines.

Je me porte garant que les termes qui vont être mentionnés ci-dessous ont été prononcés sur des ondes de media, ou relevés lors de la lecture de titres de journaux et magazines, dont certains sont considérés comme « de bonne tenue »… Ils ne sont pas présentés, ni regroupés par genres ou familles, mais directement énoncés « au débotté ». Pour certains, nous ne proposons pas d’équivalence, tant leur consonance est suffisante pour confirmer leur incongruité (aucun d’eux ne figure dans les bons lexiques et dictionnaires de langue française).

Victimisation. Dans le même domaine, nous entendons régulièrement : Temporalité ; Conflictualité ; Adaptabilité et tant d’autres sur lesquels nous reviendrons certainement… Chacun de ces termes a, bien entendu, un équivalent évident en bon français.

Côté ciel ou Côté température (entendus à satiété dans les annonces de bulletins dits « météo »). La moindre des corrections serait de dire « Pour ce qui concerne… » ou autre expression équivalente, car il en existe.

C’est quoi ? ou Vous en pensez quoi ? Les formules correctes sont des plus élémentaires : « Qu’est-ce ? » et « Qu’en pensez-vous ? ».

Impacter. Ce verbe est inexistant et n’est qu’un dérivé incorrect du nom « impact », dont le sens propre et irréprochable est « choc d’un projectile », tel le point d’impact d’une balle ; « impacter » n’est qu’un vulgaire néologisme.

Positionnement. Sans cesse utilisé pour désigner la place d’un candidat pour son engagement sur l’échiquier politique. Tandis que le verbe « positionner » s’applique principalement et presque exclusivement pour signifier le fait de placer avec précision une pièce mécanique. Le « positionnement » de tel ou tel personnage politique n’est qu’une affreuse impropriété.

La problématique. Celui-ci compte parmi les plus souvent prononcés ou écrits, jusques et y compris dans les articles de certains de nos proches amis… Nous le faisons précéder de l’article, car c’est dans cette acception qu’il est, fallacieusement, bien trop répandu. En effet, il n’est nullement un substantif, mais seulement un adjectif, dont la signification est « douteux », « équivoque » ou « incertain ». En tant que nom, il peut être avantageusement remplacé par « difficulté » ou « question ».

Jérôme SEGUIN

[1] – Extrait de la préface de Christophe Barbier, pour le livre d’Alfred Gilder, Les 300 plus belles fautes… à ne pas faire et autres extravagances à éviter (Ed. Omnibus, 2018).