L’an dernier, le président de la République et le Premier ministre avaient effectué le déplacement aux antipodes pour rappeler que les engagements de l’État seraient tenus comme prévu, concernant les accords « historiques » : celui de 1988 et surtout celui de 1998 qui a instauré la décolonisation progressive de la France avec les transferts de certaines compétences de la France vers la Nouvelle-Calédonie. Sauf celles de nature régalienne : la défense, la sécurité, la justice, la monnaie et la diplomatie. L’accord de 1998 prévoyait formellement – avant novembre 2018 – la tenue d’un référendum sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la « pleine souveraineté ». La date butoir se rapproche, et les difficultés se sont accumulées. Plus sur des questions d’amour-propre et d’ambition que sur des oppositions frontales, politiques. Dans notre numéro 728 (décembre 2017), nous avons désigné les obstacles présentés pour établir les différentes listes électorales qui aboutissent à la liste électorale référendaire. Tout le monde semble avoir fait des efforts. Le 20 mars, le Parlement a adopté, par un vote proche de l’unanimité, la composition – ô combien délicate – de ladite liste. Le lendemain même du jour où les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie venaient de fixer la date du référendum : le 4 novembre. Il faut savoir que les habitants de la grande île ont conservé les fiertés de naguère. La droite a jugé, avec raison, que le texte adopté était trop repentant sur les « méfaits de la colonie ». Et les deux formations proches du parti LR qui se chamaillent selon la coutume. Elles ont d’ailleurs quitté le groupe de travail. Une formation non indépendantiste (vaguement centriste) a voté avec les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Ils ont rédigé une « charte des valeurs communes ». Était-ce pour rire ?
Demeure cependant la pierre d’achoppement : quelle question sera proposée aux électeurs ? Comme l’a fait remarquer Édouard Philippe : « le champ des possibles est très limité ». Les indépendantistes s’accrochaient à la lettre de l’accord : « accession à la pleine souveraineté ». Ils avaient beau jeu de remarquer qu’il n’est pas question d’ « indépendance », alors que c’est très proche. Ils n’ignorent pas que l’indépendance effraie une bonne partie des électeurs, y compris les leurs. Certains responsables réclament des bulletins avec le mot « France ». Peut-on parler d’indépendance en écartant les pouvoirs régaliens ? Assez unanimement, les familles se plaignent de la délinquance des adolescents kanaks ainsi que leurs échecs scolaires. La perspective de l’indépendance ne les rassure pas outre mesure sur les motifs de ces inquiétudes (délinquance, drogue et paresse). Finalement, le 27 mars, grâce à l’investissement patient du Premier ministre, les participants, après une réunion qui dura 17 heures (sic), se sont accordés sur la formulation de la question qui sera posée aux 170 000 électeurs concernés : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Ouf !
En cas de vote négatif, sera déclenchée une nouvelle consultation. Si l’on examine les résultats électoraux des dernières années, on trouve comme résultats pouvant donner une échelle de comparaison : entre 35 et 40 % pour les indépendantistes et entre 60 et 65 % de non indépendantistes. D’ici à novembre, les « plumes » des ministères auront le temps de trouver la bonne formulation de la question et des arguments forts.
par Michel LEBLANC et Jacques DE KREMER
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