Pardonner n’est pas oublier : pour que le souvenir reste, pour que la génération qui arrive sache d’où elle vient, pour que par la Foi, le souci de la vérité historique, les hommes de France sachent que la Révolution dite française n’a jamais eu d’autre droit que celui du mal : disparaître. Ce spectacle a le mérite de promouvoir ce qu manque à notre société « Alzheimerisée » : la mémoire pour servir à l’intelligence et… aux décisions qui s’en suivent…
Lu pour vous matin dans Valeurs Actuelles
Puy du Fou
« Un génie militaire de la guerre d’embuscades », salué par Napoléon.
La saison 2016 du parc à thème créé il y a près de quarante ans par Philippe de Villiers propose une nouvelle production sur la vie de Charette, le héros de la guerre de Vendée. Un bijou technologique à la gloire de la France catholique et royale.
« Les brigands n’ont pas le temps d’écrire ou de faire des journaux. Cela s’oubliera comme tant d’autres choses », écrivait, en octobre 1793, le représentant en mission de la Convention Merlin de Thionville, qui accompagnait l’armée de Mayence envoyée combattre l’insurrection vendéenne. Cela s’oubliera ? Pauvre Merlin ! Il n’avait pas prévu que, plus de deux siècles après les faits, une bande de saltimbanques émergée du bocage ferait revivre l’épopée du plus beau de ces « brigands » dans un spectacle hors normes destiné à frapper les esprits. Après la révolte des Gaulois (le Signe du triomphe), les Vikings, Jeanne d’Arc et la guerre de Cent Ans (le Secret de la lance), les mousquetaires de Richelieu ou les poilus de la Première Guerre mondiale (les Amoureux de Verdun), le nouveau spectacle proposé par le célèbre parc historique, le Dernier Panache, porte en effet sur la vie de l’officier de marine français François Athanase de Charette de La Contrie, qui a consacré sa vie à deux causes : la guerre de libération de l’Amérique, où il combattit aux côtés de La Fayette et de La Motte-Picquet, et la Vendée militaire dont il devint l’un des chefs tragiques et l’un des plus sublimes martyrs, il y a tout juste deux cent vingt ans de cela.
Après une enfance semblable à celle d’un petit paysan, ce cadet de Vendée, poussé par son père qui souhaitait le voir « allumer la pipe à l’Anglais », s’inscrivait à l’école des gardes-marine de Brest avant de participer aux grandes batailles navales de la guerre d’Amérique. La vie en mer est alors un savant mélange de privations, d’abnégation et de panache que résume à lui tout seul le récit d’un dîner donné par Bougainville à bord de la Boudeuse : «Je mangeai hier un rat avec le prince de Nassau : nous le trouvâmes excellent. » Charette est d’une « complexion faible et délicate, peu propre aux fatigues de la mer et de la guerre », écrivait le chirurgien de bord. Il est poitrinaire, contracte le scorbut, subit un naufrage. Rien ne l’empêchera pourtant de devenir un officier brillant et victorieux, décoré par le général Washington lui-même. Lieutenant de vaisseau en 1787, il effectue des missions diplomatiques en mer Baltique, à La Valette et à Constantinople. À l’été 1789, il rentre de l’une d’elles alors que le nouvel ordre commence à se mettre en place. Les vexations se multiplient contre les officiers, on débaptise les vaisseaux (l’Auguste, son premier bâtiment, devient le Jacobin), on commence à « lanterner » les récalcitrants…
Charette démissionne de la marine et se retire dans son domaine, croyant sa vie d’aventures définitivement achevée. Mais bientôt, les incidents se multiplient dans les campagnes. On traque les curés qui refusent de prêter serment à la Constitution, on persécute les nobles, le pouvoir révolutionnaire se durcit. Charette émigre quelques mois à Coblence, mais ce monde frivole et décalé ne lui sied guère. Il rentre en Vendée au moment où la monarchie est mise à bas. C’est alors que les paysans révoltés viennent le chercher pour le mettre à leur tête. Charette inaugure sa geste de légende en se cachant sous son lit… avant d’accepter la charge, de guerre lasse. Il deviendra pourtant ce génie militaire salué par Napoléon, lui qui, par une intelligente guerre d’embuscades inaugurée à Pont-James (10 février1794), portera de nombreux coups à la République terroriste. Celle-ci en finira avec les « brigands » en lançant les fameuses « colonnes infernales » qui extermineront hommes, femmes et enfants, « bleus » et « blancs » confondus, transformant le pays en une immense terre brûlée, avec 300 000 morts à la clé. Arrêté alors qu’il n’est plus suivi que par une poignée de fidèles, Charette est fusillé à Nantes, le 29 mars 1796, et meurt en obtenant de commander lui-même le feu. «Seigneur, entre tes mains, je remets mon esprit », murmure-t-il avant de tomber.
Le spectacle puise à la pointe du progrès pour renouer avec la tradition.
Pour retracer ce destin hors du commun, le Puy du Fou a vu les choses en grand. Une nouvelle salle de spectacle de 7500 mètres carrés est en effet sortie de terre pour l’occasion. Baptisée « Théâtre des géants », elle dispose de 2 400 places assises, est équipée de 160 mètres de décors et de huit écrans de 200 mètres carrés. La technologie employée, unique au monde, permet à la tribune de 46 mètres de diamètre de tourner sur 360 degrés, si bien que les spectateurs suivent l’action en mouvement sur six scènes différentes où sont répartis une vingtaine de tableaux, un peu comme un gigantesque travelling de cinéma. Une trentaine de comédiens, dont deux enfants formés à l’Académie junior du Puy du Fou, interprètent sept fois trente-deux minutes par jour différentes séquences de la vie de Charette au milieu de décors en dur et d’autres projetés par 20 vidéoprojecteurs en ultra-haute définition (4K), le tout dans une débauche de lumière, de son et d’effets spéciaux bluffants. La musique originale est signée par le jeune compositeur suisse Nathan Stornetta, celui-là même qui avait déjà réalisé celle de la dernière version du spectacle Mousquetaire de Richelieu. Une production 100 % Puy du Fou qui y aura investi la bagatelle de 18 millions d’euros…
Ce qui frappe d’emblée le visiteur, c’est le degré inédit de technologie de ce nouveau spectacle. Celle-ci n’est pourtant pas utilisée pour produire des sensations fortes, c’est-à-dire comme une fin en soi. Elle est au contraire entièrement au service de l’histoire, de l’émotion qui s’en dégage et des valeurs qui sont défendues : l’héroïsme, le panache, la fidélité à sa foi… Et l’on arrive ainsi à ce formidable paradoxe d’un spectacle qui emprunte le meilleur de la modernité… pour s’opposer à elle. Un spectacle qui puise à la pointe du progrès pour renouer avec la tradition. Une révolte contre le monde moderne ? Non, citoyen, une révolution conservatrice !
Si l’équipe du Puy du Fou n’a pas lésiné sur les moyens pour la création de son vingtième spectacle, c’est qu’elle voulait marquer le coup. « C’est un rêve qui se concrétise après cinq ans de labeur », nous dit Nicolas de Villiers, qui dirige désormais le parc. Avec Charette, on entre dans la mythologie de la famille. Le personnage figure en bonne place aux côtés de Jeanne d’Arc dont l’anneau, racheté aux Anglais, trône depuis peu dans la chapelle du Puy du Fou, où il sera exposé tout l’été au public. Le jeune homme, qui est également metteur en scène du spectacle, confesse s’être beaucoup inspiré de la biographie du « roi de Vendée » publiée par son père, en 2012, avec le succès que l’on sait. Selon lui, l’officier rebelle est un « symbole extraordinaire en matière de combat pour la liberté » . Un personnage qui n’a rien d’un héros et qui va pourtant le devenir lorsqu’il estimera que le pouvoir légal, en s’attaquant à la religion de ses pères, a perdu toute légitimité. Conscient que le drame de la Vendée reste largement méconnu des Français, Nicolas de Villiers affirme également qu’il souhaite « réveiller les consciences endormies » . Faut-il voir dans ce spectacle un message à destination des temps présents ? Le jeune homme sourit mais reste prudent : «Le spectacle parle de lui-même, il est inutile d’en rajouter… »
Cette production va probablement ajouter une pierre au succès du parc, lequel est déjà impressionnant. C’est en 1978 que Philippe de Villiers a créé un grand spectacle nocturne sur l’histoire de la Vendée : la Cinéscénie. En1989, il décidait d’ajouter une activité de jour originale : ce sera le Grand Parc, qui ne cesse, depuis, de s’enrichir. Celui-ci s’agrandit, en1995, de la Cité médiévale, du Stadium gallo-romain, en 2001, et du Bourg 1900, trois ans plus tard. En 2006, le Grand Carrousel, un théâtre de 6 000 mètres carrés, est bâti pour y présenter Mousquetaire de Richelieu. Aujourd’hui, huit spectacles, dont deux nocturnes, sont quotidiennement présentés au public, ainsi que des dizaines d’animations pour les enfants, quatre villages d’artisans et 1500 animaux, parmi lesquels des rapaces élevés dans le cadre d’un programme de préservation des espèces menacées. En 2015, le Puy du Fou a dépassé les 2 millions de visiteurs pour un chiffre d’affaires de plus de 83 millions d’euros. Le parc a été primé à plusieurs reprises, le dernier prix étant celui de « Meilleure attraction du monde » accordé, le 3 avril à Los Angeles, au spectacle les Amoureux de Verdun. Il essaime désormais à l’étranger. Après Raveleijn aux Pays-Bas, le Puy du Fou a exporté le concept de la Cinéscénie en Angleterre pour un spectacle nocturne sur l’histoire du pays, qui débutera, en juillet 2016, au château d’Auckland (comté de Durham).
Les raisons d’un tel succès ? Elles sont à chercher dans la nature même de ce projet visionnaire. À l’heure où l’on dénie aux peuples le droit de communier à travers leur histoire, si ce n’est pour battre leur coulpe et s’accuser de tous les maux, le Puy du Fou propose une vision positive de notre passé, mettant en valeur les aspects dont il n’est pas interdit d’être fier. Fatigué de se regarder dans le miroir de la repentance qui déforme ses traits, le public veut vibrer à sa propre épopée. Gageons que le Dernier Panache lui en donnera une belle occasion.
Olivier Maulin