Les robots ont la particularité de fournir la régularité, nec plus ultra recherché par tout chef d’entreprise de nos jours. L’aspect humain étant éloigné, beaucoup de charges disparaissent, ainsi que : procès, tensions relationnelles et autres imperfections humaines qui ont pourtant vocation à contraindre à la vertu de manière saine. Bienvenue dans l’ère du sans-souci. Et reconvertissez-vous en technicien robotique. La place va devenir chère.
Lu dans Rivarol:
Face aux robots, l’emploi en France
L’an dernier, au raout mondialiste de Davos, on s’était félicité de l’avènement de l’ère de la robotique. Afin de rassurer, les prophètes réunis en Suisse avaient ajouté que la fabrication desdits robots entraînerait la création de nombreux emplois. Voici maintenant que l’on prépare en France l’adaptation à ce grand changement. Un rapport du « Conseil d’orientation pour l’emploi », le COE, annonce les temps nouveaux et, bien entendu, se veut des plus rassurants. Une précision : le COE est un service de Matignon, et ses précisions ne pouvaient qu’être rassurantes.
Selon l’organisme officiel, l’emploi français ne souffrira pas, enfin, peu, des robots. Pensez donc, 10 % seulement des actifs se trouveront « très exposés » aux transformations attendues dans la technologie. En clair, le chômage les guette. Au fait, que représente cette proportion qui se veut rassurante ? Plus de 2,5 millions de postes de travail, pas moins ! Lesquels s’ajouteront aux millions de chômeurs déjà existants… Si l’on va plus loin dans le rapport, on trouve un complément au sujet de la « révolution numérique » en marche. La moitié des emplois présents seront « impactés », car « susceptibles d’évoluer ». Vers du mieux ? L’énumération de quelques-uns desdits emplois s’avère éclairante : caissiers(ères), employés de restauration, agents d’exploitation des transports, agents d’entretien, etc., pour ne citer que des « métiers de service ».
LA MUTATION S’ÉTALE SOUS NOS YEUX
Or, il ne s’agit pas d’avenir, puisque la mutation s’opère déjà sous nos yeux. Prenons le personnel des caisses de la distribution. A côté de lui, fonctionnent des matériels depuis longtemps où ce sont les clients qui présentent leurs achats et les paient à des machines, et des mouvements sociaux viennent de se produire dans des hypermarchés concernés. Cette résistance des sacrifié(e)s s’appelle en jargon technocrate « absence d’acceptabilité sociale ». Il n’y a pas « évolution », mais remplacement total en cours. Dans d’autres branches, moins perceptibles par le public, le même phénomène est enclenché.
Bien entendu, le COE tient prête un réplique face aux contestataires. On trouvera des modalités permettant « la mise en capacité des salariés à acquérir des compétences telles qu’ils conservent toujours une valeur ajoutée par rapport à des machines et des programmes informatiques toujours plus performants ». A la place desdits salariés, on ne serait pas rassuré. Quant à l’évocation à ce sujet de la révolution industrielle du XIXe siècle, qui triompha de toutes les révoltes ouvrières, rappelons qu’il fallut cinquante années de licenciements et de baisses salariales avant que les revenus se stabilisent et commencent à remonter. Femmes et enfants, recrutés massivement dans les fabriques, incarnaient les robots de l’époque. Par la suite, il y eut les fameux travailleurs immigrés (dès la fin du XIXe siècle).
UNE TRANSFORMATION NÉCESSAIRE DES INDIVIDUS
Le COE signale que la diffusion des nouveautés tueuses d’emploi humain ira plus vite que prévue, en raison de la hausse des dépenses de transport entre pays émergents et Occident, et de leurs coûts de production. En guise de consolation, le COE prévoit des « retours d’activités » délocalisées vers le grand large depuis près de quarante années. Comme cette perspective est mise au conditionnel, il vaut mieux ne pas s’y fier. Même si le COE cite l’Amérique du Nord et la Grande-Bretagne. Fâcheusement, la politique de l’Union européenne tourne le dos à ce qu’il se passe dans les zones citées.
Quant aux emplois de remplacement à créer, on les trouve certes évoqués, mais en termes flous et dans un avenir lointain, puisque, par exemple, il faudra « adapter l’enseignement », ce qui est plus vite écrit que fait, et transformer les individus concernés du tout au tout. Derrière l’opacité des expressions, on devine qu’il s’agit de l’adaptation des salariés à la connectique, la robotique, l’impression 3D, « l’intelligence artificielle », etc. Et non pas l’inverse. L’apparition de l’informatique apparaîtra dérisoire en comparaison.
Les « lendemains qui chantent », chers aux nostalgiques du marxisme, le retour à l’âge d’or (lequel n’a jamais existé), il vaut mieux ne pas y compter. Seul un combat politique et culturel acharné nous permettrait d’éviter une catastrophe sociale laissant loin derrière elle la crise de 1929, et les dégâts humains de la marche vers la révolution industrielle.
Nicolas TANDLER
Rivarol ,n°3267, janvier 2017