Pasquinate : retour d’une tradition contestataire à Rome

La tradition dite « Pasquinate » est vieille d’au moins 500 ans. Sans la plébisciter, on peut voir dans sa réapparition, les symptômes du cléricalisme que Bergoglio incarne. Un cléricalisme ingérant, autoritaire et tyrannique, loin de la miséricorde qu’il a récemment redéfinie. Un comportement libéral, et typiquement jésuite.

Lu dans Correspondance Européenne :

Pasquino revient à Rome

Dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4 février, une main inconnue a tapissé les rues du quartier du Vatican d’une affiche où l’on peut lire, sous la photo d’un pape Bergoglio sombre et renfrogné : «Eh France’ (NdT : François en dialecte romain), tu as placé sous tutelle des congrégations, évincé des prêtres, décapité l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée ignoré des cardinaux… Mais où est ta miséricorde ? »

La mordante protestation en dialecte romain s’inscrit dans cette tradition romaine dite « pasquinate ». Pasquino était le nom d’une statue sur laquelle on venait de nuit suspendre des pancartes et affiches où étaient dénoncée la prévarication du pouvoir ou tournés en dérision les défauts de papes et cardinaux. À la mort de Clément VII (1534), par exemple, apparut un portrait de son médecin, qui, au lieu de guérir le patient, l’avait envoyé dans l’autre monde, avec une inscription exprimant de la reconnaissance : ecce qui tollit peccata mundi (voici celui qui enlève les péchés du monde).

Aujourd’hui comme hier, les « pasquinate » ont toujours synthétisé les opinions répandues parmi le peuple et le clergé romain lui-même.

Dans notre cas, c’est précisément ces jours-ci que l’affaire de l’Ordre de Malte s’est conclue par le licenciement du Grand Maître, la réhabilitation d’un homme du Vatican, accusé de dérive morale, Albrecht von Boeselager, et l’attribution des pouvoirs de commissaire à Mgr Angelo Becciu. Le tout dans le mépris total de la souveraineté de l’Ordre, qui n’est soumis au Saint-Siège qu’en ce qui concerne la vie religieuse de ses cavaliers professes, mais est, ou devrait être, totalement indépendant dans sa gestion interne et internationale.

Il semble que ce mépris de la loi s’étende également au droit civil italien. Un décret émis par la Congrégation des Religieux, avec l’accord du pape, impose au père Stefano Maria Manelli, supérieur des Franciscains de l’Immaculée, de ne pas communiquer avec les médias, ni apparaître en public ; de ne prendre part à aucune initiative ou rencontres de quelque sorte que ce soit, et surtout « de remettre, dans le délai de 15 jours à compter de la délivrance du présent décret, le patrimoine économique géré par les associations civiles et toute autre somme à sa disposition, dans la pleine disponibilité de chaque institut », c’est-à-dire de transférer à la Congrégation des Religieux des biens patrimoniaux dont le père Manelli ne dispose pas, selon ce qui a été confirmé par la Commission de révision d’Avellino, parce qu’ils appartiennent à des associations légalement reconnues par l’État italien.

Comme si cela ne suffisait pas, Mgr Ramon C. Arguelles, archevêque de Lipa aux Philippines, a été informé de sa propre démission par un communiqué de la salle de Presse du Vatican. On ignore les raisons d’une telle mesure, mais on peut les deviner : Mgr Arguelles a canoniquement reconnu une association qui rassemble un groupe d’ex-séminaristes des Franciscains de l’Immaculée, qui ont abandonné leur ordre pour pouvoir étudier et se préparer au sacerdoce en toute liberté et indépendance.

« Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom I » déplorait madame Roland, célèbre victime de la Révolution française.« Ô Miséricorde, quelle violence est exercée en ton nom », pourraient répéter les victimes du pontificat de la miséricorde.

Roberto de Mattei, dans Il Tempo, 5 février 2017

Correspondance Européenne, n°330, 17 février 2017

 

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