Au cœur du mondialisme : la Silicon Valley

La Silicon Valley est ici présentée par un confrère de la revue Permanences. Pôle idéologique et technologique de la « pensée » dominante, il rassemble les marques les plus connues, sur la base d’un esprit protestant, libéral et teinté d’américanisme politique et religieux.

Lu dans Permanences :

La « siliconisation » du monde

Berceau des technologies numériques, la Silicon Valley incarne l’insolente réussite indus­trielle de notre époque avec sa frénésie innovatrice qui entend redéfinir de part en part nos existences à des fins privées, tout en prétendant œuvrer au bien de l’humanité. Mais elle est avant tout un esprit qui prétend coloniser le monde. Colonisation d’un nouveau genre, portée par des industriels, des universités, des think tanks, et par une classe politique qui encourage l’avènement d’un capitalisme nouveau, d’un techno-libéralisme. C’est un modèle civilisationnel qui s’instaure entraînant le dessaisissement de notre pouvoir de décision.

La Silicon Valley n’est-elle pas, d’abord, un fruit du rêve amé­ricain ? Il se présente comme tel « ce phare mondial, historique et contemporain de la « haute technologie qui concentre plus de six mille entre­prises du secteur, dont nombre d’entre elles jouissent d’une renommée plané­taire. Les Apple, Google, Cisco, Facebook, Oracle, Netflix, Hewlett Packard, Tesla, Instagram, Twitter, In te, Snap-chat…»’.

La Silicon Valley a été copiée dans le monde entier mais jamais, et de loin, égalée car c’est une curieuse alchimie qui a présidé à la réussite de cette ré­gion « presque toujours baignée par un doux soleil et frappée par les embruns stimulants de l’Océan ». Au cadre géo­graphique favorable, quelque peu biblique (dans l’imaginaire des protes­tants américains la vallée du Jourdain n’est jamais loin) fut associé un héri­tage historique particulier où la puis­sance du mythe messianique américain s’est mêlé aux souvenirs des utopies libertaires californiennes des années 60. La révolution libérale expurgea ainsi de toutes connotations morales, le puritanisme messianique préparant le terreau sur lequel s’implanta un techno-libéralisme sans frein ni limites donnant naissance à « l’esprit de la Si­licon Valley ».

UNE NOUVELLE VISION DU MONDE

C’est cet esprit que veut analyser l’auteur de ce livre. Esprit conquérant qui, bien au-delà de la révolution du Net, induit un changement civilisationnel, une nouvelle « vision du monde fondée sur le postulat techno-idéologique de la déficience humaine fon­damentale que les pouvoirs sans cesse variés et étendus affectés à l’intelli­gence artificielle vont être à même de combler ».

Cet esprit extrêmement domina­teur, c’est celui du techno-libéralisme, forme extrême du libéralisme, à l’inté­rieur duquel vont œuvrer, en symbiose et sans entraves, les détenteurs des pouvoirs économiques, politiques et techniques « qui entendent instaurer une marchandisation intégrale de la vie et façonner le monde à partir de leurs seuls intérêts». Nous sommes donc en présence, semble-t-il, d’un véritable empire totalitaire, virtuel, mais aux pouvoirs redoutables et sans limites qui s’appuie sur les développe­ments extraordinaires de la technique et de la fascination qu’elle exerce, instrumentalisés à des fins de domination mondiale.

HÉLÈNE FRUCHARD

Permanences , n° 552-553, janvier-février 2017

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