« Oppressions de race, de genre et de classe »… à l’école et la fermeté ministérielle
Autres preuves que certains osent tout : un petit syndicat du monde enseignant, Sud-Éducation 93, avait organisé en novembre deux journées sur des thèmes osés : « Le racisme d’État dans la société et en particulier dans l’Éducation nationale » (sic) ; « La question des privilèges de race et de classe que les enseignant.e.s peuvent avoir face à leurs élèves » (resic) ; « Comment décoloniser les savoirs » ; « Qu’est-ce qu’un élève racisé.-e. ». Avaient été prévues des séances plénières mais aussi des réunions « en non-mixité raciale ». Le programme de ces colloques passionnants entrait dans le détail lors de certains ateliers : « À partir de nos constats, nous allons établir des outils de lutte et des stratégies pour faire face aux oppressions liées au concept de race mais aussi de genre et de classe à l’école… », une réunion avait pour sujet la « vie professionnelle des enseignant.e.s racisé.e.s », une autre était ouverte aux « enseignant.e.s blanc.he.s. »
Pour être plus clair (si j’ose dire), il me faut révéler parmi les invités du colloque les présences annoncées de Marwan Muhammad, ancien directeur du Collectif contre l’islamophobie en France, Nacira Guéanif, vice-présidente de l’Institut des cultures d’Islam… plus d’autres militants d’extrême gauche. Bien entendu ce genre de syndicat perçoit des subventions et des soutiens de certaines municipalités. L’été dernier dans des bâtiments appartenant à la Ville de Paris, s’est déroulé un « festival afroféministe ». En août, on a eu également droit à un « camp d’été décolonial » dont le but précis était de distiller une « formation à l’antiracisme » (sic). Dans ce cas aussi, le préfet n’a rien trouvé à redire.
L’émergence de ces groupes « tendance islamo-gauchiste », considérés par la LICRA comme « des compagnons de route des Indigènes de la République » (Le Monde, 22/11/2017) est essentiellement due aux réseaux sociaux. Des sites identitaires ont signalé ces « formations » bien peu laïques et se firent insulter. Estimant que les réunions annoncées par Sud-Éducation 93 étaient inacceptables car les « formations » proposées seraient inconstitutionnelles, le ministre de l’Éducation nationale a évoqué de porter plainte. Cette simple menace a suscité des mêmes groupes, des protestations véhémentes contre le commentaire très mesuré du ministre. Notons que, pour faire bon poids, les « sudistes » s’en sont pris dans la foulée à la « fâchosphère » !
En dépit de ses efforts pour redresser la discipline, Jean-Michel Blanquer ne peut, semble-t-il, aller plus vite dans le chantier scolaire. Ainsi pour sa position sur le voile islamique. Depuis ses débuts en 1989, le sujet est devenu brûlant. Tous les ministres de l’Éducation nationale ont bredouillé, bombé le torse, puis renoncé à interdire ce signe religieux musulman.
Le dimanche 12 décembre, invité par Le Grand Jury RTL-Le Figaro, il fut interrogé sur la question du voile islamique. Durant quelques années, au nom de la défense de la laïcité, furent pris des arrêtés interdisant, dans les bâtiments publics, les signes religieux dont pour certains, faisaient partie le voile islamique. Mais le Conseil d’État prit des arrêts très « compréhensifs » qui permettent de contourner l’interdit du voile. Évidemment, ce fut la faille qui finit par briser le mur. En 2013, sur une question d’apparence anodine, le virage fut pris. Dans les sorties scolaires, les enseignants acceptent que des membres des familles accompagnent les enfants. Très vite se posa le statut des accompagnateurs bénévoles (le plus souvent des femmes). Pour des chefs d’établissements, le voile était bien un signe religieux. Le Conseil d’État fut saisi et trancha : les accompagnatrices des sorties n’étant pas fonctionnaires, n’étaient pas astreintes à l’obligation de neutralité religieuse (donc pouvaient porter le voile).
Les journalistes revinrent sur cette affaire en demandant au ministre Blanquer son avis. Il commença en évoquant la laïcité française, prenant comme référence « la belle histoire de 1905 » (sic). C’est un peu vite passer sous silence les expulsions des congrégations et la liquidation de leurs biens, les inventaires des églises avec des affrontements parfois sanglants. Les républicains montrèrent alors qu’ils n’entendaient la laïcité que comme l’arme la plus efficace contre la seule religion catholique. L’histoire n’est pas vraiment « belle ». Le ministre le sait parfaitement. Poussé par les journalistes sur l’affaire des accompagnatrices de sorties scolaires, il a dû s’enfoncer dans ses contradictions. Personnellement, il « considère qu’un collaborateur bénévole du service public doit se conformer à un certain nombre de devoirs ». – Donc lui dit le journaliste, pas de voile pour les accompagnatrices ? Réponse : « Normalement non, mais il y a une jurisprudence qui doit être consacrée ». Il est pour le moins désagréable de voir un ministre français se rendre aussi vite à Canossa. Il n’a pas expliqué pourquoi l’État républicain qui se montre inflexible sur des détails d’équipements dans les écoles privées hors contrats, cède devant la moindre poussée des fidèles d’une autre religion ? ♦
Pierre ROMAIN