Marine Le Pen a la capacité de redonner l’espoir (ça ne fait pas vivre) aux paysans. Gageons que rien ne changera après son élection (l’exécutif dépend du législatif) et qu’après elle, ils n’auront vraiment plus aucun espoir. Ce serait alors la fin des haricots… La soumission, ou la rébellion. Ce sera la soumission car la mémoire se rappellera la Vendée, comme il a falluT lutter pour les soulever…
Lu dans Présent :
Lorsqu’elle va à la rencontre de la France qui se lève tôt, il se passe quelque chose. Mais cette fois, il y a indéniablement un truc en plus. Dans l’air et sur les visages, il flotte un parfum de « Serait-ce possible alors ? »
« Je suis venue dire aux agriculteurs français de tenir bon, ils doivent pouvoir vivre décemment de-leur travail. Dans cinq ans, si ça continue comme ça, honnêtement je ne sais pas ce qu’il restera ». Le contraste a de quoi frapper : après les huées, les sifflets et les injures sous lesquels François Hollande et Stéphane Le Foll ont parcouru le Salon de l’Agriculture, Marine Le Pen, visiblement heureuse de se trouver là, est ovationnée. Elle va y rester dix heures et demie, record à battre (pas par Fillon qui mercredi matin a annulé sa visite à la dernière minute). « Vas-y Marine, on y croit ! », « Marine présidente ! », « Marine sors-nous de l’Europe ! », « Marine il n’y a que toi ! ».
« À ce point-là, je n’avais jamais vu », nous confirme Philippe Loiseau agriculteur et député européen. « Année présidentielle oblige, mais c’est un indice significatif ». Alors qu’elle est entourée d’un mur vivant et quasi-impénétrable de micros et de caméras, les exposants, agriculteurs et visiteurs écrasés par la cohue, tentent de se frayer un passage pour l’apercevoir, la saluer, l’encourager, grimpant sur des bottes de pailles ou sur les épaules d’un plus costaud qu’eux. Un journaliste qui bouscule une impressionnante charolaise et piétine sa stalle pour obtenir un cliché, se fait « recadrer sévère » par un éleveur :
« Oh, ça va pas non ? Racaille, va ! Pour ce que tu vas en faire de tes images, dégage ! ». Ce matin on est loin de la bobosphère et ça fait du bien.
« On est en train de crever »
« Hollande, quand il passe là, il est caché et personne ne peut l’aborder. Il ne discute pas avec nous », confie un agriculteur au micro de RTL. « On veut du changement. On est en train de crever. Et elle nous écoute et nous comprend », renchérit un éleveur. Un visiteur qui du coup ne regarde plus le moindre animal, court vers le cortège, ravi : « Je ne savais pas qu’elle serait là aujourd’hui et ma femme qui l’adore ! ». Le Point se lamente : « Les agriculteurs avouent de plus en plus facilement leur préférence (…) Le programme de Marine Le Pen est celui qui fait la part la plus belle à l’agriculture. » Ceci explique peut-être cela ?
Pas très loin de là, Xavier Bertrand connaît un grand moment de solitude, entouré de Gérald Darmanin (qui aurait dû être porte-parole de campagne de Sarko et qui se recycle péniblement), de cinq malheureux journalistes (je les ai comptés) et d’une passante énervée qui lui criera : « Casse-toi le plan B ! » en le huant copieusement.
Le patriotisme agricole
Après s’être entretenue avec les professionnels de la filière laitière, le CNIEL et la FNPL, Marine Le Pen s’attarde près de Fine, la vache bretonne du Pays de Redon, vedette de ce 54e Salon de l’Agriculture et s’adresse aux éleveurs :
« Il faut franciser les aides versées aux agriculteurs, faire du patriotisme économique et en finir avec la PAC. Il faut arrêter de sous-traiter à l’Union européennel’avenir de notre agriculture. Il faut sortir d’un cadre qui a abouti à la ruine de l’agriculture, et attribuer directement les aides aux agriculteurs. »
Marine Le Pen veut nationaliser la distribution des aides et organiser cette distribution sur des critères plus justes, réguler les négociations entre grande distribution et agriculteurs et mettre un terme aux traités de libre-échange, CETA et TAFTA. Alors qu’un tiers des agriculteurs vit avec moins de 354 euros par mois, elle appelle au « patriotisme agricole ». Elle préconise que « l’argent des Français serve à acheter des produits agricoles français », que les collectivités locales puissent se fournir auprès des producteurs français et que l’on donne l’avantage aux produits français dans la commande publique et notamment dans le marché des cantines.
« Ce qui est interdit par l’Europe aujourd’hui ».
« Tous les autres votent FN »Arrivée vers 8 h 30 au Salon, Marine Le Pen a déjeuné au stand des DOM-TOM où elle a reçu un accueil de rock star, rencontré la filière porcine, les jeunes agriculteurs qu’elle propose d’aider à s’installer par des mesures de défiscalisation et les vignerons indépendants : « Les vignerons indépendants participent de la grande réputation de nos vins. Il faut les aider à transmettre leurs exploitations. » La candidate a poursuivi sa visite jusqu’à la fermeture, bien après que les poules soient couchées.
Selon la dernière enquête du Cevipof pour Le Monde, Marine Le Pen est créditée de 35 % des intentions de vote chez les agriculteurs. Pour la première fois, le Front national devance Les Républicains anciennement UMP, dans le monde agricole. Agriculteur en Moselle et maire de Sainte-Barbe, Christian Perrin s’en ouvre aux journalistes : « Marine Le Pen a un discours qui est entendu par les agriculteurs, car elle promet de les sortir de la misère. » Si lui-même vote Fillon, il constate qu’ils ne sont plus que « deux-trois éleveurs » à faire comme lui dans sa commune. « Tous les autres votent FN ». Comme chez Villiers en somme…
CAROLINE PARMENTIER
caroline.parmentier@present.fr
Présent, n°8811, 2 mars 2017