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L’Union de la droite est passée à l’action en Autriche

ByLectures Françaises

Mai 28, 2018
Sebastian Kurz

Lu dans Minute n°2873 du 23 mai 2018. Au pouvoir depuis le début de l’année, la coalition de droite qui dirige l’Autriche fait ce qu’elle avait promis. Elle applique le programme de gouvernement que Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache avaient publiquement signé. Des élections régionales ont déjà montré que les électeurs en sont satisfaits.

Les réformes sont lancées

Un octogénaire longiligne et distingué entre chez Tomaselli, café fondé en 1700 et où vécut la veuve de Mozart, sur la place du Vieux Marché de Salzbourg. Avant de s’installer pour un temps suffisant à lire tous les journaux consciencieusement accrochés à des baguettes lecture, il s’enquiert, d’une exquise affabilité, auprès de la table voisine, s’il peut fumer : Voilà  bien un usage disparu dans la plupart des pays d’Europe. On doit lui attribuer sa survivance ici au gouvernement du chancelier Sebastian Kurz, entré officiellement en fonction le 8 janvier dernier.

Le premier chapitre du contrat de législature Ensemble pour notre Autriche, conclu en décembre dernier entre les deux partis de la nouvelle coalition, le Parti populaire, ÖVP, du chancelier, et le Parti de la liberté, FPÖ, du vice-chancelier et ministre des Services publics et des Sports, Henri-Christian Strache, affirmait dans sa première page consacrée à la réforme de l’administration qu’il était hors de question de créer de nouvelles règles. En vertu de quoi, l’interdiction de fumer dans les lieux publics, directement inspirée des recommandations de la Commission européenne, a été abrogée avant son entrée en vigueur, prévue le 1er mai 2018. Ce fut même l’un des premiers actes du nouveau gouvernement.

En l’occurrence, l’Autriche rejoint à peu près ce qui se passe en Allemagne où l’interdiction de fumer dans les lieux publics, en vigueur depuis une dizaine d’années, n’a rien d’absolu et permet toujours la proximité entre parties fumeurs et non-fumeurs, notamment dans les bars et restaurants. Alors que l’Autriche tergiversait depuis longtemps, l’Allemagne, elle, avait trouvé ce compromis qui prenait en compte un héritage commun. Les politiques par trop hygiénistes ramènent à une période difficile et troublée de leur histoire entre le milieu des années 1930 et 1940.

Cursus à part pour apprendre la langue

Cette décision symbolique renvoie au préambule « Ensemble pour notre. Autriche : ses deux signataires, Sebastian Kurz et Hans-Christian Strache, ne connaissent probablement pas bien la France, y constataient en toutes lettres que l’Autriche était « championne du monde de la régulation et de la limitation de la responsabilité individuelle et de la liberté ». Pour la médaille d’or, il leur faudra trouver autre chose ; la place est prise et le tenant du titre s’y accroche depuis plusieurs décennies !

Blague à part le contrat de gouvernement autrichien est scrupuleusement respecté. Jeudi 17 mai, le parlement a voté le texte imposant aux élèves n’ayant pas un niveau d’allemand suffisant pour s’intégrer dans le cycle scolaire normal de suivre un cursus préalable d’apprentissage de la langue de vingt heures par semaine au niveau du primaire et de quinze heures dans le secondaire. Il précédera dès la rentrée prochaine, aussi longtemps que nécessaire, l’entrée à l’école primaire ou au collège. Environ quatre cents enseignants supplémentaires seront recrutés par le ministère de l’Éducation, le coût de la mesure étant estimé à 40 millions d’euros.

Pour répondre a l’opposition hétéroclite à ce texte, qui regroupe aussi bien les socialistes du SPÖ que les Verts ou les centristes de Neos ou de Pilz, dont le principal argument est celui de la discrimination, voire de la ségrégation, le ministre de l’Éducation, Heinz Fassmann (ÖVP), a insisté sur le caractère temporaire de cette formation : chaque élève intégrera le cycle normal aussitôt qu’il aura satisfait aux tests démontrant un niveau de langue suffisant, le cycle ne pouvant dépasser deux années scolaires. La même séance plénière a voté un texte instaurant des amendes de 110 à 660 euros pour absentéisme scolaire, une somme qui devrait être suffisante pour que les récalcitrants envoient leur marmaille se familiariser avec une langue qui n’est pas forcément parlée à la maison.

Trois réformes majeures sont lancées

Avant l’été, trois textes essentiels viendront au Parlement, tous annoncés dans la plate-forme législative.

Le mois de juin verra entrer en vigueur la vaste réforme de l’administration. Les deux axes essentiels du texte présenté parle ministre de la Justice, Josef Moser (Indépendant), sont, d’une part, l’obligation faite aux administrations d’expliquer toute décision prise envers un citoyen — un simple « parce que » ne suffira pas… ; d’autre part, la mise en oeuvre du principe de subsidiarité qu’on pourrait traduire en France par l’abrogation totale de la compétence générale. Concrètement, l’État fédéral, les Länder et les communes verront leur champ de responsabilités respectif exclusivement affirmé et ne pourront plus traiter un sujet non explicitement de leur compétence.

Le second texte remet entièrement à plat la protection sociale dans un objectif de réduction des coûts par la fin des abus et des gaspillages. Le système actuellement éclaté en vingt-et -une caisses différentes sera rassemblé autour de cinq nouvelles caisses qui géreront la protection maladie, la retraite, le chômage et les accidents. Exeunt les régimes spéciaux et les privilèges du nombre pléthorique de leurs bénéficiaires et contrôle accru du train de vie des caisses.

On a appris ainsi que le directeur de l’une d’elles se faisait régulièrement conduire en taxi de Graz à Vienne, soit sur 200 kilomètres. Bien que son cas soit unique, il est révélateur d’habitudes héritées de l’ancienne tradition de la Proporz par laquelle les fonctions publiques étaient attribuées, en proportion des résultats obtenus aux élections par l’ÖVP et le SPÖ, à des militants de ces deux partis.

Enfin, auparavant aura été votée — dans les jours qui viennent — la réforme du revenu minimum. Constatant qu’il y avait « autant de bénéficiaires du revenu minimum que d’habitants dans le Burgenland [Land frontalier avec la Hongrie, Ndlr] et qu’il était anormal que les familles de réfugiés reçoivent plus que des pensionnés qui ont travaillé toute leur vie », le chancelier Kurz a annoncé le projet de loi tout en demandant aux Länder de formuler leurs propres propositions de réforme. En effet, si l’existence de ce revenu minimum est une prérogative fédérale, ce sont les Länder qui le distribuent et en fixent le montant, qui varie à peu près de 800 à 1.300 euros mensuels par personne seule ne disposant d’aucun revenu.

La nécessité d’associer les exécutifs régionaux à la réforme pourrait, à première vue, compliquer la réforme ; il n’en sera rien. Les Länder sont sous la pression gouvernementale et de leurs électeurs et si un accord n’était pas trouvé, la notion même de revenu minimum serait remise en cause. Cela, ni l’ÖVP ni le FPÖ, ni les gouverneurs des Länder ne le souhaitent. Et ces derniers ont compris la demande des électeurs.

Carton plein pour la majorité ÖVP-FPÖ

En effet, depuis rentrée en fonction du gouvernement actuel, quatre Länder sur neuf, entre le 28 janvier en Basse-Autriche et le 22 avril à Salzbourg, ont renouvelé leur exécutif. Et ce fut carton plein pour la majorité ÖVP-FPÖ même si un infime tassement, dû à une progression de l’abstention, a été enregistré en Basse-Autriche par l’ÖVP qui conserve sa majorité absolue à lui seul mais en passant d’un tout petit plus de 50 % en 2013 à un tout petit peu moins cette année. Il faut dire que l’élection intervenait tout juste trois semaines après rentrée en fonction du gouvernement et que la pression médiatique contre la nouvelle coalition, disparue depuis, était encore présente.

Dans les trois autres régions, les résultats ont renforcé la confiance à la coalition ÖVP-FPÖ. On constate simultanément lm maintien du SPÖ, voire une sensible progression comme en Carinthie le 4 mars. Les socialistes profitent, manifestement, de la reconstitution du clivage droite-gauche après dix ans de grande coalition à la Merkel. Angela Merkel, décidément peu appréciée ici des électeurs de droite, tel ce jeune restaurateur de la région de Salzbourg qui accueille beaucoup de touristes allemands qui la considère comme une socialiste et souligne sa préférence pour Gerhard Schröder. Un dis-cours courant ici comme en Allemagne.

L’autre sujet d’agacement, et surtout d’in-compréhension des Salzbourgeois, est la persistance de certains réflexes.: le Landeshauptmann, Wilfried Haslauer (ÖVP), en fonction avec les socialistes depuis 2013, et qui gagne neuf points et quatre sièges ; refuse pour l’instant de discuter avec le FPÖ en progression de deux points et un siège et préfère converser avec des Verts en chute libre qui ont perdu les deux tiers de leurs électeurs et quatre sièges sur sept et avec qui il manquera de toute façon un siège pour atteindre une majorité absolue. Pour l’instant, aucun exécutif n’est encore en place dans la cité de Mozart.

Au Tyrol où on a voté le 25 février, le Landeshauptmann en fonction depuis 2008, Günther Platter, dont le parti ÖVP, en progression d’un siège, a reconduit sa coalition sortante avec les Verts qui ont perdu un siège et a refusé de discuter avec le FPÖ, qui est lui aussi en progression d’un siège. Quant au SPÖ, il conserve la Carinthie, seul ou avec une petite formation régionale. L’ÖVP qui gagne un siège y rejoindra le FPÖ, en forte progression, dans l’opposition. En Carinthie comme dans les trois autres Länder, ce retour du clivage droite-gauche se fait au détriment essentiellement des Verts qui disparaissent du parlement de Klagenfurt et reculent partout ailleurs.

par Karl Taïdic

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