Les chrétiens d’Indonésie : entre persécution permanente larvée et attentats sanglants

Lu dans Rivarol du 23 mai 2018. L’Indonésie est un vaste pays de plus de 2 millions de kilomètres carrés, très peuplé, avec plus de 260 millions d’habitants, à 90 % musulmans. Il compte un peu moins de 9 % de chrétiens, protestants et catholiques, qui font l’objet de persécutions larvées permanentes, et d’hostilité populaire. La légende de « l’Islam tolérant » d’Indonésie n’a pas plus lieu d’être qu’ailleurs. L’Islam est l’Islam. La deuxième moitié du vingtième siècle a vu du reste une normalisation de cet Islam, avec l’élimination progressive dans certaines campagnes des syncrétismes de fait avec le paganisme originel indonésien ou les restes d’hindouisme. Le cœur ethnique de l’Indonésie, qui bat à partir des trois grandes îles occidentale de Java, Sumatra, Bornéo (Kalimantan) est malais. La culture malaise, auparavant bouddhiste et hindouiste, comme au Cambodge, s’est islamisée du XIVe au XVIIIe siècle, avec l’action particulière dans un pays insulaire du djihad maritime, la piraterie malaise étant prosélyte. Les chrétiens appartiennent surtout aux minorités ethniques historiques, chinoises dans les grandes îles occidentales, papoues en Papouasie Occidentale, ou certes apparentées lointainement aux Malais mais non malaises comme les Minhahasais des Célèbes, ou les Moluquois. Les chrétiens sont donc doublement rejetés, comme non-musulmans et minoritaires ethniques. ; ils menaceraient ainsi l’unité nationale indonésienne est-il couramment avancé à Djakarta, ce qui, à l’exclusion des Papous – ce qui est du reste leur droit le plus strict – est aujourd’hui faux.
L’Indonésie est un pays en partie artificiel. Elle remonte dans son extension territoriale, considérable, sur plus de 4000 kilomètres d’Ouest en Est – soit la distance de Brest à Astrakhan, sur la Mer Caspienne – et de 1 000 kilomètres du Nord au Sud, à l’empire colonial de l’Insulinde néerlandaise du XIXe siècle. Si la moitié occidentale de l’Indonésie relève certes de la même aire culturelle malaise, ce n’est pas le cas de toute la moitié orientale du pays, qui a été massivement colonisée après 1949 et l’indépendance, imposée aux Pays-Bas par les Etats-Unis, par des Javanais et des Madurais. La langue indonésienne, une variante nouvelle normée du malais, a été imposée à tout le pays. Mais l’Indonésie est largement perçue par ses élites comme par sa population comme fragile, à tort ou raison, après l’épisode de l’indépendance du Timor Oriental en 1999. Force est pourtant de constater qu’il n’y a pas d’autres sécessions depuis, pas même en Papouasie Occidentale, à la population noire – mélanésienne – et chrétienne, radicalement différente des Indonésiens musulmans, toujours soumise dans les faits à une dure occupation militaire et à une colonisation de peuplement massive. Dans cette atmosphère, les chrétiens sont régulièrement victimes de procès iniques, et sont facilement emprisonnés. Un éphémère gouverneur chrétien, de lointaine ascendance chinoise, de Djakarta est ainsi actuellement en prison, pour des faits imaginaires et flous, de la corruption au blasphème contre l’Islam. Les massacres locaux de familles chrétiennes isolées, les viols, les conversions forcées, sont courants. La situation est très comparable à celle du Pakistan, sauf que l’on en parle encore moins. Le sort des orang-outangs, grands singes de Bornéo et Sumatra à l’avenir effectivement aussi des plus menacés, du fait de la destruction de leur habitat, la forêt équatoriale, émeut infiniment davantage les bonnes consciences occidentales ! Il faut certes songer à ces sympathiques primates, mais il faudrait se préoccuper bien davantage des chrétiens persécutés !
Une vague d’attentats du Califat a pour une fois très superficiellement rappelé l’existence douloureuse des chrétiens d’Indonésie. Une série d’attentats-suicides, le principal frappant les fidèles rassemblés pour la messe dominicale à Surabaya, grande ville de l’Est de Java, a causé près de vingt morts et plusieurs dizaines de blessés. Comme d’habitude a été déployée, à usage interne comme international, l’indigeste propagande mensongère opposant le « bon Islam pacifique » aux « déséquilibrés » du Califat. Le fait qu’une famille indonésienne adepte du Califat, y compris les enfants, ait pu se livrer à un suicide collectif dans des attentats à l’explosif causant le maximum de morts chrétiens, a pu certes sincèrement choquer bien des familles musulmanes indonésiennes aussi. Mais la haine des chrétiens est assez répandue en Indonésie dans les milieux mahométans, même s’il existe bien sûr des différences de degré. Il est évident que le Califat dispose de réseaux de complicité importants parmi les plus de 230 millions de musulmans indonésiens, en lien avec des cellules nombreuses en Malaisie et au Sud musulman des Philippines. Les chrétiens martyrs sont en Indonésie au moins plusieurs centaines par an, et leurs persécuteurs dans leur majorité, ne se réclament nullement du Califat.

par S. de S.

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