Les ronds de jambes des premiers mois ayant suivi la victoire électorale seront insuffisants. Face aux coagulations des mécontentements printaniers, l’exécutif a été amené à prendre son rôle au sérieux. Le président n’ignore pas que l’issue des conflits sociaux de cette année sera déterminante pour la suite du quinquennat. Aussi, en expert de la communication, a-t-il soigné ses interventions publiques de ce printemps. Sans se presser, il a choisi ses thèmes, un calendrier et ses interlocuteurs. Il a commencé en s’adressant aux catholiques et à sa base sociale. Essayons de voir ce qui peut en sortir.
1. Pour la première fois, la Conférence des évêques de France (CFF) avait invité le chef de l’État autour d’un buffet. Depuis des années, des membres des différents gouvernements se sont bousculés pour être invités au dîner du CRIF. Plusieurs autres ont tenu à « rompre le ramadan » avec des musulmans. Rien pour la Pâque chrétienne. Pour cette première, le 9 avril, Emmanuel Macron a prononcé un beau discours, nuancé, assez profond par endroit. Très loin de ce que disaient ses prédécesseurs. Les catholiques français n’avaient jamais, depuis plus de deux générations, entendu un chef d’État se montrer si avenant avec eux. L’orateur a suivi une ligne principale : il a appelé les catholiques à s’engager politiquement, au plan national et européen, à y « apporter la vision propre à leur foi»…, « à retrouver le goût et le sel du rôle qu’ils ont toujours joué»… Estimant que « le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé » le président juge qu’il « importe… de le réparer ». Ce fut en effet un appel à l’unité nationale que lança le président, en abusant des caresses mentales, des formules empathiques. Il a souligné que « les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France ».
Et d’enchaîner sur toutes les associations ou familles catholiques qui se sont investies dans les organisations caritatives pour compenser « une certaine impuissance publique ». Pour lui, l’État et l’Église ont « tous deux une voix légitime sur les questions d’intérêt public ». Pourrais-je mettre une réserve en rappelant comment l’État socialiste avait procédé contre les manifestants catholiques s’opposant à la loi Taubira ? M. Macron a affirmé sans rire une vision originale sur la laïcité qui, pour lui, « n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens ». T’as qu’à croire !
Quelles remarques peut-on faire ? Derrière les émotions verbales, genre « embrassons-nous Folleville… je sens couler une larme… », les mal-pensants voient le politicien professionnel, si proche de l’homme de théâtre, le communicant, le joueur d’échecs. L’orateur habile a montré sa maîtrise. En flattant les catholiques, notamment ceux qui n’hésitent plus à voter FN, Debout La France, Poisson… et refusent la « soumission », il cherche à ramener leurs votes pour son parti. Tactiquement il vise, en périodes de manifestations d’extrême gauche et de gauche, à neutraliser les réactions des « cathos » contre les projets de loi qu’ils rejettent majoritairement : la GPA sans père, l’euthanasie, la PMA, tous projets déjà préparés sur lesquels il ne tiendra pas compte de l’avis des catholiques. Il n’a d’ailleurs pas répondu aux remarques faites par Mgr Pontier sur ces chapitres. Il s’en est sorti par une pirouette. « Cette voix de l’Église ne peut être injonctive… Elle ne peut être que questionnante ». Pour ses « sorties » sur la dignité et le respect dû aux religions, on peut y deviner une manœuvre visant, au nom de la prétendue égalité entre les religions (!) à modifier la loi de 1905 et donner à l’islam une position de partenaire officiel, ce qui est déjà la conception des Frères ∴ [1] et mettrait en difficulté une Église catholique déjà en crises (doctrine, liturgie, vocations, pratiquants, politique étrangère du pape…) Une Église que le président incite à se taire sur les grands sujets de bioéthique.
[1] – Cf. le site Causeur du 10/04/2018 qui titrait un article : « Discours de Macron : courte échelle aux islamistes ».
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