Lu dans Présent du 16 mai 2018 : En France, pause et exil fiscaux divergent en ce sens que la première relève d’une vue de l’esprit, tandis que le second semble, au contraire, ne devoir jamais connaître de répit. Voulue et imposée par Nicolas Sarkozy, alors président de la république, l’exit-tax – pourquoi a-t-il fallu affubler cette taxe bien nationale d’un anglicisme ? – est un impôt destiné à juguler ou tout au moins limiter l’optimisation fiscale en taxant lourdement les chefs d’entreprise tentés de prendre la poudre d’escampette pour aller prospérer sous des cieux fiscaux et parfois climatiquement plus cléments. D’un principe relativement simple, l’exit-tax consiste à imposer les futurs évadés fiscaux français sur les plus-values latentes entre la valeur initiale de leur entreprise et celle évaluée au moment de leur départ. Pour faire simple, il s’agit d’un impôt destiné à dissuader de s’expatrier ceux qui précisément s’en estiment accablés.
Chiffres à l’appui, force est de constater que cette mesure qui se voulait dissuasive n’a aucunement découragé les plus gros contribuables de s’évader de l’enfer fiscal français. Selon un rapport de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP), les records d’exils à motivation fiscale ont été pulvérisés sous la présidence de François Hollande dont le quinquennat avait débuté en fanfare par l’annonce d’une avalanche de taxes et hausses d’impôts qu’aucune pause, malgré les annonces, n’est jamais venue endiguer.
Le phénomène n’a certes rien de nouveau et, de longue date d’importants entrepreneurs, l’essentiel de l’équipe de France de tennis, des footballeurs, de nombreux rentiers, les Florent Pagny, Johnny Hallyday, Aznavour, Delon, Daniel Auteuil, Gérard Depardieu et tant d’autres se sont éclipsés parfois depuis des décennies, s’estimant injustement dépouillés des fruits de leur réussite.
Une incalculable perte de dynamisme économique et d’emplois
Les bénéficiaires d’un revenu annuel de plus de 100000 euros annuels ont été 4236 à quitter la France en 2015, soit 5% de plus qu’en 2014 mais surtout en augmentation de 113% par rapport à 2011. Pour les contribuables bénéficiant de plus d’un million d’euros par an, le sauve-qui-peut s’éleva à + 130%, de 38 en 2011 à 89 millionnaires en 2015. Impossible de mesurer précisément la perte de développement économique, de potentielles créations d’emplois, de consommateurs à très fort pouvoir d’achat et d’éminents contributeurs à l’impôt national que cet exode fiscal fait subir au pays. Mais une chose est certaine, pendant que les uns partent, les autres restent sur lesquelles reposera l’assiette de l’impôt à collecter, ce qui rend parfaitement illusoire une quelconque espérance d’allègement de la pression fiscale.
Phénomène inquiétant : pour tenter de minimiser les coupes claires de l’administration fiscale, de nombreux entrepreneurs n’expatrient même plus leur activité mais minimisent son développement en France pour l’accroître à l’étranger. Ce freinage volontaire leur évite l’expatriation. Quant aux jeunes créateurs d’entreprise, ils sont, eux, de plus en plus nombreux à créer directement leur entreprise à l’étranger.
Malgré l’exit-tax, donc, de plus en plus de nos concitoyens fortunés décident chaque année de tenter leur chance à l’étranger tandis que le France continue d’importer chaque année des centaines de milliers de pauvres. La décision d’Emmanuel Macron de supprimer cet inopérant impôt lui vaut plus que jamais des sarcasmes et le surnom de « président des riches », des « très » riches raille l’ex-locataire de l’Elysée qui, contre toute attente continue d’afficher une incongrue superbe, mais au-delà de la polémique quel impact positif réel pourra bien résulter de cette suppression ?
par Arnaud Raffard de Brienne