Les additions de Bercy

Il est notoire et flagrant que les violons officiels ne sont plus accordés depuis des mois. La responsabilité en incombe, bien naturellement, au gouvernement et à ses constantes contradictions. Il rappelle – de moins en moins souvent – la nécessité de contenir la dépen­se publique (promesse de la campagne de 2012 !) tout en lâchant régulièrement du lest devant les mouvements de protestation les plus violents. Pour les autres, il suit la règle de l’Etat républicain : faible devant les forts, fort face aux faibles. Pour calmer les premiers, il faut débloquer des crédits exceptionnels, des fonds spéciaux ou des baisses d’impôt. Pour une large majorité de nos concitoyens, ces reculades successives sont l’indice de son incapacité à brider les dépenses qui sont repoussées pour « plus tard », entre autres les 14,5 milliards d’euros d’économie « prévus » pour 2016. Et personne ne voit comment l’objectif d’un déficit à 3,3 % à la fin de l’année, sera possible. Il est vrai que la France a été confrontée à des attaques terroristes qui ont contraint le gouvernement à faire des promesses suivies de dépenses : 2 680 emplois et 425 millions d’euros y sont et seront consacrés de 2015 à 2017.

Le 29 avril, M. Hollande annonça l’engagement de 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires entre 2016 et 2019 et les 18 750 emplois dans les armées qui devaient être supprimés, seront conservés. Pour calmer les maires qui protestaient en mai devant la baisse des dotations aux collectivités, le président de la République proposa la création d’un fonds d’1 milliard. En septembre, les agriculteurs, très remontés, défilèrent en tracteurs dans les rues parisiennes : le Premier ministre promit que 3 milliards d’euros en trois ans seraient investis dans l’agriculture et l’élevage français.

Quelques jours après – il fallait faire vite, les régionales se rapprochaient –, le chef de l’Etat confirma que 2 milliards d’euros seront consacrés à la baisse de l’impôt sur le revenu de 8 millions de personnes. Une semaine plus tard, pour faire face à la vague des réfugiés, le pouvoir créa 900 postes supplémentaires pour renforcer la gendarmerie et la police et fit savoir que 600 millions – pour commencer – seraient consacrés aux « migrants », et que l’on y ajouterait 250 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence. Cumulées, les promesses faites dans les neuf premiers mois de l’année, atteignent 11 milliards d’euros (Le Monde, 24/09/2015).

Mais, a-t-on fait remarquer, les versements des crédits promis seront échelonnés sur des années, ce qui rendra sans doute la purge moins affreuse. On procède donc en trois temps : pour apaiser les fureurs, on promet solennellement ; ensuite on étale largement dans le temps les versements ; tout en admettant qu’ils seront à nouveau l’objet de « redéploiements ». Ce qui ressemble fortement à de la « cavalerie » financière. Cet automne, les experts ministériels reconnaissaient que malgré ces jongleries de marchands de tapis, il manquerait un milliard, mais qu’ils allaient faire les fonds de tiroirs : la vente des « Mistral » ou celle des fréquences hertziennes. D’autres économies avaient été déjà prévues en début d’année : sur les allocations de solidarité spécifique, les réserves « dormantes » de trésorerie du budget des universités et des HLM.

Finalement le gouvernement a choisi d’économiser 225 millions d’euros sur les Aides personnalisées au logement (APL) sur le projet de budget pour 2016. Cette ponction est censée compenser des dépenses prévues l’an prochain : 150 millions d’euros d’ « aides à la pierre » (pour la construction d’HLM) et 120 millions pour « renforcer les capacités d’accueil des réfugiés ». En réalité les APL seront « rabotées » de 225 millions d’euros en 2016 mais aussi de 314 millions en 2017. On étale, on prolonge, on trie. Pour l’accueil des immigrés, le gouvernement sait trouver très vite des solutions dont il ne fait pas bénéficier les étudiants ni les pauvres de notre pays. Cela n’étonnera que les naïfs.

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