Les partis qui avaient pris le pouvoir en 1944 et profité de l’Épuration avaient politiquement intérêt à maintenir coûte que coûte le mythe de la trahison de Pétain et de tout ce qui touchait de près ou de loin au gouvernement de Vichy. Et De Gaulle, qui avait prétendu établir sa propre légitimité sur le rejet absolu et définitif de Vichy, ne fit pas exception à la règle.
Pourtant, sur le fond, De Gaulle n’en pensait rien et dévoilait à l’occasion ses vues en petit comité :
« Souvenez-vous qu’il faut que la France ait toujours deux cordes à son arc. En juin 1940, il lui fallait la “corde” Pétain aussi bien que la “corde” De Gaulle »,
avait-il confié après-guerre au colonel Rémy (qui publia l’aveu dans les colonnes de l’hebdomadaire Carrefour, le 11 avril 1950).
Le fin mot de l’affaire fut sans doute consigné par Jean-François Revel, voisin et hôte de Rémy :
« Je n’ai jamais eu le moindre doute sur l’honnêteté de Rémy et la véridicité de sa transcription du propos gaullien. J’ai, en revanche, la plus piètre opinion de son sens politique. » (Le Voleur dans la maison vide, éd. Plon, 1997, p. 89.)
Si l’on entend par « sens politique » le sens des opportunités, assurément Jean-François Revel avait raison. En publiant la vérité, Rémy s’était sacrifié et voyait sa carrière politique définitivement compromise. Mais à long et moyen terme, Rémy avait politiquement raison.
L’ostracisme prononcé contre Pétain et ceux qui de près ou de loin s’agglomérèrent autour de lui n’eut pas seulement pour effets d’accréditer durablement un mensonge historique, de propulser De Gaulle au pouvoir et de constituer une rente politique en faveur des exploiteurs de la mémoire gaulliste.
Cet ostracisme eut surtout pour effets proprement dévastateurs de diviser durablement la droite, d’inhiber ses protagonistes et de la couper de ses racines intellectuelles et morales, car sur ce plan l’Épuration emporta notamment la condamnation de Maurras et des principes fondamentaux qu’il avait reçus, défendus, illustrés et transmis.
Zemmour a donc lui aussi, n’en déplaise à l’amiral De Gaulle, politiquement raison de rétablir, certes à sa façon, une vérité dont la droite a besoin pour se libérer et redevenir elle-même.