Lectures Françaises

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Le roi n’est mort qu’une fois (4)

ByVincent Chabrol

Jan 22, 2022
le Connétable de Colombey

La libération du territoire se conjugua, l’Épuration aidant, avec l’enfermement des esprits. Avec, puis sans De Gaulle, sans, puis avec les notables de la Troisième, les vainqueurs de guerre civile accouchèrent d’une Quatrième République. Très logiquement, la valse des régimes débouchait sur la valse des gouvernements. Une seule continuité : la République, que la Constitution elle-même (1946) consacrait désormais comme « laïque ».

Mais face au cancer qui rongeait et l’Algérie et la France, il fallait une poigne chirurgicale, qui pour sauver et l’Algérie et la France, qui pour procéder à l’amputation désormais consentie par les puissances d’argent. On vit donc remonter en selle, comme pour le glorieux prédécesseur de 1940, avec la bénédiction de presque tous, le Connétable de Colombey, nanti d’une République cinquième du nom, véritable « monarchie républicaine », aux dires même de certains royalistes (1958). Comme il aurait fallu s’en douter, notre prince de l’ambigüité procéda à l’amputation que l’on sait. Mais trop indépendant et trop imbu de continuité historique, le « monarque républicain », auquel on prêta des velléités de Restauration, n’était pas assez républicain et était surtout beaucoup trop monarque aux yeux des partis et des dynasties bourgeoises, qui, passé le « joli mois de mai », qui renouvelait en mode farcesque les journées révolutionnaires de nos derniers siècles d’histoire, le supplantèrent par leur fondé de pouvoir (1969), puis par l’un de leurs illustres rejetons (1974).

Une fois conjurées les affres du socialisme (1981) et négocié le « tournant de la rigueur », François Mitterrand consacra le triomphe du libéralisme-libertaire, aboutissement logique de deux cents ans de Révolution, célébrées par lui en grandes pompes (1989) et solda définitivement ce qui restait de la souveraineté française dans la plaine de Maastricht (1992). Depuis lors, ses chaque fois plus pâles successeurs, vigilants incantateurs des « valeurs de la République », semblent vouloir finir de nous convaincre, à force de « grand déclassement » et de « grand remplacement », que ce grand désespéré d’Ernest Renan avait bien raison de conclure : « Le jour où la France coupa la tête de son roi, elle a commis un suicide. » (La Réforme intellectuelle et morale de la France, 1871.)