Le dernier Harouel est arrivé ! Avec une cible de choix : l’égalité ; une égalité passée au crible d’une critique méthodique, rigoureusement conduite, soutenue par une belle érudition, démontrant que, pour les sociétés, pour les peuples, elle est une malédiction. Ce constat, Jean-Louis Harouel l’avait déjà en grande partie dressé, en 1984, avec son brillant Essai sur l’inégalité [1], dans lequel il démolissait déjà ce mythe calamiteux de la pensée occidentale, destructeur de la société, du bien commun et de la civilisation. Il y montrait d’abord que l’inégalité n’a pas été un mal absolu, qu’elle est ainsi étrangère à la pauvreté et au sous-développement, mais aussi qu’elle fut un facteur décisif de l’accroissement des niveaux de vie, et la source majeure de la promotion des arts, des lettres, bref de la civilisation. J’avais lu – et j’ai souvent relu – avec un très grand plaisir cette étude passionnante, justement couronnée par l’Académie des sciences morales et politiques, qui ouvrait à la réflexion historique, politique sociale, de vastes horizons.
Jean-Louis Harouel revient aujourd’hui sur le chantier de l’égalité avec son nouveau livre, Les Mensonges de l’égalité [2], simplement par nécessité car la maladie égalitaire s’est considérablement aggravée, a connu de profondes mutations, entraînant des dérives qui défient l’entendement comme le wokisme, le transhumanisme, et un chaos social, économique, civilisationnel. La religion égalitaire est hégémonique ; elle pèse sur la société toute entière ; elle s’est emparée des institutions politiques, juridiques, sociales, a conquis les Églises, les académies, les universités. Elle est un mal qui ronge la France et l’Occident, et menace tout simplement leur survie.
L’égalité destructrice
La dictature égalitaire
L’égalité n’est pas une idée nouvelle. Elle est même très antérieure à sa proclamation dans la déclaration de 1789. Certes, au cœur de cette Antiquité fondamentalement inégalitaire, le christianisme a proclamé l’égalité de tous les hommes devant l’amour de Dieu pour qui « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » (Galates 3, 28). Mais saint Paul ne nie pas pour autant la réalité d’un monde terrestre dominé par l’inégalité. Toutes les doctrines égalitaristes issues du christianisme furent des hérésies, notamment les hérésies millénaristes préfigurant les systèmes communistes. Ce millénarisme procède par dialectique trinitaire, comme celle des trois âges de Joachim de Flore et qu’on retrouvera dans l’idéalisme allemand, notamment chez Hegel. De fait la plupart des mouvements présocialistes ont une dimension millénariste fondée sur l’idée d’un troisième âge, d’un paradis terrestre égalitaire, mais un paradis totalitaire, puisqu’il s’agit de niveler radicalement une société fondamentalement inégalitaire. La Cité du Soleil de Tommaso Campanella est étatique, égalitaire et collectiviste, où la propriété privée est abolie, où la servitude volontaire est prônée comme une vertu. Les communismes contemporains, soviétique, cubain, chinois, khmer, nord-coréen, n’ont rien inventé. La recherche forcenée de l’égalité se heurte fatalement à la réalité d’une inégalité fondamentale et d’une manière sanglante, avec des dizaines de millions de morts. Il en fut ainsi pour les aristocrates sous la Terreur, pour les koulaks, les paysans russes sous Lénine et sous Staline, pour les bourgeois mandarins révisionnistes, en Chine pendant la révolution culturelle , pour les intellectuels au Cambodge des Khmers rouges.
L’égalitarisme social-démocrate : un totalitarisme mou
La social-démocratie, qui a marqué et continue de marquer nombre de sociétés occidentales, n’est qu’une forme atténuée du totalitarisme socialo-communiste. Elle a certes renoncé à l’économie collectiviste, mais garde toujours la volonté de promouvoir une société toujours plus égalitaire en mettant en œuvre l’ « État-providence », avec sa fiscalité égalisatrice et confiscatoire et sa sur-réglementation de l’activité économique et sociale.
D’ailleurs, l’égalitarisme a dépassé le seul cadre économique. Il s’est étendu à tous les domaines de la société. En France, depuis plus d’un demi-siècle, au nom de l’égalité, les gouvernements successifs ont entrepris une démolition complète de l’enseignement avec la suppression des modes classiques, « élitistes », inégalitaires de transmission du savoir. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
Jean-Baptiste GEFFROY
[1] – PUF, 1984.
[2] – Jean-Louis Harouel, Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident. Éditions de L’Artilleur, 2023.
Cet extrait du numéro 800 (décembre 2023) de Lectures Françaises vous est offert. Pour lire la suite, commandez le numéro ICI !