Un ouvrage que l’on qualifiera en premier lieu de très sérieux, rédigé par un moine bénédictin ayant su faire honneur à la réputation de son ordre tant le travail proposé ici est méticuleux (on en veut pour preuve, en guise d’introduction à son étude, plus de vingt pages de sources référencées). L’auteur n’hésite d’ailleurs pas, lorsqu’il le juge nécessaire, à remettre en doute la véracité ou la précision de certaines d’entre elles, et ce qu’elles soient plus ou moins anciennes, faisant ainsi fonctionner notre esprit critique tout en rendant notre lecture déjà bien enrichissante encore plus attractive. Le sujet abordé, absolument passionnant, renvoie à des heures glorieuses de l’histoire de notre civilisation, mettant en avant, et ce fort logiquement, des figures exceptionnelles comme saint Patrice ou saint Colomba, mais également saint Ninian, saint Fursy ou encore saint Gall. Le rôle magnifique et décisif que ces hommes de Dieu jouèrent dans l’évangélisation de peuples aussi durs et opiniâtres que les Pictes, les Scotts mais aussi les Bretons est remarquablement mis en avant, de même que la description du monde monastique et de la vie religieuse de l’époque. On appréciera l’analyse très détaillée de l’activité littéraire, philosophique et artistique de l’époque, nous révélant un monde d’une extrême richesse en pleine effervescence. Les ennemis de l’Église sont également présents, comme le célèbre hérétique Pelage, des druides hostiles et leurs sanglantes diableries (rappelons que l’élite mondialiste actuelle se revendique en partie du druidisme païen) ; les terribles Vikings et leurs raids permanents (notamment les Danois), mais également des moines rebelles, comme il y en a toujours eu hélas, dont la particularité était d’adopter une tonsure originale que l’on appela « la tonsure de Simon le Magicien ». Le monde païen justement, avec ses croyances et ses mystères plus ou moins morbides est loyalement décrit par l’auteur, de même que les mœurs de l’époque qui étaient pour le moins rudimentaires :
« Le droit de découper, dans un festin, était réservé au plus brave, c’est-à-dire à celui qui avait tranché le plus de têtes humaines. Chacun commençait par énumérer ses exploits sanglants. Il s’ensuivait des contestations violentes qui s’achevaient généralement par de nouveaux coups meurtriers. » (p. 10).
Voyons maintenant comment la décapitation était perçue par les catholiques irlandais :
« En Irlande, la confession était très usitée, même parmi les séculiers. Le nom dont désignait le confesseur mérite d’être noté. On l’appelait, dès l’époque du vieil irlandais, anmachara, ce qui veut dire “ami de l’âme”. “Un homme sans anmarcha, aurait dit Comgall de Bangor, le maître de Colomban, est un corps sans tête.” » (p. 278).
Aussi, en ces temps de négationnisme historique absurde et odieux dont l’objectif plus ou moins avoué est d’effacer de nos mémoires l’existence d’hommes et de femmes d’une bravoure admirable (saints et saintes, missionnaires, martyrs…) qui surent vivre leur foi jusqu’au bout et montrer l’exemple à l’humanité, la lecture de ce beau livre, vrai travail d’érudition, s’avère plus que recommandée.
Éditions Saint Rémi (1re éd. 1911), 412 pages, 28 €
I. C.
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