Mit brennender Sorge est une encyclique du pape Pie XI, publiée le 10 mars 1937. Frappé d’illégalité sous le régime nazi, son texte est distribué secrètement dans toutes les paroisses d’Allemagne et y est lu publiquement, le 21 mars, dimanche des Rameaux 1, 2. En raison de son caractère politique décisif, l’encyclique a été écrite exceptionnellement en allemand plutôt qu’en latin [1].
Nous avions eu l’occasion, il y a quelques années de découvrir l’histoire de ces jeunes résistants chrétiens allemands qui s’étaient levés contre le nazisme sous le nom de la Rose Blanche. Bien qu’admiratif de leur action, je l’avais jugée, comme d’autres, un peu folle et téméraire devant le pouvoir satanique qu’ils prétendaient abattre. Mais, il importe aujourd’hui d’en apprendre plus sur la vie de ces jeunes gens, alors qu’il nous semble que pour la jeunesse actuelle c’est souvent le temps de l’insouciance (« Jugend ist oft eine Zeit der Nachlässigkeit »).
Dans ce livre consacré au mouvement de la Rose Blanche, le récit est orienté principalement autour de la figure de Hans Scholl, qui a été à l’origine de cette organisation avec son ami Alexander Schmorell et aussi, celle de Sophie, la sœur de Hans.
La famille Scholl, avec son sens de l’amitié, transmis aux enfants paraît bien avoir été la matrice de ce cercle. C’est une famille restée unie malgré les conflits qu’elle a connus pendant l’adolescence des enfants, mais réunie et ressoudée pendant l’épreuve. C’est bien autour d’elle que Hans et Sophie ont pu agréger leurs amis de leur âge, mais aussi leurs compagnons de route souvent des aînés, qui les ont initiés à cette grande aventure intellectuelle, devenue une grande aventure politique.
Hans Scholl a su rassembler par son énergie et son charisme, beaucoup d’amis qui ont pris part à son combat de manière décisive.
Un autre groupe d’une autre génération, des professeurs de Munich, des architectes, des moines bénédictins, par leurs conseils, leur culture, leurs informations, ont permis à la Rose Blanche de passer à l’action.
Les lettres de Fritz Hartnagel, le fiancé de Sophie, sont très significatives de la situation politico-sociale des allemands de l’époque. Depuis la chute du mur (1991) on n’a pas cessé de découvrir des documents confisqués par les nazis, qui ont permis d’en savoir plus.
Nous sommes très reconnaissants à Henri Peter de nous avoir fait connaître à travers ce livre la vie détaillée de ces jeunes gens et de l’entourage des professeurs qui les ont suivis.
Il nous apprend que le nom de la Rose Blanche vient d’un poème de Clemens von Brentano. Symbole de pureté et de salut en analogie avec la prière du rosaire, la rose blanche évoque aussi la foule des saints dans la Divine Comédie de Dante. Elle est l’emblème de résistants chrétiens au nazisme dont Henri Peter retrace ici le destin. Fasciné par leur martyre, il leur donne la parole à partir de documents jamais traduits sur leur foi chrétienne et leur combat antitotalitaire. Après les tragédies du XXe siècle, d’autres ténèbres obscurcissent le monde contemporain, et leur héroïsme peut inspirer les apôtres d’une culture de vie chaque jour plus bafouée par les nouveaux tenants des idéologies contre-nature, homicides et liberticides.
Tout d’abord, il convient d’évoquer la famille Scholl qui fut un lieu de rencontres avec toute une jeunesse. Robert et Lina Scholl eurent six enfants. Leur mère très pieuse transmettait sa foi dans le Sauveur et conduisait les enfants à l’église protestante.
Les enfants étaient des « rats de bibliothèque » et très tôt manifestèrent leur goût pour la lecture qui les suivit toute leur vie. Plus tard ils liront plutôt les pères de l’Église, saint Thomas d’Aquin puis Newman, suivant les conseils de leurs nouveaux mentors catholiques :
- Carl Muth (1867-1944), philosophe et politicien.
- Theodor Haecker (1879-1945), écrivain.
- Ernst Wiechert (1887-1950). Professeur. Adversaire résolu des nazis, Il choisira de ne pas se taire mais de faire connaître sa position dans deux discours prononcés en 1933 et 1935 devant les étudiants de Munich.
Il refusa publiquement de voter l’Anschluss. Il fut interné à Buchenwald en 1938.
- Franz Jägerstätter (1907-1943). Le héros résistant autrichien refusa le vote de l’Anschluss et fut exécuté le 9 août 1945 à Berlin.
Inge, l’aînée des Scholl, n’a que quinze ans mais elle est fascinée par Hitler, voici sa version : « Hitler promis d’apporter la grandeur et le bien-être, mais surtout il y avait l’attrait de la jeunesse, défilant avec des drapeaux, ses chants entraînants ». Hans comme sa grande sœur était séduit par le slogan « la jeunesse conduit la jeunesse », l’exaltation du sport et des corps, et la possibilité de prendre la direction d’un groupe.
Robert Scholl, leur père, multipliait les avertissements en comparant Hitler au joueur de flûte d’Hamelin. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
Jacques VILLEMONAIS
[1] – Le cardinal Pacelli, cardinal secrétaire d’État (futur pape Pie XII) avait signé avec le vice-chancelier allemand Franz von Papen le concordat du 20 juillet 1933, qui très rapidement ne fut pas respecté. Le cardinal Pacelli adresse en vain, de 1933 à 1939, 45 notes de protestations au gouvernement allemand.
La résistance au nazisme n’est pas uniquement le fait de catholiques. Dietrich Bonhöffer (1906-1945), pasteur et théologien protestant de grande valeur, membre influent de l’Église confessante, mena une activité d’aumônier auprès d’une colonie allemande aux Etats-Unis, puis ensuite en Angleterre. Il rentra en Allemagne en 1939. Antinazi, il anima la résistance d’une partie de l’Église luthérienne allemande. Il fut incarcéré en prison à Berlin puis envoyé au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière où il fut exécuté par pendaison le 9 avril 1945.
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