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La mort en douce

BySaint-Hiéron

Mar 25, 2024 #euthanasie
La mort en douce

« Ils étaient tueurs de l’aube, ils le sont devenus du crépuscule»

Jérôme Lejeune [1]

Suite à la consultation d’une Convention citoyenne (150 personnes, aux conclusions prévisibles) lancée par Élisabeth Borne en décembre 2022, la ministre Agnès Firmin Le Bodo a remis le 6 octobre dernier au président de la République une première version d’un projet de loi donnant droit au « suicide assisté » et à « l’exception d’euthanasie ». Le chef de l’État avait à plusieurs reprises exprimé son souhait d’une évolution de la bioéthique vers le « modèle belge ». Le texte semble encore suspendu à ses « arbitrages », soit qu’il souhaite éviter « une fronde des soignants » (Le Monde, 15 novembre 2023), soit qu’il « oscille », ayant « en la matière une opinion personnelle qui, comme celle de nombreux Français, peut évoluer, évolue, évoluera, qui le sait ?» [2]

Souhaitons vivement une évolution tout autre qu’à la « belge ou à la néerlandaise » – pays où un médecin peut remettre un petit flacon à un enfant de douze ans pour qu’il choisisse entre la vie et la mort –, et que les hésitations, sous « pressions politiciennes » [3], ne « basculent », pour reprendre le terme employé des soignants dans ce domaine, du côté de la société de la mort en douce.

Comme l’a dit la fondatrice de l’Association nationale française des infirmiers en pratique avancée (Anfipa), la bien nommée Sophie Chrétien : « je n’ai jamais oublié à quel point je me suis sentie seule, ce jour-là [où elle a « senti la mort au bout des doigts » alors qu’elle devait faire une injection à un(e) enfant de quatre ans]. À quel point j’ai été mal avec cette possibilité de toute puissance »[4].

Ce n’est pas une vie que le président tient au bout de ses doigts, des centaines peut-être, et celle de « la fille aînée de l’Église », « éducatrice des peuples » (Jean-Paul II) !

Brefs rappels sur la position catholique

L’Écriture sainte interdit le meurtre et le suicide, meurtre contre soi-même et usurpation d’un droit qui n’appartient qu’à Dieu, celui de donner et d’ôter la vie qu’il a créée. Le « tu ne tueras pas » ou plutôt le : « tu ne commettras pas de meurtre (c’est-à-dire tuer injustement) » est dans les dix commandements », mais on oublie souvent que la morale catholique n’interdit pas de tuer pour des raisons de justice (peine capitale) ou de défense (légitime, de la patrie). Saint Thomas d’Aquin écrit dans la Somme théologique que le cinquième commandement sous-entend le mot « injustement ». Cependant, la vie morale ne présente pas des situations toujours nettes, comme cela semble être le cas pour certaines fins de vie. « Semble »…, car le battage des clameurs eugéniques trompe sur le nombre et la réalité des situations, pas toujours aussi déchirantes qu’on le proclame de l’avis des praticiens.

La doctrine distingue une euthanasie dite « directe » et une euthanasie « indirecte », qui sont active ou passive. Ce n’est pas la même chose de procéder à une injection mortelle (directe active) ou par sédation continue (indirecte active), mais l’intention d’ôter la vie est là.

Dans le cas d’une sédation augmentée pour soulager le patient l’intention n’est pas d’ôter la vie, on diffère autant qu’on le peut le moment de la fin, sans illusions peut-être, avec la foi et l’espérance parfois, celles d’un temps qui peut être celui de la vraie « bonne mort », d’où l’importance du prêtre et des sacrements à ces heures.

Cela ne revient pas au même de débrancher un respirateur artificiel (mort indirecte, active il me semble) ou de ne plus hydrater et alimenter (éventuellement par sonde), deux actes qui auront des effets ultérieurs, mais tueront peut-être cruellement (mort de faim et de soif dans le deuxième cas, indirect et passif) le patient qu’on prétend soulager de ses douleurs.

Les catégories objectivantes et leurs degrés ont une grande importance pour mettre en balance des devoirs contraires et prendre une décision « en conscience », ce qui est également sûr c’est que ces choix peuvent être ou ne pas être animés d’une intention droite (qui veut résolument le bien) et éclairée (qui s’est donné les moyens suffisants pour le connaître et l’obtenir), l’intention, comme la préméditation, étant avec la finalité et la situation objective, une des conditions pour juger d’un acte moral. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

SAINT-HIÉRON

[1] – « L’euthanasie en douceur ? », Fideliter no 272, mars-avril 2023.

[2]lemonde.fr, 25/09/2023 : « Fin de vie : l’ébauche du projet de loi sur le bureau d’Emmanuel Macron ».

[3] – La dernière proposition de loi émise à l’Assemblée nationale, parmi d’autres, pour faire un pas de plus vers « l’aide à mourir » remonte à janvier 2021.

[4] – « Euthanasie, Parole de soignants face au geste létal », Le Monde du 15 novembre 2023.

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