Lectures Françaises

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Contre le métagénisme

Dans le récent ouvrage que j’ai publié aux éditions Via Romana [1], je mets en accusation une école de pensée dont j’essaie d’extraire les principes au-delà des polémiques internes que cette école peut connaître. Jusqu’ici nous avions l’habitude de parler de théorie du genre, ou de faire référence aux « études de genre » qui ont prospéré outre-Atlantique depuis les années 90. Mais ces termes restaient incomplets, car ils ne rendaient pas compte de toute la nocivité que ce mouvement charrie. On parle de plus en plus de l’idéologie woke aujourd’hui. Cet activisme entre tout à fait dans le champ de la théorisation que j’esquisse, alors qu’il s’est cristallisé autour de revendications bien différentes que les revendications de « genre » même s’il les assume.

Dans la perspective des théoriciens qui animent les mouvements subversifs dont nous parlons, il s’agit de faire converger des luttes. Car, pour eux toutes les discriminations sont fondées sur des constructions sociales qu’il s’agit de dépasser. Toute catégorie de sexe, de race, ne sont pour eux que des catégories artificielles qu’il faut présenter comme telles pour pouvoir les changer selon les nécessités sociales du moment. D’où le néologisme métagénisme par lequel j’ai qualifié tous ces courants, la racine méta indiquant cette prétention à aller au- delà des genres, des catégories. Il ne s’agit pas de rajouter un énième mot tiroir au contraire, je me suis efforcé de dénoncer des principes philosophiques qui sont à l’œuvre, parfois à l’insu des partisans de cette école.

Les révolutionnaires et tous les gouvernements autoritaires ont eu recours depuis le siècle dernier à la propagande de masse. L’extension toujours croissante de la technologie facilite désormais une intrusion permanente dans la conscience des hommes, via l’ensemble des médias disponibles. Il suffit désormais de contrôler les agences de publicité, les réseaux sociaux, pour faire caisse de résonance aux médias traditionnels. La force de frappe impressionnante de la propagande en ce début de siècle a permis de faire avancer ces questions en quelques années au point qu’elles sont devenues inévitables et qu’elles touchent tous les milieux, même les plus préservés en apparence.

Il y a donc urgence à comprendre en profondeur la pensée mortifère qui préside à une destruction encore plus avancée de la civilisation. L’humanité en entier est menacée même si pour l’instant la cible prioritaire semble être le mâle blanc, bouc émissaire facile qui permet de masquer l’amplitude de l’attaque contre la nature humaine.

Il faut donc dévoiler ce qu’est le fond philosophique de cette idéologie hautement toxique qui étend son œuvre de dissolution. Dénoncer ne peut être la seule attitude que nous adoptions pour nous défendre. Il faut proposer une alternative complète à la vision métaphysique et politique qui se met en place. On peut à cet égard distinguer une vue philosophique et une perspective plus surnaturelle.

La mutation d’un vieux virus

Nous avons un peu vite enterré le marxisme lors de la chute de l’URSS, car la réalité géopolitique de l’empire rouge a fait oublier que la principale force de frappe du communisme était sa doctrine. Ce qui rend ce mouvement semblable à une hydre dont on coupe les têtes qui repoussent ailleurs, ce n’est pas la pertinence de ses analyses économiques mais sa philosophie qui offre une vision complète du monde. Qui plus est, se fondant sur un évolutionnisme radical il est à même d’offrir des visages perpétuellement nouveaux. C’est exactement ce qui s’est passé dans l’histoire qui nous occupe. Les métagénistes sont à l’origine des marxistes non orthodoxes qui ont appliqué certaines grilles d’analyse marxiste aux rapports entre les sexes. Sachant que le marxisme n’a jamais vraiment perdu d’influence au sein d’une certaine intelligentsia et qu’il tend à en regagner depuis la crise du libéralisme économique initié en 2008, le terrain était favorable pour recevoir cette nouvelle mue. Même si aujourd’hui quelques rares voix de marxistes orthodoxes s’élèvent contre l’idéologie woke, comme celle de Loïc Chaigneau (cf. son livre Marxisme et intersectionnalité), disciple posthume de Michel Clouscard, ce marxisme de vieille école a fait date et sa parole reste relativement inaudible dans le concert des matérialistes qui ne peuvent que se rallier à la nouvelle version du marxisme.

Dès les années 90, le Vatican avait déjà senti le problème arriver puisqu’il intervenait à la conférence de Pékin en 1995 pour insister sur l’identité entre genre et sexe biologique. Ce sont des intellectuelles américaines Joan Scott ou Judith Butler, influencées par des penseurs français tels qu’Althusser ou Foucault qui avaient ouvert une brèche dans le mur de fondation de la société humaine. Elles défendirent l’idée que le genre, c’est-à-dire la place sociale des sexes, était une construction qui n’avait rien à voir avec la biologie humaine. Cette dernière n’a pour les métagénistes aucune signification sociale particulière. Cette brèche entre les sexes politisés et les différences sexuées biologiques n’a depuis lors cessé de s’étendre, car elle a trouvé des relais universitaires et médiatiques puissants. Les féministes matérialistes plus axées sur la question de l’oppression économique des épouses par les maris ont intégré à leur tour cette réflexion pour attaquer ce que tous les métagénistes, et par-delà eux, les matérialistes marxisants, dénoncent : une prétendue naturalité de la vie politique de l’être humain. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

Abbé Renaud de SAINTE MARIE

[1]La Supercherie du Genre (novembre 2022, 96 pages, 10 €).

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