Alep : petit rectificatif en faveur du réel…
Lu dans Présent :
Désinformation sur Alep
Il pourrait être amusant, si ce n’était dramatique, de constater que seuls les journalistes qui ont eu le courage d’aller jusqu’à Alep pendant cette guerre livrent aujourd’hui un message sensiblement différent sur l’actualité de cette ville martyre.
Depuis plusieurs semaines, les têtes d’affiches médiatiques et politiques martèlent le même discours : les quartiers est de la ville d’Alep sont bombardés par les armées russe et syrienne et personne ne peut rester indifférent devant la mort de tant de civils. Personne ne pourrait en conscience contester la seconde partie de la phrase : ce quotidien de deuil est injuste pour toutes les familles innocentes du pays.
Sauf qu’une question vient immédiatement à l’esprit de quiconque a visité les quartiers ouest de la ville depuis cinq ans : où étaient ces bonnes âmes lorsque les civils étaient privés d’eau et d’électricité, et bombardés jour et nuit par ces « rebelles » que trop d’Occidentaux ont continué à croire « modérés ». Le correspondant du journal`qatarien Qads al-Arabi, à Alep, écrivait ces jours-ci : « Les groupes (rebelles) ont oublié l’obligation religieuse de s’unir entre eux ». Qui peut encore croire, alors que toutes les factions rebelles déplorent aujourd’hui leur désunion, que les différences entre ces groupes aient été essentielles ?
L’armée syrienne a en effet forcé, ces derniers jours, les rebelles — qui sont objectivement des terroristes et rien de moins — à quitter leur bastion de la vieille ville. Ils se regroupent désormais dans trois quartiers du sud de la ville que le gouvernement syrien devrait réussir à évacuer rapidement.
Des civils meurent dans ces combats, bien sûr. Mais des deux côtés ! Pourquoi manipuler l’opinion occidentale au point de lui faire croire que l’on meure d’un seul côté de la barricade… ? Bachar el-Assad a refusé tout cessez-le-feu, c’est vrai aussi. Mais pourquoi ne pas préciser que ce sont ces terroristes qui ont systématiquement rompu, sans prévenir, les trêves imposées par les Russes et précédemment acceptées par le gouvernement syrien ?
Des civils sont bloqués dans les quartiers est d’Alep, c’est encore une fois exact. Mais pour quoi ne pas décrire honnêtement la situation ? Des couloirs humanitaires ont été régulièrement ouverts pour ces civils des quartiers est, des snipers les ont visés depuis les quartiers rebelles alors qu’ils tentaient de fuir. D’autres soutiennent idéologiquement les rebelles et refusent de quitter ces quartiers : ils choisissent un camp et la guerre se poursuit. L’atrocité est celle de la guerre, et non celle d’un gouvernement qui se défend, le constat n’enlève rien aux critiques politiques légitimes par ailleurs, contre des rebelles unis par l’islamisme.
Pourquoi ne montrer que des civils des quartiers est terrorisés par le gouvernement syrien alors que circulent également de nombreuses vidéos montrant des familles entières passer à l’ouest avec des cris de joie… ? Ces questions sont évidemment rhétoriques et la réponse est politique : la diplomatie française a décidé de défendre envers et contre tout un plan d’action qui a pourtant échoué dans le pays. Les médias abondent docilement dans le même sens. Sauf pour ceux qui ont eu l’honnêteté de faire leur métier malgré tout, en envoyant quelqu’un sur place.
MARIE POMMERET
marie-pommereepresent.fr
Présent, n° 8752, 9 décembre 2016