Voter gaulliste c’est aussi voter pour le communisme (N° 117-118 de janvier-février 1967)
Dès son investiture, Donald Trump, le nouveau président des États-Unis, signe ses premiers actes de gouvernement : suppression des subventions aux ONG prônant l’avortement, sortie du traité de libre-échange transpacifique défini par la présidence précédente (tiens, une bonne nouvelle : au moins on ne devrait pas voir naître le Tafta). Les lignes sont en train de bouger, Trump semble axer son mandat vers un capitalisme à tout va, et s’éloigner d’un socialo-communisme défendu par son prédécesseur. Il vient du supprimer ce qu’Obama a toujours considéré comme l’avancée de son mandat : l’Obamacare, un mastodonte comparable à la Sécurité sociale française. Système qui plombe chaque année les comptes des entreprises des employés du privé, en taxant le produit du travail pour financer la politique d’assistanat menée tout au long de la Ve République.
Ici, en France, les socialistes s’affrontent dans l’arène, en se traitant de tous les noms d’oiseaux. Il ne leur suffit pas de toucher à tous les chiffres des sondages électoraux, ou du chômage, les voici même entre eux, dans une primaire, à mentir sur la participation au scrutin, de peur de se trouver ridicules : il y a eu plus de Français dans la rue lors de la loi sur le « mariage pour tous », que de sympathisants du PS à aller voter au premier tour de la primaire ! Un comble pour un gouvernement encore en place.
Récemment, je relevais une petite polémique entres deux rédacteurs de l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Éric Brunet, dans son billet du 5 janvier (n° 4180), fustigeait la responsabilité de De Gaulle dans le développement de la France communiste. Son confrère, Philippe Barthelet, fervent gaulliste, n’a semble-t-il pas apprécié (voir le n° 4182) : De Gaulle mon intouchable. Si De Gaulle décide de s’allier avec Staline en 1941, en 1967, la guerre était finie depuis 12 ans, comme nous allons le voir, c’est bien sciemment que celui-ci s’est rapproché du PCF. Mais oui, « voter gaulliste c’est aussi voter pour le communisme ». C’est ce que nous prouve la rédaction de Lectures Françaises, en ce mois de février 1967. Alors je remercie Éric Brunet, pour cette petite mise au point. Mais attention, faire de l’antigaullisme, cela ne plaît pas aux gardiens du politiquement correct.
François-Xavier d’Hautefeuille
Voter gaulliste c’est aussi voter pour le communisme
Politique Éclair, l’hebdomadaire confidentiel que dirige notre ami M. Jean-Etienne Battini, qui est spécialiste averti de la politique communiste, étudie dans l’un de ses récents numéros, la tactique du P.C.F. à la veille des élections générales.
Il souligne que les apaisements donnés au cours du dernier congrès communiste n’ont pas complètement rassuré les militants : ceux-ci se demandent s’il est opportun d’approuver publiquement les « aspects positifs » de la politique extérieure du général-président.
Des lettres, nous dit Politique Éclair, ont été adressées au Comité Central du parti ; on a protesté dans certaines cellules.
La direction du parti a décidé de réagir ; elle s’est contentée de poser une seule question : « Le gaullisme favorise-t-il le communisme ? ».
C’est une question à laquelle Politique Éclair a répondu depuis de nombreuses années, mais il est indéniable que bien des Français doutent encore ; ils ne pensent pas que la « collusion » nous mènera à la démocratie populaire.
Pour mieux convaincre ces indécis, nous leur soumettrons, aujourd’hui, un document destiné aux cadres du P.C., document rédigé par un théoricien éminent, M. Robert Bouvier.
Nous savons, certes, explique Politique Éclair, que la lecture des textes communistes n’est jamais « excitante », mais nous insisterons auprès de nos amis : qu’ils aient le courage de prendre connaissance des lignes qui vont suivre et, sans aucun doute, la conclusion les édifiera.
Car M. Robert Bouvier nous le dit nettement : LA POLITIQUE GAULLISTE FAVORISE LE COMMUNISME. Cette fois, il ne s’agit pas d’une interprétation, mais d’un document authentique dont voici l’essentiel :
« La déclaration de Rambouillet constate que de l’avis des deux parties, il doit s’ensuivre un développement des relations dans tous les domaines et entre tous les Etats européens, à l’image de la coopération qui s’organise et se développe entre la France et l’Union soviétique.
« Il est encore trop tôt, certes, pour vérifier cette assertion dans les faits. Mais n’y a-t-il qu’une coïncidence dans l’espèce de concurrence qui se manifeste entre les Etats européens occidentaux pour exprimer un désir d’ouverture vers l’Est, ou dans le changement de langage qu’on peut observer aussi bien en Allemagne de l’Ouest que lors de la dernière session de l’O.T.A.N. ?
« Il n’est pas interdit de voir dans l’atténuation du ton de la guerre froide, dans les références à la détente, une influence au moins partielle des nouveaux rapports franco-soviétiques. Et c’est un signe positif, même si les paroles ne suffisent pas à affecter la nature foncièrement nocive de la politique dite « atlantique » et de l’orientation ouest-allemande.
« Quoi qu’il en soit, les premiers effets, du point de vue de l’intérêt national, se traduisent pour notre pays par un renforcement de sa sécurité et de sa liberté d’action, par un accroissement de son autorité internationale, par de plus grandes possibilités de résister aux pressions de l’impérialisme américain.
« Ils se manifestent dans des moyens accrus d’accélérer, dans des secteurs-clés, notre développement scientifique et technique, sans aucun dommage pour notre indépendance nationale.
« Du point de vue proprement économique, la réalisation des accords conclus permet notamment de combler une part sérieuse des insuffisances du commerce extérieur français dans le secteur important des industries mécaniques et des biens d’équipement, où l’U.R.S.S. se place comme premier client de la France, en absorbant environ le tiers de ses exportations. Le développement actuel des relations laisse entrevoir de nouveaux débouchés dans le domaine du textile et d’autres biens de consommation, ou encore dans celui des constructions navales, etc. Dans tous ces domaines, plus ou moins atteints ou menacés de marasme, la création de ces nouveaux débouchés apporterait un bienfait immédiat aux travailleurs.
« Il y a donc bien, comme le confirme la déclaration de Rambouillet, concordance entre les intérêts nationaux des deux pays.
« Il est à noter enfin que tous ces résultats – au plan économique comme au plan politique – ne sont en aucune façon acquis au détriment du socialisme, mais que, dans le cadre international comme dans le cadre national, ils créent des conditions plus favorables au développement de ses forces, dans la mesure où celles-ci savent s’en servir. Par exemple, comme l’a remarqué le récent congrès de la Fédération Syndicale Mondiale, le commerce avec les pays socialistes est susceptible de limiter les effets nocifs de l’emprise des monopoles, avec des répercussions positives sur le niveau de vie des travailleurs.
« Toutes ces observations viennent à l’appui de l’appréciation positive portée par le Parti communiste français sur les actes de la diplomatie gaulliste qui favorisent le rapprochement franco-soviétique : il convient de les juger à leur contenu et à leurs effets objectifs, quelles que soient les motivations qui les expliquent ou les arrière-pensées qu’ils dissimulent. »
Ainsi, en ce mois de janvier 1967, les dirigeants du P.C., s’adressant aux militants, reconnaissent que, « dans le cadre international, comme dans le cadre national », les initiatives gaullistes servent le « socialisme », c’est-à-dire un système qui a déjà été imposé à la Tchécoslovaquie, à la Hongrie, à la Pologne, etc.
Il est regrettable que la grande presse s’abstienne de reproduire de tels textes.
Après avoir lu ce document, les militants du P.C. ne manqueront pas de dire : « De Gaulle sert NOTRE cause ». Et ils comprendront mieux les raisons pour lesquelles, au second tour, on les invitera discrètement à sauver le candidat du pouvoir.
Le P.C. estime que la politique extérieure du général a permis au communisme de faire un « pas en avant ». Cette politique, ajoute M. Bouvier, constitue un facteur d’union des forces démocratiques et un encouragement à leur action ».
Pourtant, dira-t-on, le parti de M. Waldeck Rochet se situe dans « l’opposition ». Cette tactique ne trompe personne, pas même M. Jacques Duclos qui avouait récemment : « Si nous n’avions pas conclu un accord avec la Fédération, les socialistes se seraient unis au Centre démocrate de Lecanuet et nous aurions eu une majorité atlantique. C’est cela que nous avons voulu éviter ».
Conclusion : les gaullistes et les communistes mènent le même jeu anti-occidental.
P. E.