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Vladimir Poutine reçu à Trianon

ByLectures Francaises

Juin 9, 2017

Trois siècles après Pierre le Grand, son prédécesseur le président Poutine est invité à Versailles. Avec Macron dans le rôle du Régent…

Lu pour vous dans L’Action Française 2000

Le président russe revient sur les traces de Pierre le Grand, tandis qu’Emmanuel Macron se retrouve, quant à lui, dans le rôle du Régent…
L’information est arrivée par le journal russe Komersant. Le président Poutine se rend le 29 mai en France en voyage officiel. Le Kremlin puis l’Élysée l’ont confirmé. Tout cela était inattendu. Poutine rejoue l’impromptu de Versailles. Tout cela est aussi fort sympathique. Mais quand on se souvient de l’affront infligé par Hollande au président russe en octobre dernier, lui signifiant qu’il était un importun à Paris, on peut se demander ce qui pousse Macron à ouvrir les portes de Trianon trois semaines à peine après l’élection du jeune Picard.

Le candidat Macron n’avait pas les faveurs de Moscou. C’est le moins que l’on puisse dire. Fillon était l’enfant chéri. Les autorités russes l’avaient adopté. Son entourage, lors de son long passage à Matignon, avait de quoi rassurer. Igor Mitrofanoff ou Jean de Boishue, l’un et l’autre d’origine russe, étaient des conseillers très écoutés de l’ancien Premier ministre. Sous un Sarkozy indifférent aux questions russes, cette équipe avait su nouer avec Moscou des liens rassurants. Fillon éliminé, on se prit, sans trop d’illusion, à espérer en Marine Le Pen qui fit le voyage de Moscou. Macron, sorti de l’équipe Hollande si désastreuse en diplomatie, n’a rien pour plaire au gouvernement russe comme à la population, du moins la part qui s’intéresse encore à la France.

L’affaire de «l’influence russe» dans la campagne présidentielle fit sourire en Russie. La France serait-elle aussi une «république bananière», si fragile que le suffrage peut être influencé par des petits génies du clavier ? De toute façon, il était difficile de voir dans la Macronie en campagne une once de sympathie à l’égard de la Russie, ni même une quelconque idée originale en matière de politique étrangère. Le jeune homme fait les gorges chaudes des chroniqueurs télévisés russes. Avec le bon goût qui caractérise les médias d’aujourd’hui, on se gausse de son jeune âge, de sa vie conjugale qui laisse entrevoir une absence de progéniture. Bref, le « clown Macron » comme l’appelle l’animateur vedette Kissilev, n’a pas conquis le public russe. À cette commisération vient s’ajouter une série d’informations dignes du «french bashing» dont, de leur côté, les Américains sont si friands. On l’attendait moins du côté russe. Ainsi, parmi les perles de la grande presse, les Izvestia nous apprennent que l’enseignement de l’arabe devient obligatoire en France ! La violence des rues françaises agrémente les journaux télévisés. Bref, sur les chaînes russes, c’est Fox News sur Moscowa.

Il est vrai que la presse française est à l’unisson sur la Russie de Poutine. Il suffit de regarder les «unes» dans nos kiosques pour voir à quel point la Russie n’a pas la faveur des médias français, ceux-là même qui portèrent Macron sur son chemin de roses élyséen. La «russophobie» (la phobie est à la mode) est un sport assez facile à pratiquer, comme la pétanque en vacances. Alors pourquoi cette visite de Poutine si précoce ? Et à Versailles ? L’initiative revient aux Russes. Pour le Kremlin, il faut avancer vite, prendre l’initiative, avoir un coup d’avance et montrer à son opinion que le pragmatisme vaut mieux que toutes les postures définitives, embargo oblige. L’Élysée et le Quai d’Orsay font le service minimum, pas de commentaires. Pour Macron, conseillé par Philippe Étienne, un briscard des affaires étrangères, c’est la possibilité de revenir dans la discussion internationale après l’inaudible Hollande. Mais la Russie est un partenaire difficile, exigeant et peu en phase avec les présupposés européens ou atlantistes de l’oligarchie française. Macron prend quand même le risque d’affronter les critiques de ses partisans. Les sujets de discussion ne manquent pas : Syrie, Ukraine et, surtout, terrorisme musulman. Après la modestie de la compassion au lendemain de l’attaque de Petersbourg (la tour Eiffel fut éteinte vingt-quatre heures après et à minuit, les Russes apprécièrent modérément), il est temps de travailler à combattre l’ennemi commun et de renouer un dialogue. Il faut effacer, ce sera difficile, les deux derniers quinquennats si calamiteux. Les Allemands ou les Scandinaves ont des longueurs d’avance malgré le discours officiel critique à l’égard de la Russie.

Pour cela, il y a la rencontre de Trianon. Vladimir Poutine veut oublier l’affront d’octobre. Peut-être l’objectif russe est-il de faire coïncider ce déplacement avec celui de Trump à Bruxelles. Ce n’est pas impossible. Mais le symbole est fort. Il y a trois siècles, Pierre le Grand prenait le même chemin. L’exposition qui doit être inaugurée par le président de la Fédération de Russie le rappelle. On a coutume de faire commencer les relations franco-russes à ce séjour de 1717 de l’empereur à Versailles. Il y fut particulièrement honoré, nous dit le duc de Saint-Simon dans ses Mémoires. Pierre fut reçu à l’Académie des sciences et en a été le premier membre de l’histoire au titre étranger. Tout cela n’est pas rien. Pierre 1er fut reçu par le Régent, Philippe d’Orléans, un nouveau venu, une nouvelle génération. La France s’ouvrait alors au commerce, à l’océan, au continent, après les dernières années ombrageuses du Grand Roi. Il eût été de bon goût d’inviter aux cérémonies nos princes, et le comte de Paris en premier lieu, descendant de celui-là même qui fit, il y a trois cents ans, les honneurs de Versailles à l’empereur de Russie. Nous ne savons pas si le protocole de l’Élysée y a même pensé. Pour cela, il faut un peu de culture, de savoir et de savoir-vivre au sommet de l’État. Les Russes, eux, savent tout cela.

Jean Charpentier

Pierre le Grand, un tsar en France, exposition au Grand Trianon (Versailles), du 30 mai au 24 septembre 2017, du mardi au dimanche de 12 heures à 18h30 (dernière entrée à 17h30).

L’Action Française 2000 n° 2956 — Du 1er au 14 juin 2017

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