Le socialisme a conduit la France dans un monde de la redistribution, mais pour rendre possible celle-ci, il faut taxer toujours plus. De nombreuses réactions s’installent, de nombreuses personnes tentent de quitter la Sécu, le RSI et toutes ces caisses spoliatrices, vers un monde meilleur mais parsemé d’embuches.
Lu dans Politique Magazine :
La grogne monte. Le système de la Sécurité sociale est contesté. Un rapide sondage auprès des jeunes en sortie d’études montre qu’ils ne croient plus en l’avenir des pensions de retraite pour lesquelles ils cotiseront. Chez les entrepreneurs, c’est une colère grandissante qui s’installe contre les charges, avec des manifestations fréquentes et des dizaines de milliers d’artisans et de commerçants qui ont unilatéralement cessé de cotiser aux caisses sociales ces trois dernières années. C’est que ce système obligatoire – inspiré par le parti communiste au sortir de la dernière guerre – est loin d’être égalitaire, et que la situation a beaucoup changé en soixante-dix ans. Les groupes d’études en rappellent souvent les causes : le prévisible vieillissement démographique a engendré des dépenses d’assurance-maladie et de retraite plus importantes et cela a déséquilibré les comptes de la Sécu ; la désindustrialisation brutale qu’a connue le pays depuis les années quatre-vingt a provoqué un chômage de masse et une hausse des dépenses sociales afférentes ; l’immigration a transformé la structure des cotisations et allocations versées ; les régimes spéciaux des fonctionnaires d’État n’ont pas été adaptés à la situation nouvelle ; etc.
HAUSSE DES COTISATIONS, BAISSE DES PRESTATIONS
Aujourd’hui, les caisses d’assurance-maladie obligatoire, d’assurance-vieillesse obligatoire, d’assurance-chômage obligatoire et d’allocations familiales prélèvent plus de 460 milliards d’euros annuellement. L’an dernier, elles en avaient dépensé 2,8 milliards de plus. En 2016, le budget prévoit un déficit global de près de 10 milliards d’euros. Si le trou de la Sécu ne se creuse pas davantage, c’est au prix d’une hausse des charges pour les cotisants et d’un recul des prestations qui leur sont rendues. Ainsi, dans la branche maladie, de l’augmentation du prix du ticket modérateur lors des visites chez le médecin, des déremboursements de médicaments qui se succèdent depuis 2005, ou du transfert de charges auprès de mutuelles désormais devenues — elles aussi — obligatoires pour les salariés.
Au niveau des retraites, le constat est le même. Dans l’une de ses récentes études, la très active association Sauvegarde retraites pointait les différentes astuces utilisées pour faire baisser les pensions. Non seulement le recul de l’âge de la retraite a été acté, mais les caisses pour les salariés du privé (Cnav, Agirc et Arrco) revalorisent souvent les pensions versées en dessous du taux d’inflation. Des régimes particuliers (caisses complémentaires obligatoires des médecins libéraux ou des anciens employés de justice) ont quant à eux subi des baisses pures et simples des sommes versées (jusqu’à1.6 %). La méthode employée ? Un décret gouvernemental. Enfin, la taxation des retraites est un autre moyen de renflouer les caisses de l’État et de sa Sécurité sociale. «Désormais, beaucoup de retraites baissent en France », note l’association. Et cela ne sauve pas le système car «les réserves des régimes complémentaires Agirc et Arrco pourraient être épuisées, respectivement en 2018 et 2024».
ILS ONT DÉCIDÉ DE NE PLUS COTISER
C’est dans ce contexte de hausse des charges et de baisse des prestations que des entrepreneurs ont décidé de réagir. Entre 100000 et 200000 d’entre eux auraient cessé de cotiser aux différentes caisses selon le Mouvement des libérés, un réseau qui milite pour sortir du système. « D’une année sur l’autre, j’ai eu une hausse soudaine des charges sociales de 3o % alors que mes revenus étaient identiques. Ça a été le déclencheur. J’avais entendu parler de cette directive européenne de 1995 qui était censée permettre aux gens de prendre la mutuelle de leur choix. Je suis allé m’assurer ailleurs, et j’ai raconté les développements dans un livre », explique Nicolas C., auteur de Je quitte la Sécu (Mammouth éditions). Dans cet ouvrage, on découvre la satisfaction de l’entrepreneur envers sa nouvelle assurance, cinq fois moins chère que les charges payées jusqu’alors, mais aussi les mises en demeure de la Sécu contre ce qu’elle considère être un mauvais payeur, ou la défense impossible devant le Tribunal des affaires sociales, un organisme financé… par la Sécurité sociale. « C’est un vrai combat. On nous parle de solidarité et de régime unique, mais c’est faux ! Il existe des régimes spéciaux, des taux de cotisation différents, des droits différents. Un boulanger qui se casse la main devra continuer à cotiser même s’il ne peut plus travailler, et il ne recevra pas la moindre indemnité en retour ! Pourquoi ?»
Désormais, les réunions du Mouvement des libérés font salle comble dans toutes les villes de France. Et la vision d’une société de salariés et de patrons cotisant à des mutuelles privées répondant à leurs besoins n’est plus une chimère. « On est arrivé au bout du rouleau. Ils ne se sont pas réformés, tant pis pour eux. Les tribunaux sont débordés de dossiers de personnes qui se libèrent. Il existe même des patrons libérés qui libèrent leurs salariés. C’est ça ou c’est la rue pour eux », accuse Chemsi Faraj, l’un des animateurs du mouvement. Les salariés auraient un égal intérêt à sortir du système, assurent les « libérés ». Celui qui touche 2 000 euros net par mois devrait en fait recevoir un salaire total de 3 800 euros, comme le montrent les charges brutes et les obligations patronales indiquées sur la fiche de paye. Il lui est donc prélevé 22 000 euros par an pour l’assurer et… assurer les autres.
DES CAISSES OPAQUES
Si les inégalités importantes entre les régimes publics et privés motivent les militants de l’assurance libre, ces derniers fustigent aussi le fonctionnement des caisses qui prélèvent les charges. «Le Régime social des indépendants qui s’occupe des auto-entrepreneurs est un organisme de droit privé investi d’une mission de service public. Il paye l’impôt sur les sociétés Les Urssaf ou les caisses d’assurance-maladie sont aussi de droit privé. L’État les a désignés sans leur donner de cahier des charges et la population n’a jamais signé aucun contrat avec ces organismes », souligne Laurent C. « Les Urssaf sont gérés par une association loi 1901 contrôlée par les grands assureurs. Et ils sont dirigés par les mêmes milieux depuis des décennies. C’est un système mafieux », relève Chemsi Faraj du Mouvement des libérés. Redressements fiscaux, requalification des travailleurs non salariés…
Les entrepreneurs constatent avec impuissance le «pouvoir de dingue» des Urssaf, comme nous le désigne une pharmacienne parisienne. La gestion des caisses de retraite imposées au secteur privé n’est pas moins opaque. Dans une campagne médiatique récente, l’association Sauvegarde retraites a montré que leurs conseils d’administration étaient dominés par des syndicalistes ayant fait toute leur carrière dans… la fonction publique. Un fait étonnant qui expliquerait que les représentants des caisses complémentaires privées Agirc et Arrco aient accepté à l’automne dernier une augmentation des cotisations et un recul des droits pour les salariés affiliés à ces régimes, sans réclamer un effort similaire aux caisses de retraite de la fonction publique.
Politique Magazine, n°152, juin 2016, p. 12-13.