Entretien avec Maître Jérôme Triomphe sur le cas de Vincent Lambert.
Lu pour vous dans Présent.
A l’occasion de votre succès dans la défense du Salon beige obtenu devant la Cour de cassation (bravo Maître !), Guillaume de Thieulloy précise qu’en tant qu’avocat de Vincent Lambert, vous prévenez qu’il est à nouveau menacé. De quoi s’agit-il exactement ?
— Nous avons eu, depuis 2013, plusieurs procédures collégiales. Ce qui consiste à faire un semblant de concertation médicale avec la famille pour savoir si une personne est en situation dite « d’obstination déraisonnable » et s’il faut arrêter les traitements.
De quels traitements Vincent Lambert a-t-il besoin ?
— Eh bien précisément, contrairement à ce que pensent la majorité des gens, y compris parmi les mieux intentionnés, Vincent Lambert n’est branché à aucune machine. Il a seulement besoin qu’on s’occupe de lui et qu’on lui donne à manger et à boire, par le biais d’une sonde gastrique.
C’est tout ! Et il n’est pas le « légume » qu’on décrit complaisamment. Il se réveille le matin, s’endort le soir, vous suit des yeux, réagit parfois aux stimuli de son environnement. Rappelons que Vincent, juste après son accident, a perdu le réflexe de déglutition. La nouveauté est que, depuis quelques mois, il l’a retrouvé en partie, à telle enseigne que sa mère a pu lui donner à manger, qu’il a dégluti sans aucune difficulté.
Nous avons soumis la vidéo qui en a été tournée à neuf médecins et orthophonistes spécialistes qui prennent en charge des patients comme Vincent Lambert toute la journée. Contrairement aux médecins du CHU de Reims qui sont gériatres (Vincent a 41 ans !), généralistes ou spécialistes de soins palliatifs. Or, ces spécialistes ont été révoltés en voyant cette vidéo et en apprenant qu’on lui avait supprimé la kiné depuis octobre 2012 et qu’il n’était pas mis en fauteuil.
Ils ont attesté qu’il n’était pas « dans un état végétatif », mais dans un état pauci-relationnel (avec un minimum de conscience), et qu’il pouvait être ré-éduqué à remanger par la bouche. On ne pourrait donc plus alors prétexter qu’il ne peut être alimenté par voie naturelle… et appeler cela un traitement, pour le tuer ! Car c’est le prétexte.
Quelle est la nouveauté concernant Vincent Lambert ?
— Nous en sommes à la quatrième procédure collégiale, engagée le 22 septembre, réclamée par le demi-neveu François Lambert, avec le nouveau médecin. Nous avons fait un référé de suspension, principalement parce que nous avons une procédure de transfert en cours et que, avant de savoir si un patient doit mourir, il faut savoir dans quel service il doit aller !
Le référé a été rejeté. La procédure collégiale se déroule donc, le médecin entend les parents, le frère et la sœur que nous représentons, lundi et mardi de cette semaine. Mais il refuse de voir la vidéo dont je vous ai parlé, et montre son désintérêt pour les attestations des neuf spécialistes concernant la rééducation possible de Vincent pour être nourri naturellement.
Attitude manifeste de non-assistance à personne en péril : le fait de ne pas le rééduquer met Vincent à la merci d’une procédure collégiale et d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation avec sédation automatique.
Quand aurez-vous le résultat de la procédure ?
— Le médecin fera sa réunion de concertation médicale mi-janvier, nous avons obtenu qu’un des plus grands spécialistes des patients en état pauci-relationnel y assiste. Le résultat sera donné d’ici à fin janvier : soit une décision de mort, ce qui entraînera de notre part de nouvelles procédures. Soit la décision de continuer les soins et, nous le demandons depuis 2013, un transfert dans une unité spécialisée refusé systématiquement par la justice jusqu’à présent.
Nous allons continuer à nous battre pour Vincent.
Propos recueillis par Anne Le Pape
Présent n°8999 du 1er décembre 2017