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Luther et l’Enfer : une attirance réciproque

ByLectures Francaises

Fév 19, 2017

2017, triste anniversaire de la promulgation des 95 thèses hérétiques. Dans la citadelle de Pierre, la plus haute autorité a intronisé en grandes pompes une statue de Luther, irréconciliable ennemi de la Foi catholique. Alors voici de quoi rendre la monnaie de sa pièce à un homme dont l’Europe lui doit directement son état de délabrement religieux, moral, politique, social et économique actuels. La pensée du personnalisme est la base de la pensée « dite » occidentale actuelle. Retour sur un serviteur des noirceurs de l’âme. Vous trouverez sur la gauche et tout le long, des livres historiques fouillés sur la question de celui qui a osé « protester ».

Lu dans La Plume du Foyer :

« Le réformateur digne de ce nom commence par respecter la nature — qu’il s’agisse d’une personne ou d’une institution, – il ne lutte contre les vices, les déformations, les encroûtements que pour favoriser l’accomplissement de la nature en ce qu’elle a d’authentique et d’original. Mais le révolutionnaire, lui, s’attaque à la nature elle-même (…) ; plus encore que les routines et les abus, c’est la nature même des êtres et des choses qu’il veut abattre pour la transformer. » R.P. Calmel, Théologie de l’histoire, annexe 5. Le 10 décembre 1550, à Augsbourg.

Moi, Mélanchton, disciple de Luther, partisan de la Réforme qui secoua le joug multiséculaire du papisme, ai reçu cette nuit une vision troublante que je ne puis consigner ici qu’en tremblant. Sur les coups de minuit, alors que j’étais déjà au lit depuis près de trois heures, j’entendis une longue plainte qui me fit hérisser les cheveux. Une silhouette aux contours rougeoyants, environnée de flammes, apparut à côté de ma couchette. « Quoi, maître, est-ce vous, m’exclamai-je en reconnaissant Luther ? ».

« Oui, c’est bien moi, répondit-il en me fixant d’un regard (que seuls les damnés peuvent posséder), un regard où se lisaient la haine et le désespoir. Je suis maintenant en enfer pour l’éternité. Ce que je vais te dire, par la volonté de Dieu, écris-le aussitôt après que je serai parti ».

Et malheureusement, par ce que je ne pourrai qu’appeler un miracle, ma mémoire enregistra tout ce que le misérable avait à me dire. « Ce que je vais te dire, répéta-t-il, n’est rien d’autre que le récit de ma vie, telle qu’elle a été, et non comme elle est racontée par les panégyristes protestants. Tu publieras ce récit pour que les gens sachent et qu’ils cessent de tomber en enfer, ce qui accroît considérablement mes peines. »

Il commença alors le récit de sa vie: « Je suis né le 10 novembre 1483, à Eisleben, en Saxe. Mon père était ardoisier et s’établit l’année suivante à Mansfeld. Mon enfance fut triste. Mes parents ne lésinaient pas sur les coups, à chacune de mes bêtises. J’étais d’un caractère plutôt fougueux, mais aussi, hélas, scrupuleux et anxieux. En 1501, mon père, qui rêvait pour moi de la profession lucrative et honorée de juriste, me fit intégrer l’université d’Erfurt. J’y demeurai jusqu’en 1505. Je fus marqué par les doctrines nominalistes de Guillaume d’Occam qu’on y enseignait, selon lesquelles la volonté prime sur l’intelligence et la grâce, privant par-là, la foi des motifs de croire. La foi n’était guère plus qu’un sentiment. Soudain, en juin 1505, je fus surpris par un violent orage ; la foudre tomba non loin de l’endroit où je m’étais abrité. Sous le coup de la terreur, je formulai ce vœu :

« Sainte Anne, venez à mon secours, je serai moine ! ».

Me voyant sain et sauf, à peine quinze jours après et en dépit des objurgations de ma famille, j’entrai au couvent des Augustins d’Erfurt.

En 1506, je devins prêtre de Jésus-Christ et commençai à célébrer la messe, dont je devais dire plus tard qu’elle était plus mauvaise que « tous les lupanars, les homicides, les vols, les adultères ». En 1509, après juste dix-huit mois d’études en théologie, je commençai à enseigner à l’université d’Erfurt. Trois ans après, je reçus le bonnet de docteur en théologie ; ce titre me tourna la tête, il me semblait que rien ne pouvait me contredire (« Je n’admets pas que ma doctrine puisse être jugée par personne même par les anges »).

Herr doktor Martin Luther… c’est de cette époque que date ma descente vers l’hérésie. J’étais avide de perfection, mais sans l’action de la grâce envers Dieu : « M’appuyant sur mes œuvres (extérieures), je me confiais, non pas en Dieu, mais en ma propre justice ». Mes échecs me troublèrent. Pour oublier mes soucis, je m’étourdis dans l’action, négligeant mon bréviaire que je m’habituai peu à peu à réciter le samedi, pour toute la semaine.

Dans mon orgueil, je vins à penser suite à la lecture de l’épître aux Romains que le salut provenait de la Foi uniquement.

« Pecca fortiter sed crede fortius » (pèche fortement mais crois plus fortement encore). Ingénieuse solution qui supprimait mes troubles en même temps que mes efforts pour atteindre la perfection. Je crus trouver alors la paix intérieure : en fait, j’étais tombé d’un excès dans l’autre.

Entre temps, 1517 arriva. À Rome, comme tu le sais, les papes entreprenaient la construction de la basilique saint Pierre et accordaient des indulgences aux donateurs qui contribuaient à son érection. Des critiques s’élevèrent, se joignant à celles déjà existantes contre le clergé. Je sautai sur l’occasion : mes quatre-vingt-quinze thèses ne tardèrent pas à attirer l’intention.

Je fus dès lors soutenu par la noblesse allemande avide des richesses du clergé et désireuse de s’émanciper de la tutelle impériale. Le pape lança tardivement, le 15 juin 1520, la bulle Exsurge Domine où il m’exhortait paternellement à revenir dans le giron de l’Église. En fait, j’étais déjà bien décidé à rompre : « Les dés sont jetés, je ne veux plus de réconciliation avec Rome pour l’éternité. »

Le 10 décembre 1520, je brûlai la bulle pontificale, ce qui signifiait mon excommunication. Soutenu par les princes allemands, la mise au ban de l’Empire, promulguée par Charles Quint lors de diète de Worms (1521), ne me toucha guère. Je m’enfermai pour un an à la Wartburg, presque comme un ermite, pour attendre mon heure, tandis qu’une habile propagande s’opérait en Allemagne.

Les remords revinrent pourtant : « Et si je me trompais ? Et si j’entraînais avec moi des milliers d’âmes en enfer ? » J’écartais ces pensées comme étant du diable et pour « lui jouer un bon tour », me mis à m’adonner aux plaisirs de la chair. Le principe du libre examen, prôné par moi, s’avéra être un germe de division.

En 1522, j’anathématisais la secte des anabaptistes de Wittenberg. En 1525, ce fut la révolte des paysans allemands, se réclamant de ma doctrine. Craignant de perdre le soutien des nobles, j’encourageai la répression : « Déchaînez-vous, chers seigneurs, sauvez-nous, ayez pitié de nous, exterminez, égorgez… Nous vivons des temps si extraordinaires qu’un prince peut plus aisément mériter le ciel en versant le sang, bien plus aisément que d’autres en priant ». La même année, je quittai l’habit religieux pour vivre en concubinage avec Catherine Bora, religieuse défroquée. C’est à cette époque que j’écrivis des livres orduriers contre le mariage et la sainteté, accompagné de maintes gravures scatologiques.

« Si on supprimait des œuvres de Luther toutes ses injures, on réduirait facilement à un seul les huit volumes de ses écrits. » Saint François de Sales (cité par Francis Trochu in Saint François de Sales, 1956, t. II, p.169).

En 1530, ce fut toi, Mélanchton, oui toi, qui élaboras la Confession d’Augsbourg (unique profession de foi luthérienne reconnue en 1555 dans l’empire des Habsbourg). Seize ans plus tard, le 18 février 1546, après une affreuse agonie, je comparus au tribunal divin. Ma vie repassa devant mes yeux ainsi que le résultat funeste de mes doctrines : perte de l’unité allemande, affaiblissement de l’Europe face aux Musulmans, l’avènement de l’homme qui devient Dieu, la Révolution… mais aussi le Concile de Trente et ses excellentes réformes qui me firent grincer des dents. Ah ! Il aurait mieux valu pour moi que je ne sois jamais né ! ». Là-dessus, poussant un cri terrible, le malheureux disparut laissant une acre odeur de brûlé. Oui, vraiment, ce Luther que j’estimai commença à m’apparaître comme un méchant homme.

Ce récit est une fiction. Cependant, nous nous sommes appuyés pour le faire sur des traits connus de la vie de Luther. Nous avons attribué le récit à Mélanchton, disciple de ce dernier. En cette année 2017, cinq centième anniversaire de la révolte de Luther à Wittenberg, il faut le faire mieux connaître.

La Plume du Foyer, n°41, janvier-février 2017

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