Une analyse de l’argent et de son rapport à ce que l’on appelle « politique » actuellement. Paraître, donner le change, cacher, emballer, dériver, focaliser l’attention… Autant de verbes utilisés par la caste dirigeante pour ne pas montrer le complexe réseau de trafics financiers officieux, mais institutionnels et propres à la démocratie en général.
Lu dans L’Action Française :
La République, le pouvoir et l’argent
« Quand payera-t-on décemment le métier politique ? Je pense qu’il faudrait indexer la rémunération des parlementaires sur celle des plus hauts fonctionnaires. C’est de l’ordre de 10.000 euros. Je ne vois pas pourquoi quelqu’un qui est là pour faire la loi est moins payé que quelqu’un qui est payé pour appliquer la loi. » Ainsi s’étranglait Alain Mine sur France Info (3 février). Foin du bien commun, de cette inoxydable république (« res publica ») dont les élites ne cessent de se gargariser — et de nous tympaniser — avec des trémolos dans la voix. L’argent seul, l’unique argent semble être le moteur de leur inaction nuisible…
Tous n’en meurent pas, mais tous en sont irrémédiablement atteints. La passion dévorante du grand argent les habite, les hante, les happe. Tous. Et toutes. François Fillon, fulminant qu’il « ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable » ; Nicolas Sarkozy renvoyé devant le tribunal correctionnel pour financement illégal de sa campagne électorale de 2012 (Le Monde, 7 février) ; Emmanuel Macron, suspecté, alors qu’il était ministre de l’Économie, d’avoir « utilisé à lui seul 80 % de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère » avant sa démission du gouvernement, le 30 août 2016 (Le Monde, 26 janvier) ; Marine Le Pen accusée d’avoir fictivement employé une assistante parlementaire rémunéré par le Parlement européen, tandis que l’essentiel de ses missions étaient effectuées pour le compte du Front national ; Benoît Hamon, titulaire d’une simple licence d’histoire, ayant été recruté, – en 2009, comme « professeur associé » de la très gauchisante université Paris-VIII et, accessoirement, lié par un Pacs avec Gabrielle Guallar, responsable des affaires publiques chez LVMH ; Jean-Luc Mélenchon claironnant «avoir obtenu un prêt bancaire de 8 millions d’euros pour financer sa campagne, en plus du million d’euros reçu via des dons » (Sud-Ouest, 9 janvier), si bien que « celui qui veut mettre à bas le système financier est bien content que celui-ci soit là pour lui financer sa campagne » (Contrepoints, 6 avril 2012). Sans oublier Cahuzac, Thevenoud, etc.
La démocratie est indissolublement, consubstantiellement, ontologiquement liée à l’ argent, non pas tant parce que l’argent apparaît comme l’escabeau toujours branlant d’accès au pouvoir, mais en ce qu’elle promet l’illusion de le conquérir et d’en acquérir des fruits plus prometteurs encore. L’envie, la cupidité et la jalousie en sont les moteurs les plus vils, que l’humanité met gracieusement à sa disposition. « Quant aux ouvriers, ils n’ont plus qu’une idée, c’est de devenir bourgeois », fustigeait légitimement Charles Péguy dans L’Argent (1913). Fuir une relative pauvreté matérielle — douce ascèse quand elle est avantageusement compensée par l’abondance jamais tarie d’un capital moral et spirituel perpétuellement alimenté par les générations successives à l’âtre d’une sagesse héréditaire — pour s’abîmer au mirage aveuglant du matérialisme d’une misère bien plus incommensurable, celle du fétichisme de la marchandise. Ce faisant, la démocratie-argent (ou plouto-démocratie) contient une inexorable part de tragique en ce qu’elle emporte des conséquences anthropologiques et physio-génétiques aboutissant à une altération insidieuse, progressive et inéluctable de l’homme ravalé à un matériau malléable à l’infini.
Les méfaits de l’égalitarisme
Ainsi, là-même où, jadis, les aïeux de nos parvenus post-modernes se préoccupaient de subsister, qui aux moissons, qui au fond des mines, se trouvaient en gestation des plus sourdes et inextinguibles aspirations à la justice, noble idéal que la démocratie osait profaner en l’affublant du hideux bonnet phrygien de l’égalité. Conjuguée à la liberté, métonymie de l’hédonisme individualiste, cette dernière en vient à annihiler tontes préséances ontologiques essentielles (naturelles) sur les choses, comme disait Karl Marx. C’est le triomphe sartrien de l’en-soi des choses autonomes douées d’essence ! D’une telle conception, Pierre Boutang disait qu’elle participait d’un « phénomène pensée ou rabais.». Dans cette perspective égalitariste, l’existence précède mécaniquement l’essence. Elle est cette folle du logis que seule l’égalité ramènera à la froide raison démocratique. Le relativisme libéral — autre caractéristique inhérente à la démocratie — fera le reste selon un jeu complexe de procédures qui accompagneront ce long processus de réification de l’homme.
L’Action Française, n°2949, février 2017