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Après le décès de son fondateur Pierre Fabre, le groupe pharmaceutique avait fait connaître son intention de vendre Valmonde, le groupe de presse dont il était propriétaire.

Pierre Fabre
Pierre Fabre

Finalement, à la suite de quelques rencontres discrètes, un accord définitif fut annoncé. Ayant suspendu l’année dernière la parution du Spectacle du monde, estimé non rentable malgré ses 16 500 abonnés, Valmonde a trouvé un repreneur pour l’hebdomadaire Valeurs actuelles mais aussi pour les magazines Jours de Chasse et Jours de Cheval.

Il s’agit de la société Privinvest, filiale de la holding de l’homme d’affaires libanais Iskandar Safa. A ses côtés on trouve deux personnalités des media français, Etienne Mougeotte et Charles Villeneuve qui ont, entre autres, dirigé TF1.

Ils semblent s’intéresser depuis quelque temps à la presse puisqu’ils s’étaient mis, il y a peu, sur les rangs pour la reprise de Nice-Matin puis, rien de moins que celle de L’Express vendu par le groupe belge Roularta, mais ils ne furent pas retenus. Ce fut l’insatiable milliardaire Patrick Drahi qui, non content d’avoir racheté Libération, s’est offert – pour moins de 10 millions d’euros – les fleurons du groupe belge.

Cette fois, avec l’achat de Valmonde, les trois dirigeants de Privinvest ont mis la main sur un groupe qui fonctionne plutôt bien. Selon le site « lefigaro.fr/ medias », les ventes de Valeurs actuelles ont progressé sensiblement durant l’année 2014 pour atteindre les 110 000 exemplaires et un million d’euros de résultat net. Ils ont fait savoir qu’ils entendaient conserver Yves de Kerdrel à la direction générale et opérationnelle du groupe. D’aucuns estiment que ce maintien d’un responsable ouvertement sarkoziste, permettait de voir dans l’acquisition une manœuvre médiatique pour 2017. Mais cela n’a rien de sûr.

Les deux hommes de presse associés à M. Safa sont bien connus. Etienne Mougeotte, né en Charente en 1940, a fait une carrière journalistique considérée comme brillante. Cet ancien directeur du Figaro a été longtemps conseiller très influent à TF1, il est aussi directeur général de Radio Classique (propriété du groupe Les Echos). En janvier 2014, l’Union des patrons juifs de France lui a remis son « prix des médias ».

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Charles Villeneuve

Charles Villeneuve, né à Beyrouth en 1941, a suivi un parcours moins linéaire (il fit du journalisme après avoir servi comme sous-officier) mais a fréquenté tous les types de media : Europe 1, Paris Match… Depuis plus d’une quinzaine années, il dirige des émissions de télévision sur TF1 et M6 notamment sur les questions de défense et de terrorisme et a été quelques années, président du club de football du PSG (Paris Saint Germain). L’an dernier, il avait été invité à prononcer une conférence devant les Amis du CRIF.

Le moins connu du grand public est Iskandar Safa, un franco-libanais né en avril 1952, devenu homme d’affaires. Son nom était apparu dans les années 1980 à propos des affaires des otages du Liban, plus précisément au sujet des transactions suspectes des rançons. Il fut mis en cause pour avoir effectué des versements d’argent inexpliqués à Jean-Charles Marchiani, ancien homme de confiance de Charles Pasqua, ex-ministre de l’Intérieur. Il serait un ancien agent d’export « reconverti » dans l’industrie et les affaires. Assez rapidement semble-t-il, cet ancien membre des milices chrétiennes libanaises, sut établir et entretenir des contacts avec les réseaux d’influence. Il est administrateur de Privinvest Holding SAL, directeur exécutif d’Abu Dhabi Mar (depuis 2007), président du conseil d’administration de FIMAS. Cette dernière société est propriétaire des carrières de marbres de Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) sous le nom de « Marbres de France ».

Les achats immobiliers ou médiatiques de tels hommes d’affaires ne sont pas les fruits du hasard. Lui et ses amis ont décidé de posséder un hebdomadaire français où peuvent encore s’exprimer des opinions de droite à quelques trimestres de campagnes électorales décisives. Ce n’est pas seulement pour la défense des idées.

Mais les principaux revenus de M. Safa semblent provenir de l’industrie. Selon le site spécialisé sur les questions de renseignements « intelligenceonline.fr/ insiders », il règnerait sur « un véritable empire de chantiers navals » construisant yachts et patrouilleurs et pas seulement pour des pays du Proche Orient. Sa holding personnelle, Privinvest qui gère toutes ses sociétés, est localisée à Beyrouth. En 1992, il achète les Constructions mécaniques de Normandie (CMN) et les développe. C’est surtout à partir de 2007, date à laquelle il crée le chantier naval Abu Dhabi Mar, qu’il atteint un niveau international. Il peut vendre dans le monde entier et se créer des réseaux commerciaux et politiques enviés.

Il pouvait, du temps de Kadhafi, rencontrer des hauts responsables y compris le « guide » libyen. Si bien que la diplomatie française fait appel à lui comme intermédiaire dans certains marchés délicats. Par exemple, lors de la négociation du contrat des systèmes d’armement des six corvettes CMN de la marine émiratie, mais aussi, en 2010, pour relancer les discussions sur des achats éventuels de Rafale dans la même région. A ce jour, nous ignorons s’il est intervenu pour les dernières négociations concernant les Rafale, mais c’est très probable. Les Emirats arabes unis ont également fait connaître leur souhait de remplacer leurs Mirage 2000-9 et les rencontres se multiplient. Iskandar Safa était intervenu lors de l’achat par l’Algérie de deux corvettes allemandes et la DCNS fait parfois appel à lui.

En 2014, M. Safa a fait de gros investissements immobiliers sur la Côte d’Azur près de Mandelieu où il soutient généreusement une petite association sportive locale, ce qui a provoqué quelques rumeurs et critiques. Il a acheté à Mandelieu-La Napoule un très vaste domaine (plus de 1300 hectares) destiné à des activités sportives et touristiques. Il a également fait bâtir une nouvelle église Notre-Dame du Liban. Les achats immobiliers ou médiatiques de tels hommes d’affaires ne sont pas les fruits du hasard. Lui et ses amis ont décidé de posséder un hebdomadaire français où peuvent encore s’exprimer des opinions de droite à quelques trimestres de campagnes électorales décisives. Ce n’est pas seulement pour la défense des idées.

Complément de la rédaction :

Grâce au toujours très précieux Dictionnaire de la politique française de Henry Coston, nous constatons (cf. tome 3) qu’Etienne Mougeotte, dans sa jeunesse et sa période étudiante, fut un des dirigeants, de tendance trotskyste, de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et qu’à ce titre, occupant le poste de vice-président, il fut délégué (en 1963) auprès de l’Union internationale des étudiants, organisme d’obédience communiste qui s’est réuni à Prague (Tchécoslovaquie). Il s’est ensuite un peu « assagi », fit ses débuts de journaliste en 1965 à France-Inter, puis accomplit, par la suite, un « parcours sans faute » au sein des media (presse, radio, télévision…). Cela confirme bien la démonstration de Yann Moncomble dans son livre (paru en 1986, mais qui n’a rien perdu de son intérêt) Quand la presse est aux ordres de la finance 3 qui explique que, de L’Humanité au Figaro, peu importent les convictions idéologiques des rédacteurs, ce sont les financiers qui décident des « lignes éditoriales » des publications…

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