Complaisances politico-médiatiques

Les récents remous qui ont agité le monde médiatique ont braqué les feux de la rampe sur quelques personnalités qui allient audace et opportunisme et qui jouent en coulisse des rôles importants. Par exemple le cas Houzelot dont on a peu parlé.

Pascal Houzelot (photo), âgé de 55 ans, est le fils d’un notaire bordelais. Il fit des études de droit et obtint une maîtrise de droit privé sans poursuivre vers le notariat. Dans les années 1980, soutenu par Chaban-Delmas, il fut élu sur une liste RPR, puis entra, rapidement, au service de presse de Matignon où Chirac en fit un adjoint à la communication. Grâce à ce poste, il découvrit de larges perspectives de carrière dans les media.

Ayant rejoint TF1, il fut protégé par Etienne Mougeotte, alors numéro deux du groupe, ainsi que par David Kessler, lui aussi conseiller à Matignon. Comme tant d’autres jeunes gens aux dents longues et aiguisées, loin d’être mis en difficulté avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, il fit son trou comme « lobbyiste ». Car il est intelligent, possède un « bagout incroyable » et sait dire à ses interlocuteurs ce qu’ils aiment entendre.

Éclats mondains

Il a compris mieux que d’autres les failles du CSA qui possède des pouvoirs considérables sur les chaînes de télévision et peut faire ou défaire les carrières. Mais il faut vivre et si on peut le faire en suivant ses tendances personnelles, c’est plus intéressant. En 2004, il parvint à obtenir des responsables administratifs la création d’une chaîne pornographique pour homosexuels, à péage, en option sur réseaux câblés : Pink TV. Elle a périclité petit à petit faute de public. Mais, dès son lancement, on put constater la puissance d’influence du lobby gay ainsi que l’entregent de Pascal Houzelot. Le raout mondain que cet organisateur avait voulu décisif pour gagner des appuis, s’est tenu, le 25 octobre 2004 au théâtre national de Chaillot baignant dans une lumière rose du meilleur goût. M. Houzelot avait prévu très grand : il invita 5000 personnes et le lancement se fit au « 20-heures » de TF1. Car M. Houzelot avait réussi à faire venir les responsables des télévisions : TF1, Canal+, M6 (actionnaires de Pink TV), MM. Lagardère, La Financière Pinault, Pierre Bergé toujours prêt à aider les amis (et petit actionnaire de Pink TV), etc.

Oui, l’ancien conseiller en communication de Chirac démontre un art consommé pour rameuter les grands décideurs, de toutes les nuances politiques, de tous les réseaux parisiens. Ainsi pour faire « tourner » sa chaîne Numéro 23, Pascal Houzelot était parvenu à intéresser le gratin de la haute finance : Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon (dirigeant de sociétés immobilières), Bernard Arnault, Jean-Charles Naouri (PDG du groupe Casino…)… ont versé au pot. Ces millionnaires ne pouvaient laisser croire qu’ils étaient opposés ou même indifférents à une initiative cautionnée par le lobby gay. De nos jours l’étiquette homophobe est mortelle pour les meilleures réputations. Houzelot ne l’ignore point.

Un facilitateur de consensus

Depuis Bordeaux puis au sein du RPR (il bénéficia de la protection de Claude Chirac), ensuite à TF1, il organisa méthodiquement ses réseaux de connaissances dont il fit parfois des obligés. Il comprit vite le « libéralisme mondain » qui permet à un ambitieux d’intégrer les cercles discrets utiles à ses projets. Surtout s’il travaille dans les milieux de la télévision. Pour faciliter les ententes, la table reste encore la meilleure proposition. Devant un dîner fin arrosé de grands crus, les préventions s’évanouissent, les gens du système se flairent, des connivences se tissent. M. Houzelot, qui n’ignore pas que tous les cercles discrets mais influents réunissent leurs membres autour de bonnes tables 1, s’est spécialisé dans l’organisation de ces dîners privés. Selon les dires de certains convives, il n’invite qu’une dizaine de personnes à la fois et l’atmosphère serait très amicale.

Sont cités, entre autres, comme convives, des grands patrons liés aux techniques de communication : Olivier Schrameck (64 ans, président du CSA), Alexandre Bompard (42 ans, président de la FNAC, après avoir dirigé Canal+ puis Europe 1), Stéphane Richard (53 ans, patron d’Orange), Bertrand Meheut (64 ans, Canal+)… mais aussi des membres du gouvernement : Fleur Pellerin, Emmanuel Macron, Manuel Valls, et des personnalités politiques de premier plan (Anne Hidalgo).On peut se demander pour quelle nécessité ces politiciens socialistes, exemplaires de normalité et de moralité, ont pu quitter leurs dossiers pour accourir chez cet homme d’affaires même très bien recommandé par le « tout Paris ». Mme Pellerin a jugé bon de le nommer « chevalier des Arts et Lettres » (sic).

Oui, Houzelot est un « homme de réseau(x) », un de ceux qui, dans les affaires politiques donc médiatiques, peuvent mettre du lien, établir des passerelles. On le sait peu mais il est sûr qu’il a « joué un rôle » dans la création de l’entente politico-financière entre les trois milliardaires de la gauche dont nous avons ici maintes fois parlé : Pierre Bergé, Xavier Niel, Matthieu Pigasse. Ils sont à la fois actionnaires principaux du Monde et de L’Obs. Ce qui explique sans doute que M. Houzelot siège aujourd’hui au conseil de surveillance du quotidien du soir.

La revente de Numéro 23

alain_weill_pays_sipaCe que l’on peut qualifier de son coup de poker est tout récent et repose, là aussi, sur une habileté sémantique. En mars 2012, dans le cadre de la TNT, le CSA lui attribua une fréquence pour qu’il crée – selon ses projets – une « chaîne de la diversité ». Il avait compris que ladite diversité était la nouvelle formule magique. Surtout devant les « sages » du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui venaient de créer un « Observatoire de la diversité ». Quelle heureuse coïncidence ! En écoutant le discours de l’homme d’affaires, les « sages » du Conseil jubilèrent, sauf Rachid Arhab qui « flaire l’opération financière préméditée sur le dos de la diversité » 2. Le CSA trancha, la chaîne Numéro 23 put être lancée et M. Houzelot, comme le prévoyait la loi, obtint la fréquence gratuitement. Deux ans et demi plus tard, il la revend pour 90 millions d’euros à Alain Weill (photo), patron de Next­RadioTV (BFMTV, de RMC Découverte, Groupe 01). Seulement Numéro 23 n’aurait pas tenu ses engagements de « lutter contre le repli identitaire, d’être un aiguillon pour les autres chaînes… », ceci afin de prouver que « la diversité est source de richesse et de progrès pour la société française » (sic) 3. Pour être entérinée, la vente de Numéro 23 devait avoir l’aval du CSA. Les trois chaînes sollicitées pour le rachat – TF1, M6, Canal+ – se récusèrent. Elles proposèrent au gouvernement de reprendre la fréquence et de la réattribuer. Finalement la vente eut lieu en faveur du groupe NextRadioTV. Ce passage (théorique, voir ci-dessous) de 0 euro à 90 millions pour la valeur d’une chaîne de télévision, frappa les esprits.

En fait, selon les accords passés, Pascal Houzelot reste président de Numé­ro 23 et devra siéger, l’an prochain, comme membre du conseil d’administration… quand les accords seront officiellement entérinés par les instances compétentes. Pour répondre aux critiques qui n’ont pas manqué sur cette vente, l’acheteur, M. Weill, a fait remarquer qu’il ne faisait que suivre l’exemple de TF1 et de Canal+ (achats de Direct 8 et de Virgin 17). Il défendit le vendeur en soulignant que M. Houzelot et ses partenaires avaient investi près de 35 millions d’euros dans Numéro 23 et qu’ils allaient financer pour environ « 40 millions d’euros en obligations convertibles le développement » de la chaîne 4. De plus, le patron de NextRadioTV a affirmé, en se rengorgeant, son choix « de faire du thème de la diversité une priorité du groupe ». Pour finir de convaincre de sa foi nouvelle, il a décidé de créer dans son groupe, « un comité de pluralisme, des diversités et de l’éthique ». Nul doute, qu’avec de tels arguments qui font saliver tous les « vrais républicains », il aura toutes les bénédictions officielles.

Pascal Houzelot devrait encore faire parler de lui et de ses réseaux dans les prochaines années.

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