Le « poison » du glyphosate

glyphosate
L'interdiction du glyphosate sème la terreur.

Dans les fermes qui croulent sous les déficits, la perspective de l’interdiction du glyphosate cet herbicide sème la terreur. La position de la France est, une fois de plus, dogmatique et hypocrite.

Lu pour vous dans Valeurs Actuelles.

C’est le coup d’assommoir. Thierry Ghewy n’utilise pas de pesticides par plaisir. Ne serait-ce que parce qu’ils lui coûtent cher. Ce soir-là, l’agriculteur — il a rejoint un groupe de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) dès 2003 pour diminuer de 50 % en cinq ans sa consommation de produits phytosanitaires — est dans ses champs, à une cinquantaine de kilomètres de Reims. Sur ses 204 hectares de cultures, il épand 40 litres de Roundup par an, contre 200 litres il y a quelques années. « Un litre pour 5 hectares, c’est le minimum indispensable. »

Une décision qui inspire la panique

La décision annoncée par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, de voter contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pendant dix ans dans l’Union européenne inspire la panique dans toutes les exploitations céréalières traditionnelles. Le glyphosate, principale molécule du Roundup, est l’herbicide le plus utilisé dans le monde (il est autorisé dans 160 pays) par les agriculteurs et les particuliers, mais aussi pour l’entretien des sites industriels ou des voies ferrées.
Brevetée par l’américain Monsanto en 1974, la molécule est tombée dans le domaine public en 2000. Depuis, elle se retrouve dans 700 désherbants génériques fabriqués à travers le monde par des sociétés américaines, européennes, asiatiques, notamment chinoises…
Sous l’effet de cette concurrence, les prix ont chuté. Un litre de Roundup ne vaut plus que 3 euros contre environ 80 francs (soit 12,20 euros) en 1976. Dans le même temps, grâce aux progrès technologiques, les paysans ont divisé par deux leur consommation d’herbicides.

Et le roundup ?

Depuis 2008, la part du Roundup dans le chiffre d’affaires de Monsanto s’effondre. Les ventes ont diminué de 32 % en 2015 (1,2 milliard de dollars). Mais, le glyphosate étant son produit phare, il n’est pas question pour Monsanto de désarmer.
Dans la compétition internationale, le groupe, qui a fait l’objet d’une OPA de l’allemand Bayer, est engagé dans une course de fond dans l’innovation. Il a dans ses cartons des produits de substitution brevetés qu’il revendra plus cher que le Roundup. La campagne médiatique menée par les associations de défense de l’environnement profitera, à terme, à Monsanto… Le contraire de l’effet recherché par les lobbyistes.
En 2015, le Centre international de recherche contre le cancer a classé la molécule « cancérigène probable ». Cette agence de l’Organisation mondiale de la santé, dans une étude contradictoire quelques mois plus tard, l’a finalement jugée « cancérigène peu probable ». En mars dernier, l’Agence européenne des produits chimiques, tout comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ont jugé que la substance active du Roundup ne requérait pas de classification cancérigène. Les enquêtes désormais se multiplient.

Un débat repoussé quatre fois à Bruxelles

Les associations de défense de l’environnement, en tête desquelles on trouve Générations futures, démontrent que le produit a des effets sur le système endocrinien en plus d’être à l’origine de certains cancers dont celui de la lymphe. Mais à plusieurs reprises, l’étude épidémiologique « Agriculture & cancer » (Agrican) a montré que les agriculteurs seraient moins touchés par le cancer —à l’exception des lymphomes — que le reste de la population: le taux de mortalité par cancer serait inférieur de 39 %.
Face aux incertitudes, le sujet monte dans les couloirs de la Commission européenne. Les pays membres doivent trancher, le 23 octobre, sur le renouvellement pour dix ans de la licence du glyphosate. À moins que le vote ne soit une cinquième fois repoussé… Le gouvernement français a annoncé qu’il se prononcera contre au nom du « principe de précaution ».
La France serait l’un des trois pays avec Malte et l’Autriche à s’y opposer. Mais elle n’interdira pas immédiatement son utilisation par les paysans (« Il faut montrer le chemin aux agriculteurs pour le supprimer d’ici à cinq ans », confie un porte-parole du ministère de l’Agriculture). Pas plus qu’elle n’exigera de retirer des rayons des supermarchés les aliments (céréales, légumes, fruits…) contenant des traces de glyphosate.

46 molécules vont être importées

N’étant pas à une contradiction près, l’Union européenne vient d’accepter l’entrée en vigueur provisoire d’un accord de libre-échange signé avec le Canada, le Ceta, qui autorise, depuis le 21 septembre, l’importation de produits agricoles, dont ceux traités au glyphosate.
Au total, ce sont 46 molécules qui vont être importées alors que leur utilisation est proscrite en France.
« Glyphosate, OGM… c’est la même incohérence. Dominique Voynet avait interdit la possibilité de cultiver les OGM en France mais elle avait aussi signé les décrets d’autorisation d’importation de soja et de maïs OGM », déplore Thierry Ghewy, pour qui la France, à force de prendre des positions dogmatiques, « finira par se nourrir de produits importés sans aucune traçabilité ».
La suppression du glyphosate entraînerait un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an: 1,06 milliard de pertes de rendement dans la production céréalière, 1 milliard dans les cultures betteravières et 900 millions dans la viticulture. Il n’existe aucun autre herbicide aussi efficace à bas prix pour lutter contre le chardon.
Pour une exploitation de 100 hectares, le surcoût serait de 14 000 euros par an. Une charge qui ne fera qu’aggraver les comptes des paysans alors même que leur revenu est au plus bas: un tiers touche moins de 350 euros par mois et une ferme sur quatre est déficitaire. De nombreux agriculteurs attendent toujours le versement des aides promises par l’État en 2015…

Marie de Greef-Madelin.

Valeurs Actuelles n°4221 du 19 au 25 octobre 2017

Suggestion de livres sur ce thème :

I-Moyenne-21928-n-707-mars-2016-la-tres-grave-crise-de-l-agriculture-francaise-qui-va-conduire-a-sa-mort.net
Commander le livre sur chire.fr
Davesnes-l-agriculture-assassinee-3eme-edition.net
Commander le livre sur chire.fr
Incohérences de la règlementation européenne sur les nanoparticules
Commander le livre sur chire.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.