Nous avons vu, dans un précédent article « Les débuts de la puissance maritime anglaise », comment l’Angleterre, cherchant une route commerciale vers la Chine, avait pris contact avec la Russie d’Ivan le Terrible et comment celui-ci, acceptant de nouer des relations diplomatiques avec Londres, avait accordé des privilèges à la Compagnie de Moscovie – créée par la fine fleur de la ploutocratie protestante anglaise. Mais le tsar, qui espérait une alliance politique et militaire avec l’Angleterre, avait vu ses offres méprisées par des gens qui ne songeaient qu’à exploiter économiquement le pays. Peu après, des marchands anglais prenaient pied à Constantinople et le sultan en profitait pour proposer à Londres une alliance militaire qui fut acceptée ; le gouvernement anglais essayant d’entraîner l’Empire ottoman dans la guerre contre l’Espagne, sans toutefois y réussir. Nous allons voir maintenant comment l’Islam, le judaïsme et le protestantisme vont s’unir pour combattre l’Europe catholique et comment va naître le messianisme anglo-saxon dont les ambitions se heurteront à celles de la Russie.
Le protestantisme et l’islam
Si les Ottomans, en guerre contre les Perses, refusèrent de s’engager officiellement aux côtés de l’Angleterre contre l’Espagne, cela n’empêcha pas les corsaires anglais de s’allier fréquemment aux pirates musulmans pour attaquer les navires catholiques en général et les Espagnols en particulier.
Les protestants et les musulmans « turcs et berbères », plus précisément les pirates et corsaires barbaresques, ont collaboré au XVIIe siècle, contre leur ennemi commun, l’Europe catholique. Cette collaboration doit être considérée dans le contexte des guerres de religion, et la poursuite de la bataille mortelle entre le protestantisme et le catholicisme. À l’époque, l’Espagne, le Portugal, et la France, qui appliquaient des politiques anti-protestantes, ont été la cible de cette collaboration anglo-musulmane. Il semble également que les corsaires anglais, qui avaient été actifs contre l’Espagne jusqu’à ce que la paix soit signée avec l’Angleterre en 1604, étaient toujours enclins à continuer la lutte et les déprédations, bien que sous la protection d’un autre état, à l’embarras de la couronne anglaise.
L’activité dans les rangs des pirates et corsaires barbaresques était aussi une façon de trouver un emploi, après que le roi Jacques Ier avait officiellement proclamé la fin de la guerre de course en juin 1603. De plus, renoncer à être au service de l’Angleterre ainsi que renoncer à leur foi était souvent un moyen de réussite financière, car des fortunes pouvaient être faites en attaquant les navires catholiques. En 1610, la richesse des pirates renégats anglais était devenue si célèbre qu’elle devint l’objet de pièces de théâtre, et le roi offrait la grâce royale à ceux qui acceptaient de rentrer.
Avec les corsaires anglais, des Hollandais – qui partageaient les mêmes objectifs – ont participé à cette collaboration. Après l’attaque des navires catholiques, les prisonniers étaient emmenés à Alger, ou dans d’autres endroits de la côte des Barbaresques, pour être vendus comme esclaves. [1]
Plusieurs de ces corsaires protestants anglais et hollandais allaient donc jusqu’à renier la foi chrétienne et à se convertir à l’Islam ; il est vrai qu’il existait des affinités entre les deux religions… (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
Christian LAGRAVE
[1] – « Anglo-Turkish piracy », https://en.wikipedia.org/wiki/Anglo-Turkish_piracy?oldid=782397760 (traduit par nous).
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