Ce fut par hasard qu’en 2015, les forces irakiennes mirent la main sur un de leurs compatriotes falots, détenteur de faux papiers, qui reconnut rapidement être le responsable des collectes de fonds pour l’État Islamique dans toute la région. Ses explications ont été fort utiles. Toutes les activités étaient mises à contribution, notamment les productions de l’agriculture. Ainsi au nord-ouest de Bagdad, sur les 2 000 fermes piscicoles qui fournissent la capitale et ses alentours en carpes, 400 étaient liées à Daech. Ce poisson est très apprécié en Irak et son élevage est lucratif. Certaines fermes étaient directement financées par l’organisme terroriste, d’autres étaient possédées par des particuliers victimes de racket. À partir de 2014, l’EI contrôla près d’un tiers de l’Irak et de toutes les activités, trafics, agriculture, pétrole.
Jusqu’en 2017, bien qu’affaiblie par des défaites, l’organisation continua de trouver de l’argent de la vente des carpes. Les spécialistes irakiens estiment que Daech, avait, en précaution, investi dans des fermes piscicoles, des bureaux, des compagnies de taxis, dans l’import-export qui alimentent aujourd’hui de nombreuses sociétés écrans. En 2016, des fermes de la province de la capitale, l’EI tirait 56 millions de dollars de revenus. Or ces méthodes s’étendaient à tout le pays. Daech avait pensé à distribuer des petites sommes (5 000 dollars) dans des « cellules dormantes qui investissaient dans des commerces pour se donner une autonomie financière (salaires de combattants, aides aux familles de « martyrs »…).
Certains responsables du renseignement irakien estiment que cela peut encore concerner 2 000 combattants, et peut-être 50 000 partisans parmi la population (Le Monde, 25/04/2018). Il faut surveiller les centaines de bureaux de change par lesquels passent ces trafics ainsi qu’une grande partie des échanges commerciaux et bancaires. Avec l’aide des services britanniques et américains, les juges irakiens ont monté des dossiers mais reconnaissent que la fragmentation des sommes et le cloisonnage strict des réseaux freinent les enquêtes. D’autant mieux que le gouvernement irakien a pour l’instant, échoué à endiguer la corruption et l’économie informelle. Il faudra encore longtemps surveiller les éleveurs de carpes.
par Winston Smith