Lectures Françaises

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Jean-Luc de Carbuccia (1928-2021)

ByJérôme Seguin

Avr 13, 2022
Jean-Luc de Carbuccia (1928-2021)

Jean-Luc de CARBUCCIA est mort le 17 décembre 2021, à l’âge de 93 ans.

Il était né le 17 novembre 1928, à Paris, issu d’une longue lignée corse constituée d’une « tradition de gentilshommes au service, depuis le XVIsiècle, de leur terre sous la domination génoise, puis de la patrie française ».

Ses parents furent deux personnalités connues et reconnues de la vie « mondaine » parisienne de l’entre-deux-guerres. Son père, Horace, était né à Paris le 1er mars 1891 et devint l’un des « plus remarquables entrepreneurs de presse » qui créa La Revue de France (en 1921), en obtenant pour sa rédaction, la collaboration de 22 membres de l’Académie française. Deux ans plus tard, virent le jour les Éditions de France (dont le catalogue a compté une grande partie des écrivains de l’époque), puis, en 1928, l’hebdomadaire Gringoire qui accueillit les meilleurs plumes du temps : un grand journal d’opinion (de droite) qui tira, à certaines périodes, jusqu’à près d’un million d’exemplaires ! Parmi ses collaborateurs se détache la figure hors du commun de Henri Béraud qui devint l’un de ses proches amis (avant qu’une brouille les sépare, en 1943). En 1949, le dossier de la maison d’édition fut examiné par la commission interprofessionnelle d’épuration qui reprochait la publication, de 1940 à 1943, de plusieurs ouvrages à « tendance collaborationniste ». Le verdict imposa le changement de nom de la maison qui devint Éditions de Paris et condamna H. de Carbuccia, en 1950, à cinq ans de travaux forcés, dégradation nationale et confiscation de ses biens. Jugé en 1955, le tribunal militaire l’a acquitté. Il est mort en 1975.

Au terme de cette existence ponctuée de tant de péripéties, il rédigea ses souvenirs parus en deux volumes : Le Massacre de la victoire, 1919-1934 (Ed. Plon, 1973) et Les Racines de l’enfer, 1934-1939 (Éd. de Paris, 1989), réunis en un seul volume de 700 pages dans une nouvelle édition illustrée (Éd. de Paris, 2015). L’ensemble a été salué par la critique comme le « meilleur livre jamais écrit sur l’entre-deux-guerres ».

En 1927, Horace de Carbuccia avait épousé Adrienne Turpin-Rotival (née à Paris, le 17 août 1900), qui passait pour être l’une des plus belles et des plus élégantes femmes de Paris, dont le salon a reçu le « meilleur monde » des années 1930-1940. Connue sous le nom d’Adry de Carbuccia, elle a publié un recueil de ses souvenirs, Du Tango à Lily Marlène, publié par son fils Jean-Luc (Éd. de Paris, 2008) qu’il a présenté en ces termes : « Elle a rencontré tout ce qui comptait dans la vie politique et littéraire de l’entre-deux-guerres et fut témoin lucide du mécanisme qui conduisit à la tragédie du 6 février 1934. Elle fait revivre l’atmosphère de l’époque, raconte les erreurs diplomatiques, l’aveuglement des dirigeants de la IIIe République, l’inconséquence de la gauche qui nous amenèrent à la défaite de 1940 […] Des pages venant du cœur et n’en servant pas moins la raison ».

Elle est morte le 16 avril 1994, à Paris.

Une telle ascendance eut assurément une influence non négligeable sur la personnalité, le tempérament et le caractère de Jean-Luc de Carbuccia, qui « après diverses expériences professionnelles » a remis à l’honneur l’œuvre de son père en redonnant vie, en 1957, aux Éditions de Paris qui a publié, depuis, environ 300 titres « en marge des courants conformistes et commerciaux dominants » (histoire, littérature, religion, mémoires et souvenirs, islam, etc.) parmi lesquels il faut mentionner l’ouvrage Louis XVII de Xavier de Roche (paru en 1986), « prodigieux recueil des travaux de son auteur sur l’énigme de l’enfant du Temple » (Des documents, des faits, des certitudes).

Par ailleurs, il fut en 1986, le créateur de l’émission Lumière 101, «la Radio du dimanche de Radio Courtoisie». Il fut aussi, vice-président de l’Association des Amis de l’abbé Jean Carmignac, à laquelle il appartenait depuis les premiers jours (l’abbé Carmignac fut un des premiers ecclésiastiques à s’élever contre la formulation moderne de la traduction en langue française de la prière du Pater Noster). Il apporta son soutien à l’œuvre de Notre-Dame de Kabylie qui revendique de répondre à un appel millénaire des Kabyles. Il développa sans relâche cet engagement dans les dernières années de sa vie et de sa longue lutte « aux côtés de tous les nouveaux chrétiens venus de pays aussi différents que l’Iran, l’Afghanistan, l’Afrique du Nord ou l’Anatolie ». Un grand nombre de titres de son catalogue d’éditeur sont des ouvrages ayant trait à ces questions en attirant et retenant l’attention sur les nombreuses erreurs et falsifications historiques contenues dans l’islam et colportées par les fallacieuses interprétations qui en sont faites.

A Chiré, nous nous honorons d’avoir collaboré depuis plus de quarante ans avec Jean-Luc de Carbuccia pour la diffusion et la distribution de ses livres. Il fut certainement un des rares éditeurs avec qui nous avons tissé des liens qui s’élevaient bien au-delà des seules relations commerciales. Ayant été amenés à le rencontrer à plusieurs reprises, nous conservons de lui l’image d’un homme d’une extrême amabilité, civilité ou courtoisie. Nul nuage n’est jamais venu assombrir nos décennies de travail mutuel, dont il nous reste le souvenir de la meilleure harmonie.

Ses obsèques ont été célébrées le 23 décembre en l’église Saint-Honoré d’Eylau (Paris, XVIe arrondissement). Une messe de requiem a ensuite été célébrée dans la cathédrale d’Ajaccio. Nous assurons son épouse, ses enfants et petits-enfants de toute notre sympathie et les prions de bien vouloir accepter les marques de nos condoléances.

NB : Les quelques passages ci-dessus mentionnés entre « guillemets » ont été empruntés au bel hommage que lui a rendu Jean-Gilles Malliarakis, publié dans le numéro du 28 décembre 2021 de notre confrère Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris).

Jérôme SEGUIN