Quelques prêtres et religieux, qui veulent jouer leur rôle de pasteur, ont décider de résister au pitoyable conformisme socialiste des évêques de France. Ils se sont unis au sein du Collectif Antioche.
Lu pour vous dans Présent
— Tout d’abord, pourquoi ce nom de «collectif Antioche» ?
— Pour tout vous dire, nous sommes un peu dépassés par l’écho favorable que rencontre notre initiative. Cependant, la perspective est simple : «Antioche», ce sont les racines de l’Eglise (Actes 11, 26), la foi de ses premiers évêques, l’apôtre saint Pierre et le martyr saint Ignace. C’est le courage dans l’épreuve de nos frères chrétiens d’Orient, inspiration pour l’Occident. Une sorte de «retour à l’essentiel» pour éclairer le présent, sans intention de donner des leçons à qui que ce soit, en des temps difficiles. Nous avons vu les positions voilées de la CEF et, surtout, nous constatons l’incertitude des fidèles. Nous nous devions de réagir de manière ajustée à notre rôle de pasteurs.
Après quelques discussions entre amis, l’initiative a été lancée.
— Quelles sont les raisons qui vous empêchent de voter pour Emmanuel Macron ? Et celles qui vous font voter Marine Le Pen ?
— La focalisation de l’argumentaire sur quelques versets bibliques pour défendre «l’accueil de l’étranger» ou «rejeter la peur» ne suffisent pas à guider un discernement politique. L’hospitalité d’Abraham est une belle chose, mais la réflexion éthique de l’Eglise s’est approfondie depuis quelques siècles, non ? La pensée des docteurs, saint Thomas, saint Alphonse et tant d’autres, devrait éclairer plus finement nos débats. Les enjeux sociaux et sociétaux méritent un peu plus de sérieux.
Allons à l’essentiel. M. Macron et ses riches mentors sont partisans d’une ouverture économique dérégularisée qui met en péril les plus faibles. C’est le système financier qui devient la norme. Le pape François le dit : «La politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la technocratie. Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que la politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la vie, spécialement de la vie humaine» (Laudato si, 189). N’oublions pas les changements sociétaux que ce système induit nécessairement. D’où notre défiance.
Et pour Mme Le Pen ? Bien sûr qu’il y a des raisons de s’opposer à elle, mais pourquoi donc la traiter comme une candidate d’une autre nature que son adversaire ? Sur les questions essentielles, nous n’avons — ce qui est normal en politique — qu’une «préférence d’opportunité».
— Comment expliquez-vous l’engagement anti-FN, même s’il n’ose plus s’intituler ainsi, de la Conférence des évêques de France ?
— Seuls les historiens pourront nous le dire un jour. Il nous semble, à mes confrères et à moi, que la «connivence» dénoncée autrefois par le cardinal Decourtray entre une part du haut clergé et les élites, une paresse intellectuelle récurrente dans ces milieux et la pression médiatique pourraient l’expliquer. Le problème, c’est que les temps ont changé. La Manif pour tous, qui a engendré une nouvelle et magnifique génération de jeunes catholiques décomplexés, est passée par là. La «parole se libère», pour reprendre un vieux slogan. Les évêques auraient tout intérêt, nous le disons avec respect, à le voir.
— Quel succès rencontre votre collectif dans le milieu des prêtres et des religieux ? Avez-vous le soutien de certains prélats ?
— Un succès d’estime, certainement bridé par la chape de plomb qui règne dans l’Eglise en France aujourd’hui, fruit d’années de pressions et de sanctions aussi. De toute façon, nous n’avons aucune vocation à nous perpétuer en un vulgaire lobby. Nous intervenons, comme des millions de citoyens, pour dire sur l’agora ce que nous pensons, sans sortir du devoir de prudence et de réserve qui est notre lot au quotidien. Ceci explique l’anonymat.
— Prêtres en lien quotidien avec le véritable peuple français, comment voyez-vous ses préoccupations et son avenir ?
— Nous sommes des témoins de la vie quotidienne des familles, des villages et des quartiers. Nous voyons les évolutions profondes, les fractures sociétales, les dérives anthropologiques qui affectent notre pays, le «hors-sol» de nos évêques. Nous sommes aussi té-moins d’une «résistance» du bon sens, au quotidien, dans les familles, chez ceux «qui se lèvent tôt», et ne s’en laissent pas (trop) compter par la «société du spectacle». Même sur le plan de la foi, un certain «retour identitaire chrétien», simple et courageux, se fait jour, loin des structures officielles. Tout ceci est fragile, d’où notre prise de parole.
— L’islam vous semble-t-il une menace pour l’avenir de la France ?
— C’est une question difficile, qui ne peut pas non plus se résoudre à coup de slogans. Le recul et la lucidité s’imposent, face au simplisme du «vivre ensemble» et à notre tiédeur. La question doit évidemment être traitée, avec intelligence, courage et sérieux, mais dans la naissance du Collectif Antioche, elle n’a pas été prioritaire.
Propos recueillis par Anne Le Pape
Présent n°8853 du 3 mai 2017