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Élections 2022 : Marine, Zemmour, Pécresse – Quel programme économique pour quel choix de société ?

Élections 2022 : Marine, Zemmour, Pécresse – Quel programme économique pour quel choix de société ?

Difficile de parler des élections présidentielles lorsque l’on constate combien les promesses et programmes successifs n’engagent que ceux qui les écoutent et cela depuis bien trop longtemps. Avec l’amoralité croissante, il y a même une accélération dans l’affairisme qui en devient lassant pour l’observateur ayant un peu de mémoire.

Le niveau des débats est à ce point dégradé qu’il porte principalement sur l’économie, devenant depuis au moins quarante ans le principal sujet différenciant des candidats à l’élection suprême, comme nous allons le démontrer. L’économie, déjà devenue la nouvelle religion utilitariste, est devenue par glissement sémantique un véritable choix d’une société hédoniste administrée. Pour nos contemporains mieux vaut l’esclavage sanitaire que ne pas exister économiquement ! Que nous proposent les principaux candidats de droite pour pallier ce contexte de fuite en avant suicidaire ?

Marine Le Pen, RN comme « ralliement » ?

Le programme économique du Rassemblement national se caractérise par le ralliement au système. Depuis son accession à la tête du mouvement. Marine Le Pen aurait-elle réussi la gageure de transformer son parti en une coquille vide ? Comme l’exprimait déjà le regretté et emblématique Roger Holeindre en 2011 [1], son arrivisme l’a amenée à préférer la laïcité aux origines chrétiennes de la France (mesure 95 du programme de 2017 : promouvoir la laïcité et lutter contre le communautarisme) et « l’assimilation républicaine » (ex-mesure 98) à l’histoire de France. Peut-on encore parler de nationalisme dans ces conditions ? Économiquement, le RN pourrait se confondre avec bon nombre de partis, toutes tendances confondues, tant il pousse à l’interventionnisme d’État et au déséquilibre budgétaire.

Ce programme repose sur un axe principal, opposé à celui de 2017 : l’abandon d’une politique de sortie de l’Euro, ce qui introduit de facto des contradictions visibles dans son programme.

Aussi, à partir du moment où vous vous ralliez à la monnaie de l’UE, vous en acceptez la politique monétaire et budgétaire. Il y a donc logiquement revirement sur la sortie de l’UE et la sortie de l’espace Schengen, même s’il est encore question de vouloir renégocier les traités. Il est contradictoire avec la volonté d’un référendum pour faire inscrire dans la constitution la supériorité du droit national sur l’international.

Les contradictions continuent avec :

– le déséquilibre budgétaire qui résulterait de la politique des retraites à partir de 60 ans (avec les 40 trimestres) : le coût d’une telle mesure s’évalue entre 20 et 40 milliards d’euros par an à partir de 2027 (chiffrage IFRAP) et s’avère une promesse démagogique dans le contexte de déficit actuel dû à la pyramide des âges inversée, même avec une politique familiale active.

– la réindustrialisation :

  • accorder une priorité d’accès des entreprises françaises aux marchés publics et à ceux qui produisent en France (cela s’avère contre-productif du fait du désavantage compétitif à moyen terme des entreprises nationales protégées) ;
  •  lutter contre la concurrence étrangère déloyale (difficile à mettre en place avec les textes européens…) ;
  •  garantir un étiquetage clair en faveur du « produit en France » (l’étiquette ne suffit pas…) ;
  •  suspendre le travail détaché (difficile à mettre en place, les textes européens étant supérieurs au droit français) ;
  •  soutenir l’innovation et la R&D – recherche et développement expérimental [2] (on est tous pour, mais on fait comment concrètement ?) ;
  •  dispenser les moins de 30 ans de tout IS (impôt sur les sociétés) et IR (impôt sur le revenu). Mesure démagogique sans fondement…
  •  bâtir un état stratège en soutien aux entreprises françaises.

En fait, sa campagne 2022 fait écho à celle de 2017, sa réindustrialisation associant l’industrie et l’État-stratège pour privilégier l’économie réelle face à la finance spéculative (ex-mesure 34).

– L’instauration d’un patriotisme économique vis-à-vis des contraintes européennes (difficilement applicable dans la pratique ; le problème de ces mesures est qu’elles sont trop interventionnistes et sapent l’initiative)

– Le maintien de l’impôt sur le capital est également un signe du parti pris gauchiste, et clientéliste. Chacun sait que l’ISF ou son successeur (l’IFI – Impôt sur la fortune immobilière) est une mesure idéologique dépassée qui coûte plus cher qu’elle ne rapporte. Il est surtout un signal de départ des personnes riches, et spolie les héritiers de groupes industriels voulant rester en France. 

En revanche, le programme devient crédible lorsqu’il trouve des ressources et des économies grâce :

– au contrôle sur les détournements : lutte contre la fraude sociale pour financer des mesures de baisse de fiscalité des ménages ; cette fraude est estimée à 15 milliards d’euros par an ;

– à la lutte contre l’immigration et pour la sécurité qui sont également pourvoyeurs d’économies (estimées à 15 milliards d’euros par an, cette mesure est liée à sa volonté d’application) [3].

– Au soutien aux entreprises : allégement des complexités administratives et fiscales des TPE-PME (ex-mesures 44,45), abaissement des charges sociales (ex-mesure 46), un impôt sur les sociétés à 15 % avec un taux intermédiaire à 24 % (au lieu de 30 %). Enfin du concret pour relancer l’activité si ces mesures sont maintenues.

Avec le temps et la maturité de ce mouvement, il aurait été utile d’avoir un programme économique plus cohérent, mis à jour, et avec un choix doctrinal clairement défini. Si l’on est pour la déréglementation, on essaie de donner un signal clair antiétatique privilégiant la libre entreprise et le capital (source de la constitution de toute propriété). La réussite de la méthode d’un Donald Trump pour relancer la première puissance mondiale pourrait inspirer quelques idées (comme la baisse générale des impôts, la déréglementation, la lutte contre l’avortement pour relancer la natalité)… De quoi sortir le RN de l’isolement, du clientélisme et de la logique du Pacte républicain.

Zemmour : un Donald Trump à la française ?

Avec de telles contradictions, on comprend mieux la candidature d’un Éric Zemmour, qui a l’avantage de ne pas venir du sérail politicard (cf. Trump) et de connaître son sujet en tant qu’ancien chroniqueur de talent. Il n’est pas milliardaire, mais est soutenu par la sphère conservatrice du groupe Bolloré, à travers des médias comme CNews, Europe 1, Sud Radio ou Canal+… ce qui explique sa soudaine visibilité médiatique.

Doctrinalement clair et intellectuellement décomplexé, il pose de grands choix de société sinon de civilisation, ce qui, il faut avouer, est plutôt la bonne surprise de ces élections. De plus son choix courageux de supprimer les lois liberticides et contre-nature permet d’entériner la remise en cause d’une économie dirigiste : avec la fin de la PMA et de la théorie du genre, la suppression du permis à points (mesure symbolique pleine de bon sens) et surtout la suppression du passe sanitaire, on peut présager une fin de la dictature sanitaire actuelle et entériner une politique de reprise économique sur de bonnes bases.

Aussi, même si l’aspect économique pourrait être perçu comme jouant un second rôle dans sa campagne, il a l’avantage d’être clair et logique :

– Essai de contre-mesures pour enrayer les déficits chroniques :

  • des retraites en proposant un âge légal de départ à 64 ans (ce qui est logique compte tenu du déséquilibre de la pyramide des âges),
  • la suppression du droit du sol et la fin du regroupement familial. Arrêt temporaire de l’espace Schengen et retour aux frontières nationales. Lutter contre la fraude sociale, réalisant une économie de 50 milliards d’euros (versus 15 milliards pour le RN trop timide), réserver les modèles sociaux aux Français et étrangers qui payent l’impôt, fin des allocations familiales aux étrangers (mesure type Trump),

– augmentation de la durée du temps de travail au-delà de 35 h.

– rapatrier le travail en France (mesures type Trump) :

  • en augmentant les taxes sur les importations extraeuropéennes,
  •  en baissant l’IS et en réduisant les charges sociales.

– augmentation du pouvoir d’achat des salariés :

  • baisse de charges ciblées pour les 50 % de Français les plus modestes, en dessous du salaire médian,
  •  simplification et défiscalisation de la « participation »,
  •  baisse de la CSG sur bas salaire,
  •   non-augmentation du SMIC, qui a pour effet induit de pousser à produire à l’étranger (réaction type Trump).

– indépendance énergétique et lutte contre le dictat international des écologistes mondialistes (Davos) adeptes du réchauffement (mesures type Trump) :

  • développement du nucléaire,
  • stopper la pollution rurale des éoliennes dont les subventions coûtent 6 à 7 milliards d’euros par an.

Ce résumé met en évidence une certaine similitude avec l’ancien président américain, avec une approche économique plutôt entrepreneuriale (libérale idéologiquement : baisser les impôts et la pression de l’État sur le citoyen). La tâche sera cependant difficile car, à la différence des États-Unis, la France s’inscrit dans une logique européenne, où 70 % des lois sont décidées à Bruxelles et notamment l’équilibre budgétaire. On est d’autant plus circonspect que monsieur Zemmour part d’une feuille blanche quand Trump avait réussi à rallier à lui le parti républicain. La marge de manœuvre est donc bien faible et l’appareil technocratique en place peu enclin à perdre une parcelle de son pouvoir !

Même s’il n’a pas toutes les qualités, il a l’immense avantage d’être courageux et cultivé : qui a osé affronter la classe politique « bobo » et rappeler les origines chrétiennes de la France ces trente dernières années ? Pour autant, son choix de société est finalement autant contradictoire que celui de Marine : comment parler du grand remplacement, de la lutte contre l’immigration, des retraites et faire l’impasse sur une loi d’actualité (passée récemment à 14 semaines) qui coûte plus de 200 000 vies innocentes par an ? La première mesure économique d’un chef d’État digne de ce nom est bien de soutenir la natalité, sauver la vie pour sauver la nation et autoriser une reprise économique durable. Un Donald Trump ne s’y était pas trompé et le Bon Dieu le lui avait bien rendu.

Valérie Pécresse, Macron en talons aiguilles ?

Pécresse est l’archétype du candidat du système sorti du chapeau républicain à bon escient. La différence avec Macron est ténue, mais elle peut justement faire illusion pour pérenniser un modèle politique moribond. Diplômée d’HEC, arrivée 2e à l’ENA, ministre de Sarkozy, présidente de la région Île-de-France, elle a pour elle d’être une femme, chic et brillante, qui inspire Alain Minc (le faiseur de présidents). Elle inspire confiance avec un parcours (presque) sans faute. Qu’en est-il des principes qui l’animent ?

– Une politique liberticide identique :

  • pousser à la vaccination par des tests PCR payants,
  • environnement : Développer en parallèle du nucléaire le petit hydraulique, le photovoltaïque et l’éolien (même programme que Macron, et logique issue du Forum de Davos)

– Principes économiques libéraux :

  • libéraliser le temps de travail qui sera négocié par branche ou par entreprise, pour s’adapter aux nouvelles façons de travailler (mesure type de déréglementation dont rêvent Macron et le grand capital).
  • réconciliation du travail et du capital, d’ici à 5 ans, toutes les sociétés cotées devront atteindre le seuil de 10 % de leur capital détenu par leurs salariés ; développer les mécanismes d’association dans les entreprises non cotées (élément en apparence positif, mais qui crée un biais entre salariés du privé avec un net avantage aux salariés des grandes entreprises).
  • Mener un audit du « quoiqu’il en coûte » afin de supprimer les dépenses publiques inefficaces. Réaliser 45 milliards d’euros d’économies grâce à ces réformes et percevoir 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires par la privatisation d’entreprises concurrentielles dans lesquelles l’État n’a pas vocation à être un actionnaire minoritaire (lesquelles ? Engie, Renault ? mesure nécessaire, mais qui doit être opérée en totale transparence compte tenu des risques d’enrichissement manifestes, du copinage et des conflits d’intérêts déjà connus).
  • Réduction des normes sur la production industrielle, l’agriculture, la construction de logements ou la distribution (99 % des normes sont européennes… mesure démagogique ?)

Autres mesures économiques :

– Prestations sociales : délai de 5 ans de résidence pour toucher les allocations et prestations sociales (mesure de façade, mais pas de changement sur le fonds qui est l’immigration)

– Aménagements urbains : ghettos urbains : même politique de mixité sociale (30 % de logements très sociaux ; gains artificiels par vente du parc HLM réalisés en une seule fois. Ne traitent pas le fond qui est l’immigration).

– Réduction du déficit retraites : retraite à 65 ans dès 2030 (réaliste, mais sans aucune modification structurelle nécessaire à une politique familiale, avec des avantages aux familles nombreuses, des innovations avec une mise en place du régime initial de la capitalisation, etc.).

– Aide aux PME : création d’une banque des jeunes pour financement des études, avec remboursement différé après l’entrée dans la vie active (pourquoi ajouter une nouvelle banque dans un environnement déjà sur-bancarisé alors qu’un prêt à taux 0 suffit ?).

– Transport : Instaurer service minimum (existe déjà mais non appliqué, tout dépend de la volonté politique… la droite molle ne rassure pas).

– Politique salariale :

  • augmenter dans les 5 ans les salaires nets inférieurs à 2,2 SMIC de 10 %, hors inflation (pourquoi cette différence, et cet interventionnisme qui diminue au final la compétitivité ?).
  • sur dix ans, ramener la dette dans des proportions plus supportables, vers 100 % du PIB (comment ?).

– Industrie/agriculture  :

  • taxer les importations ne respectant pas les normes françaises.
  • durcir la PAC. Accroître les surfaces agricoles biologiques (démagogique, car contrainte des accords européens).

– Imposition :

  • IFI (Impôt sur la fortune immobilière) : évaluer une exonération à 50 % de la résidence principale (devrait être carrément supprimé).
  • IS : Poursuivre la baisse des impôts de production financée à hauteur des économies sur les dépenses réalisées pour que ces baisses soient réellement pérennes (Incompréhensible… s’est-elle relue ?).

– Souveraineté française :

  • créer un Haut Conseil de la souveraineté économique et numérique auprès du Premier ministre (encore un « Machin » coûteux, qui devrait relever de la mission du ministre de l’Économie).
  • imposer la réciprocité ou la préférence européenne dans la commande publique, notamment via des clauses carbone, et imposer des quotas européens en matière de logiciels et d’infrastructures numériques. L’État et les acteurs publics devront utiliser au minimum 50 % de logiciels européens (pâle copie du programme de Marine, mais difficilement applicable avec Bruxelles et le lobbying organisé).
En conclusion

Opposer Pécresse à Macron n’est-il pas le dernier subterfuge républicain ? Nos deux protagonistes ne mènent-ils pas finalement le même combat ? D’une formation quasi équivalente, ENA tous les deux, ils ont fréquenté les mêmes clubs élitistes et mondialistes, étant tous deux des « Young Leader » de la French American Foundation [4], et tous deux anciens du « Bildelberg » fondé par David Rockefeller [5]. Comment certains membres de nos milieux politiques peuvent-ils avoir l’impudence d’inciter à voter directement pour Pécresse au premier tour sous prétexte de lui permettre de battre Macron au second ? C’est oublier bien vite le scandale des éoliennes en mer alors qu’elle était ministre du Budget et son mari président d’Alstom Renouvelables [6]. Leur nomination simultanée ayant permis de débloquer le financement du projet éolien de manière surprenante. Il ne faut pas oublier également en 2015, la vente scandaleuse d’actifs stratégiques d’Alstom, fleuron industriel tricolore fabriquant des moteurs propulsant nos centrales nucléaires ainsi que nos sous-marins, à l’américain General Electric, vente réalisée par le mari de Valérie Pécresse et Emmanuel Macron alors Premier ministre (avec à la clé une belle commission de négociation) [7], alors que celle-ci est présidente de région Île-de-France [8]. Comment ne pas avoir un doute sur l’honorabilité de tels gestionnaires qui n’hésitent pas à jongler avec les conflits d’intérêts manifestes ? Ces affairistes ne s’inscrivent-ils pas inévitablement dans la même logique que leurs prédécesseurs : brader les actifs de la nation en se servant au passage ?

Avec un style BCBG de première de classe venue des quartiers chics, elle incarne la candidate idéale du système et de la bourgeoisie bien pensante. Son programme est « droitiste » juste pour les circonstances et restera lettre morte pour une grande partie… A-t-elle des chances d’être élue ? La candidature d’Éric Zemmour augmente significativement ses chances. Dans un système électoral à deux tours, il ne faut pas oublier que la diabolisation est l’arme de destruction massive pour protéger les candidats du système. Électoralisme quand tu nous tiens…

Erwan FABER

[1] – https://www.contre-info.com/roger-holeindre-sexplique-sur-son-depart-du-fn

[2] – Qui englobe les activités créatives et systématiques entreprises en vue d’accroître la somme des connaissances et de concevoir de nouvelles applications à partir des connaissances disponibles. La R&D comprend la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental (source : Insee.fr).

[3] – Source : https://www.entreprendre.fr/le-programme-economique-de-marine-le-pen-est-il-credible/

[4] –  Young Leader : promotion 2002 pour Pécresse et 2012 pour Macron : https : //frenchamerican.org/young-leaders/earlier-classes/2002/

[5] –  Voir la liste des membres sur Wikipédia.

[6] – « Révélations : Pécresse et l’éolien, un business juteux » (lincorrect.org, 19/07/2021).

[7] – « La vente d’Alstom : ce secret entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron est une bombe à retardement » (https://lalettrepatriote.com/).

[8] – « Alstom : quand Jérôme Pécresse supprime les emplois de la région de Valérie… Pécresse » (marianne.net, 15/01/2016).

La lecture de cet article extrait du numéro 778 (février 2022) de Lectures Françaises vous est offerte en intégralité. Pour découvrir le  sommaire du numéro et le commander, c’est ICI !

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