Éditorial, décembre 2016 : Le suffrage universel en question ?
Dans deux de nos précédents numéros, nous avions exprimé notre sentiment à propos des élections primaires de la « droite » : Nous sommes enclins à supposer qu’il y aura du grabuge (n° 713, septembre), puis Le coup d’envoi du pugilat a été donné (n° 714, octobre). Aujourd’hui (à la fin du mois de novembre), en face de ce que nous venons de constater, de voir et d’entendre, nos prévisions s’avèrent ne pas avoir été trop mauvaises, ni même exagérées ! Nous nous sommes toutefois trompés sur un point : ce ne fut pas un pugilat, mais carrément une « foire d’empoigne » au cours de laquelle tous les coups, même les plus vils, voire parfois injurieux, ont été assénés.
N’y revenons pas, vous avez tous suivi l’affrontement sans merci (du 21 au 26 novembre) entre Fillon et Juppé (à propos de ce dernier, Éric Zemmour a pu dire, dans sa chronique, sur les ondes de la radio RTL, du 3/11/2016, « il a l’art de changer l’or des passions politiques en plomb technocratique »). Nous rédigeons cet éditorial durant la période intermédiaire de l’entre-deux tours et connaissons seulement le 28 novembre le verdict définitif. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro, mais restons très dubitatifs sur les capacités qu’aura le vainqueur de la joute à tenir les rênes du gouvernement (s’il est élu en mai prochain) pour sortir la France de l’ornière dans laquelle l’un et l’autre ont contribué à l’y enliser, en tant que ministres et même premiers ministres pendant tant d’années (auprès de Chirac et de Sarkozy).
Si nous sommes parvenus à bien discerner ce qu’il faut ressortir de leurs échanges d’ « amabilités », soigneusement et « adroitement » encouragées ou attisées par les media, nous en tirons le constat suivant : que l’un soit « réactionnaire traditionaliste » et l’autre plus « ouvert » sur les questions « sociétales », les deux hommes partagent une préoccupation primordiale : non pas de proposer et, surtout, de mettre en application, un plan de gouvernement efficace pour le redressement de la France, mais de tout mettre en œuvre (au prix de toutes sortes de compromissions) pour faire barrage au Front national, dont apparemment ils ont une peur bleue, à la suite des deux récentes « catastrophes populistes », de l’adoption du Brexit en Grande-Bretagne et de l’élection de Donald Trump, aux Etats-Unis !
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Au cœur de cette fébrile agitation, notre numéro, ce mois-ci est titré sur l’épineuse question du vote. Il est inutile d’en faire ici un commentaire qui serait superflu : tout est dit (ou presque) dans les réponses données par Guennaël de Pinieux, dans le cours de l’entretien qu’il nous a accordé (pages 9 à 14). Il ne l’a pas reprise dans ses propos ; c’est pour les conforter que nous retenons une phrase que nous avons relevée en lisant son opuscule : « Le suffrage universel accorde à l’électeur, inconscient des enjeux, une compétence qu’il n’a pas et que Dieu, lui-même, n’a pas ».
C’est ainsi que, depuis des dizaines d’années, nos dirigeants sont désignés par des électeurs en majorité incompétents. Il n’est donc pas étonnant que ces dirigeants ne soient, à leur tour, pas très compétents, puisqu’il est admis qu’il faille les renouveler tous les cinq ans !
Nous nous attendons à quelques vives réactions de la part de certains de nos lecteurs, mais force est tout de même de constater que depuis tant et tant d’années que l’on nous dit (quand on ne nous en intime pas l’ordre !) qu’il est important, même indispensable, de participer à de tels scrutins : nos suffrages ont-ils donné une inflexion favorable à la façon dont est dirigée la France ?