L’affaire Weinstein aux États-Unis a été le déclencheur de nombreuses plaintes dans le monde opaque du film, puis du spectacle en général. Des actrices ou des employées ont osé porter plainte contre des patrons ou dirigeants qui avaient profité de leur autorité pour soumettre ces femmes à leur lubricité. Ces pratiques sont anciennes mais leur dénonciation publique est récente. Si les media s’en sont faits les échos, c’est que le sujet fait vendre (ou écouter et voir pour l’audiovisuel), mais aussi parce que, de plus en plus, les « réseaux sociaux » ont montré une réactivité fort concurrentielle.
L’affaire DSK n’avait pas pu être étouffée. La dénonciation médiatique des viols dont ont été victimes des actrices d’Hollywood mondialement connues, a incité d’autres groupes de femmes ayant subi le même sort à témoigner : des sportives, des employées diverses, des journalistes, etc. Les media ont en quelque sorte orchestré les cascades de dénonciations. Il est vrai que depuis quelques décennies, certains organes de presse ou de radio se sont faits les champions de la morale des droits de l’homme. S’ils investiguent c’est pour les combats de la bien-pensance, contre les discriminations, évidemment pour les « avancées » sociales. En gros ils suivent la doxa de la gauche libérale-libertaire devenue le prêt-à-penser. Quand un élu socialiste est montré du doigt, il est présenté comme un canard dans une portée de cygnes. La vérité c’est que la gauche a de plus en plus de mal à s’imposer comme le camp du bien. Les partis, les syndicats, qui ont fait de la discrimination des femmes leur programme théorique doivent balayer devant leur porte. Ce qui s’est confirmé en fin d’automne 2017 avec les dossiers traitant de la « pépinière du PS » et autres mouvances du même tonneau. À savoir le syndicat étudiant UNEF. Dans notre numéro 727, nous avions signalé les curieuses réunions « non-mixtes racisées », par exemple réservées aux femmes noires. Avec l’accord du bureau national. Depuis des années, des rumeurs couraient sur le comportement des équipes dirigeantes occupées principalement par des hommes. Des agressions sexuelles avaient lieu, pas seulement dans les séances de bizutage ou les « soirées étudiantes ». Bref, les trotskistes-lambertistes se conduisaient comme les pires des sexistes.
Ce n’est pas seulement l’avis d’un catho-réac. Les filles ont parlé. D’abord une vingtaine d’ex-militantes, de différentes époques, de différentes tendances qui ont été victimes des harcèlements des « camarades ». Tout a commencé à la mi-novembre par des propos tenus sur Facebook, puis par téléphone. Premiers témoignages dans Libération. Puis pour se confesser, une vingtaine d’entre elles ont ensuite choisi le journal qui a toujours montré sa sympathie pour la plupart des courants marxistes-léninistes, Le Monde. Elles ont donné leurs témoignages qui concluent sur les mêmes constats : le syndicat laisse pratiquer un « système de prédation » envers les femmes. Le quotidien du soir semble découvrir le fonctionnement de l’UNEF (depuis au moins les années 80) : un « monde clos qui représente à peine 2 % des étudiants et où règne une hiérarchie très marquée »… les troupes doivent se sacrifier pour l’organisation »… (Le Monde, 29/11/17). Bien des jeunes militantes acceptaient les avances sexuelles du président et des dirigeants.
Le dossier prend du volume. Dans le même numéro du Monde, on trouve les témoignages de 83 anciennes adhérentes (avec mention de leurs prénoms et les dates de « militantisme », et le journal a vérifié l’exactitude des données). Celles qui critiquaient les agissements de certains cadres étaient morigénées, accusées de « trahison » ! En cas de grossesse « le silence était de mise ». Alors que les cadres péroraient à la tribune pour défendre les droits de la femme à disposer de leur corps, l’accès à l’IVG, à la contraception. On les croit. Les responsables – par exemple la présidente actuelle, Lilâ Le Bas – ont juré, croix de bois, croix de fer, que l’UNEF avait évolué, et que « le silence et l’omerta ne sont plus la loi à l’UNEF ». Peut-être, il n’empêche que ces révélations ont sidéré les militants d’un mouvement très proche de l’UNEF, le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), tous ou presque formés par le syndicat. Et fidèles de Benoît Hamon depuis une dizaine d’années. A l’occasion de la réunion de sa nouvelle structure, le Mouvement du 1er juillet (ou M1717), l’ancien ministre de l’Éducation avait déjà décidé de faire réfléchir ses troupes sur « les rapports de domination des hommes sur les femmes ». Il y a trois mois, son parti a connu une histoire de violence : un conseiller d’Île-de-France, Gilbert Cuzou a été exclu. Cela n’a pas empêché les critiques ; « Cuzou, MJS, UNEF, ça fait beaucoup quand même ». Tu l’as dit. ♦
Jacques DE KREMER