Lectures Françaises

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Comprendre ce que la Russie a à dire

ByLectures Francaises

Juil 1, 2017

Qu’est-ce que Sputnik ? Sputnik France est composé d’une radio (93.1 en Ile-de-France) et d’un site internet. Edouard Chanot est l’un de ses journalistes-chroniqueurs depuis un an et demi. Il dirige deux émissions hebdomadaires : « Parade-Riposte », émission de débat politique, et « A vos marques… pages », la lecture indispensable de la semaine, où il évoque des livres politiques au sens très large.

Lu pour vous dans Présent

— Il a beaucoup été question de Sputnik dernièrement… Cela a dû vous faire de la publicité ?
— C’est le moins qu’on puisse dire… En fait, nous avons été pointés du doigt par le président de la République lors de sa rencontre à Versailles avec Vladimir Poutine — c’est lui qui nous a désignés. De facto, nous sommes devenus un média d’opposition, ce qui n’était pas dans les intentions de Sputnik.

— Dès la campagne de Macron candidat à la présidence de la République, Sputnik a été accusé de diffamation (pour une accusation de comptes aux Bahamas) envers celui qui finalement a été élu. Qu’en était-il exactement ?
— C’était, à Versailles, la troisième fois qu’il mentionnait Sputnik, mais la première en tant que président de la République et devant les caméras du monde entier. Avant lui, plusieurs de ses conseillers l’avaient fait, dont Richard Ferrand. Le problème, c’est que je suis totalement incapable de comprendre ce qu’ils nous reprochent exactement : les rumeurs concernant Mathieu Gallet ? Les Bahamas ? En fait, ils évoquent des tweets de militants qui seraient; selon leurs propres termes, dans la « sphère d’influence » de Sputnik. Il nous est donc reproché des propos tenus par des personnes qui n’ont aucun lien direct avec nous, si ce n’est celui de nous suivre. Vous admettrez que c’est un peu léger. En rhétorique, on appelle ça un amalgame.

L’accusation qui revient en boucle ces derniers temps n’est-elle pas que vous êtes un agent d’influence et de propagande russes ?
— L’eurodéputé polonais Anna Fotyga a publié à l’automne 2016 un rapport, approuvé par le parlement de Bruxelles, sur la nécessité de combattre la propagande « de la Russie et de Daesh ». On nage en plein délire. Qu’est-ce que la propagande ? Où commence-t-elle ? On s’accuse souvent à tort et à travers de propagandisme. Tout devient propagande, donc plus rien ne l’est… Si je voulais la définir rigoureusement, je dirais que c’est un moyen en vue d’instaurer un Etat totalitaire. Vous me permettrez de penser que Vladimir Poutine n’en a pas l’ambition.

Allez-vous porter plainte pour accusations infondées ?
— La question a été soulevée. Nos avocats sont en train de plancher sur le sujet.

Y a-t-il une « guerre de. l’information » ? Si Vladimir Poutine n’a pas répondu sur la question à Emmanuel Macron, Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères, a déclaré le lendemain flue ces accusations constituaient « le relent d’une campagne antirusse lancée par l’administration Obama et dent les partenaires européens ne peuvent se débarrasser ».
— Je ne suis pas choqué que Vladimir Poutine n’ait pas répondu lui-même, d’autres sujets plus importants, comme la Syrie, ayant été évoqués dans la même question. A vrai dire, j’aurais été, à titre personnel, gêné qu’il monte au créneau pour nous défendre… Là, les choses sont claires : nous n’avons besoin d’aucune protection de la part du Kremlin.
« Guerre de l’information » ? Peut-être est-il, d’une certaine manière, flatteur d’être un «guerrier de l’information», compte tenu de l’état pitoyable du journalisme en France ! Je serais en fin de compte un peu rassuré de ne pas être de cette caste (rires).

— L’affaire Sputnik évoque d’une manière générale l’indépendance de la presse.  Y a-t-il de grands journaux, en France, qui soient réellement indépendants ?
— Votre question contient la réponse. Les médias mainstream français n’ont de leçon à donner à personne. On compare souvent Sputnik à des médias mainstream français. A mon sens, la bonne comparaison se fait avec RFI ou France 24. Or, si vous lisez les discours de Chirac en 2002, et ceux de Raffarin en 2004, alors Premier ministre, quand ils ont annoncé puis lancé France 24, les justifications étaient exactement les mêmes qu’il y a deux ans pour Sputnik : faire entendre la voix de la France, soutenir le rayonnement de la France dans le monde. Les contenus diffèrent, mais l’intention est identique.

— Votre mission serait donc de faire entendre la voix de la Russie en France ?
— Historiquement, le média s’appelait d’ailleurs ainsi. Sputnik a heureusement évolué, mais il s’agit effectivement d’un média public russe, qui propose à l’opinion française le regard russe du monde contemporain. Nous ne prenons pas nos lecteurs pour des imbéciles, ils savent pourquoi ils nous lisent. La Russie est manifestement un acteur incontournable dans le monde à l’heure actuelle, comprendre ce qu’elle a à dire est, me semble-t-il, indispensable. Par ailleurs, tout média a une ligne éditoriale. Cela dit, à titre personnel, je traite principalement de politique française et de métapolitique et jouis d’une liberté que ne retrouverais sans doute pas ailleurs. J’ai pu organiser des débats et m’entretenir avec Patrick Buisson, Alain de Benoist, Michel Onfray, Eric Zemmour, Hervé Juvin et d’autres, de la nouvelle génération, comme Thibault Isabel de la revue Krisis ou Julien Rochedy. Je peux aborder et surtout approfondir des problématiques évacuées par d’autres.

— Quels rapports entretenez-vous avec vos confrères de la presse française ?
— Sputnik est un média jeune, cible depuis environ un an de nombreuses attaques car nous contribuons à briser un monopole sur les esprits. Des contre-vérités circulent à son sujet, que les médias se font un plaisir de reprendre sans jamais les vérifier. On l’a vu avec les propos d’Emmanuel Macron, aucun média n’en a vérifié la justesse. Ils n’ont fait que copier-coller les accusations, sans utiliser le conditionnel. Le seul média qui ait commenté intelligemment les propos d’Emmanuel Macron est TV Libertés — et Présent aujourd’hui ! Et Libération, en février dernier, dans un papier qui nous critiquait par ailleurs, mais soulignait le fait que Macron exagérait en faisant de nous la source des rumeurs.

Combien êtes-vous à travailler pour Sputnik France ?
— Dix au sein la la rédaction parisienne, et cinq collègues à Moscou qui sont surtout traducteurs du contenu des autres antennes.

Quel est le but de Sputnik ?
— Il existe aujourd’hui une fracture entre les Français et les journalistes de la «grande presse». Ces derniers vivent aux mêmes endroits, ils sont passés par les mêmes écoles et ils écrivent tous les mêmes choses. Sputnik, avec d’autres médias, apporte une voix dissonante ou des faits inconnus du grand public. Des exemples ? Le Figaro a fait paraître un entretien avec Poutine au lendemain de sa rencontre avec Emmanuel Macron. Nous avons publié les propos qui n’avaient pas été publiés, sur Guantanamo ; ou encore nous avons parlé du bombardement à l’arme chimique par l’Etat islamique à Mossoul en Irak, quelques semaines après celui de Syrie.

— Quelle est l’importance de votre public ?
— Sur notre site internet, notre audience a doublé en un an. Nous atteignons par exemple 300 000 personnes sur Facebook, ce qui est honorable.

— Est-il composé principalement de Russes vivant en France ou de Français s’intéressant à la Russie ?
— Pas de Russes, qui lisent directement les médias russes. Des Français. Un public plutôt jeune, 25-35 ans, dont nous ne sommes pas la seule source d’information. Certains lisent aussi pour nous critiquer.

L’ouverture d’un bureau de l’agence à Edimbourg a fait un certain bruit. Dans combien de pays Sputnik est-il déjà présent ?
— Sputnik existe en 32 langues.

Désirez-vous ajouter quelque chose ?
— J’aimerais insister sur notre côté pluraliste, qui surprend même les journalistes qui intègrent notre rédaction. Les opinions vont de la gauche libertaire anti-capitaliste à la droite nationale, en passant par l’extrême centre. Ce n’est pas toujours facile à vivre, naturellement, mais nous apprenons à délibérer. En fait, ce qui nous unit au sein de la rédaction est un esprit non conformiste, dissident… un « esprit cosaque » si vous voulez (rires). Aucun de nous n’aimerait travailler au sein d’un média mainstream… je serais sans doute très malheureux chez France Inter !

Propos recueillis par Anne Le Pape

Présent du 29 juin 2017

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