La rentrée sociale sera sans doute pour Macron l’heure de vérité et pourrait dévoiler quelques (mauvaises) surprises.
Lu pour vous dans Rivarol
Avec plusieurs mois d’avance, Macron et Philippe s’efforcent de déminer les mines disposées sous leurs pas pour la rentrée sociale. On le sait, elles sont de natures diverses. Il y a, en dehors de la réécriture de la réglementation du travail, les très classiques affaires de fermetures d’entreprises, suivies de reprises de salariés (mais, quasiment toujours, avec des effectifs réduits) ou pas. Dans ce dernier cas, la “casse” sociale est assumée par une dérogation systématique à la réglementation des indemnités de licenciement, qui sont accordées avec des montants très supérieurs au maximum légal. Les exemples les plus spectaculaires en la matière se relèvent dans le secteur des transports, illustré en particulier par l’affaire de la compagnie de navigation SNCM à Marseille. La généralisation de la pratique va finir par créer une jurisprudence, avec un effet désastreux à la clé, connu depuis les licenciements Madelin dans les chantiers navals, il y a plus de deux décennies.
A l’époque, j’eus à exécuter une mission afin d’établir le destin des licenciés. Mes rencontres avec divers responsables laissaient des zones d’ombre dont je connus en insistant la lamentable explication : des indemnisés avait eu la tête tournée par la manne financière à eux octroyée au moment de leur départ. Ils dépensèrent l’argent sans compter (voitures de luxe, etc.), certains aggravant les choses en achetant des petites entreprises dans toutes sortes de domaines, sans savoir les gérer. À l’épuisement de leurs ressources, ne voulant pas renoncer à leur nouveau train de vie, et devant la difficulté de procurer des emplois aux gens de la navale, , aux métiers très spécialisés, certains, las d’attendre sans fin, glissèrent dans le banditisme, et connurent la prison. Épisode occulté, mais qui empêchait de conclure l’étude sur le “recasage” des licenciés, à cause de “trous” dans les statistiques.
CHÔMAGE DE MASSE PLUS QUE QUADRAGÉNAIRE
Un autre effet, celui-ci reconnu, réside dans la répercussion sur les caisses de retraite, les salariés tenus pour “âgés” étant poussés à boucler par anticipation leur dossier de pensionnés. Le phénomène, sous le premier septennat Mitterrand, était même salué comme favorable aux jeunes, bien que détruisant la pyramide des âges dans l’emploi. En 2017, on constate surtout les dégâts dits de “désertification”, dans plusieurs régions, aux conséquences trop souvent irréversibles, par le massacre de ce qu’on appelle les emplois induits, ainsi dans le commerce, mais aussi dans d’autres activités (y compris la fonction publique).
À quoi la riposte des gens de pouvoir consiste entre autres à faire surgir cycliquement des pages entières dans la presse spécialisée à la gloire des entreprises étrangères s’installant en France, y créant des postes de travail. Les embauches ainsi suscitées ne représentent en fait qu’une proportion infime de celles surgissant chaque année en France, et l’on peut noter l’absence de curiosité des observateurs de l’économie quant au montant des gains réalisés par les firmes exotiques dans notre pays, et très légalement transféré vers les pays d’origine de celles-ci, sujet tabou. Il est vrai que les sociétés françaises à l’étranger procèdent de façon identique, tout en se heurtant à l’occasion à des réactions négatives des pays où elles sont installées.
Le bras de fer attendu sur la loi El Khomry, pour l’heure enlisé dans d’innombrables consultations/marchandages (en particulier au sujet des représentations syndicales en entreprise), ne doit pas faire oublier que le chômage de masse démarré en 1974 subsiste toujours, qu’en particulier l’industrie française se trouve en danger de disparition dans presque toutes ses branches, du fait du système mondialiste, et que rien ne devrait changer sur ce point.
Quant aux « affaires courantes », signalons au patronat, qui pour Macron a les yeux de Chimène, que le nouveau Cid garde la lame au fourreau dès lors que la CGT sort du bois. La grève avec blocages de dépôts de carburants (malgré les dénis cégétistes à ce propos) des conducteurs de « matières dangereuses » que cette confédération avait organisée, a obtenu un plein succès, le gouvernement Macron ayant accordé aux partisans de Martinez, par le biais des « clauses sociales » des appels d’offres, ce qu’ils réclamaient. Le patronat concerné a bonne mine. Voilà qui laisse augurer que Macron-le Terrible pourrait bien oublier ses promesses, en tout ou partie, qui lui ont valu la ferveur des grands patrons.
Nicolas TANDLER
Rivarol n°3289 du 29 juin 2017.