Les centres-villes se désertifient

centre centres villes
Un des nombreux centres-ville désertifié

A l’exception des grandes métropoles huppées comme Paris, Lille ou Bordeaux, les centres des villes se dépeuplent.

Lu pour vous dans Présent.

Dans les grandes villes, c’est le prix des loyers ou du mètre carré, le manque d’espaces verts, la pollution, la chasse aux voitures, l’insécurité, le bruit et le coût des taxes foncières et autres qui font fuir les habitants. Mais dans les villes petites et moyennes, s’ajoute un autre facteur de désertification : la multiplication et l’agrandissement infini de zones commerciales et de grandes surfaces à leur périphérie. Peu à peu, les commerces de détail ferment, les vitrines vides des anciens magasins de-viennent autant de symboles de la déchéance du centre-ville.
Dans les villes de moins de 50 000 habitants, le taux de vacance commerciale représente plus de 10 %. Des chiffres identiques sont recueillis dans des villes moyennes (100 000 habitants et plus), où le phénomène tend à s’accélérer. Des villes comme Arras, Calais, Laval, etc. semblent ne plus avoir de vraies rues commerçantes.
Le phénomène touche d’abord les concessionnaires automobiles, les commerces d’ameublement, d’électro-ménager. Puis cela s’étend aux commerces de proximité : librairie, magasin de vêtements, épicerie, quincaillerie, cordonnerie, bijouterie, boutique de jouets, d’encadrement…
Les commerçants, qui habitaient au-dessus de leur boutique, partent vivre davantage à la campagne. Théâtres, cinémas, bars et restaurants ferment à leur tour, et s’ouvrent symétriquement des McDo et autres chaînes de nourriture de masse, dans les zones commerciales, situées aux sorties de villes. Le samedi, les centres de ces villes petites et moyennes ne sont guère, plus animés que le dimanche, tandis que les parkings des zones d’activité commerciale, eux, sont pleins. Triomphe de la société de consommation : les habitants de ces villes viennent passer en famille leur samedi à la ZAC.
Ils arrivent vers 11 heures du matin et la quittent vers 17 heures, après avoir fait le plein d’essence, lavé la voiture, déjeuné au fast-food, reconstituant queues et embouteillages, aux heures d’arrivée et de départ et aux différentes étapes du périple hebdomadaire…
Argenton-sur-Creuse est une petite ville typiquement française, située plein sud, à deux heures trente de Paris en voiture, et deux heures quinze en train direct. Grâce à l’autoroute et grâce à la ligne SNCF, cette commune de cinq mille habitants (quinze mille, au niveau de l’agglomération), avait, jusqu’à ces derniers temps, gardé intact son centre-ville, avec son cinéma, son théâtre et sa piscine, son marché, ses commerces dans les deux rues principales, dont une rue piétonne. Chaque jour, du mardi au samedi, et spécialement le samedi, la ville s’animait. Les boutiques ne désemplissaient pas.
Cernée dorénavant par un Carrefour et par un quarteron de « mousquetaires de la distribution », dépeuplée par l’attraction scintillante de Cap Sud (la zone commerciale de la banlieue de Château-roux, à 15 minutes plus au nord), la petite ville périclite doucement. Hier, c’est le cordonnier qui a fermé boutique, sans être remplacé, puis le tapissier, et aujourd’hui l’encadreur. Demain le dernier marchand de jouets ? Le cinéma est en survie artificielle par la subvention municipale. A Noël, les boutiquiers restants rivalisent d’imagination pour ne pas laisser vides ces espaces commerciaux qui, désormais, séparent leurs commerces, comme autant de trous sombres dans une mâchoire. Bientôt il n’y aura plus, à Argenton, que des pharmacies et des coiffeurs, troisième âge oblige.
Quelques sympathiques brocanteurs et antiquaires tentent de tirer parti du fait que le sud-Berry reste un immense grenier peu exploré, depuis le dépeuplement entraîné par la guerre de 14. Mais il manque une vision d’ensemble, un projet patrimonial pour remettre en valeur des villes petites et moyennes comme Argenton-sur-Creuse, redonner consistance à un art de vivre à la française, que le monde entier nous envie et croit toujours vivace. Évidemment, le côté béret-baguette de tels projets pourrait gêner la sensibilité cosmopolite de nos élites. D’ailleurs, n’est-il pas plus rapide et efficace, plus moderne et plus médiatique, de revivifier un centre-ville avec, par exemple, l’implantation de 80 familles, libyennes ou afghanes, subventionnées ?

Francis Bergeron

Présent n°9007 du 13 décembre 2017

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