Bruxelles veut déléguer la mise en œuvre de la Pac

PAC

Simplification ? En tout cas, subsidiarité, avec le risque d’un début de renationalisation de la Pac. La communication de la Commission européenne sur « L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture », qui préfigure des propositions législatives de réforme attendues avant l’été, préconise essentiellement un nouveau « modèle » pour la mise en œuvre de cette politique dont la responsabilité reviendrait aux Etats membres dans le cadre de « plans stratégiques ». La Commission européenne propose de revoir de fond en comble la politique de verdissement de la précédente Pac, trop compliquée et difficile à contrôler. Les objectifs seront fixés au niveau européen et resteront communs, mais leur mise en œuvre sera du ressort des Etats membres, voire des régions, après avoir défini des indicateurs mesurables. La communication de Bruxelles a engendré une levée d’oppositions, tous craignant une renationalisation de la Pac, avec en corollaire des distorsions de concurrence exacerbées.

Lu pour vous dans l’Action Agricole de Touraine.

La communication de la Commission européenne sur la prochaine réforme de la Pac, qui sera suivie de propositions législatives avant l’été, « marque un changement important dans la mise en œuvre » de cette politique, a confirmé devant la presse le commissaire à l’agriculture Phil Hogan. Bruxelles propose de maintenir le système des paiements directs et les deux piliers de la Pac, mais dans un but de simplification et de subsidiarité, chaque État membre élaborerait et appliquerait, après approbation par Bruxelles, sa propre stratégie pour atteindre les objectifs fixés au niveau de l’UE, notamment pour le verdissement.

Subsidiarité et risque de renationalisation

« L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture », titre du document de la Commission, «mérite mieux qu’un débat technocratique sur une proposition de renationalisation». « Cette subsidiarité extrême constituerait une simplification uniquement pour l’administration européenne », soulignant le risque de « distorsions de concurrence tant en matière économique qu’environnementale » au sein de l’UE et parlant de « recul en matière d’ambition environnementale dès lors que les États membres pourraient jouer sur des règles moins-disantes pour gagner en compétitivité ».
Mais, assure Phil Hogan, « la Pac a toujours été une politique commune, appliquée dans tous les pays de l’UE. Cela continuera d’être le principe directeur de cette politique à l’avenir ». Lors d’une conférence à Paris, le directeur général de l’agriculture de la Commission européenne, Jerzy Plewa, a lui aussi assuré que « plus de responsabilité ne signifie pas la renationalisation de la Pac ». « Il n’y aura pas de révolution. Les États membres ne pourront pas faire ce qu’ils veulent », a-t-il insisté.
Sur les autres questions, la Commission reste très vague dans sa communication, compte tenu notamment de l’inconnue budgétaire. Elle présentera ses propositions sur le cadre financier post-2020 de l’UE fin mai 2018, et ensuite celles sur la Pac.

«Plans stratégiques»

« Quoi faire, c’est ici à Bruxelles, comment le faire, c’est au niveau national », a résumé pour sa part, devant les journalistes, Jyrki Katainen, vice-président de la Commission chargé de l’emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité, qui présentera la communication sur la prochaine Pac mi-décembre aux ministres de l’agriculture de l’UE, Phil Hogan étant alors à Buenos Aires pour la conférence ministérielle de l’OMC.
Selon le document, tandis que « l’Union devrait fixer les paramètres essentiels (objectifs de la Pac, principaux types d’intervention, exigences de base) », les États membres « devraient assumer une plus grande part de responsabilité et rendre compte de la manière dont ils entendent atteindre les objectifs et mettre en œuvre les objectifs chiffrés décidés en commun ». Ils « devraient prendre leurs décisions non pas de manière isolée, mais dans le cadre d’un processus structuré qui se concrétiserait par un plan stratégique de la Pac, couvrant les interventions tant du premier que du deuxième pilier […] La Commission appréciera et approuvera ces plans, en vue d’optimiser la contribution de la Pac aux priorités et aux objectifs de l’UE et à la réalisation des objectifs en matière de climat et d’énergie ».
« Le modèle de mise en œuvre continuera ainsi à assurer des conditions équitables, en préservant la nature  commune et les deux piliers de cette politique », assure la Commission. Celle-ci « appréciera et approuvera ces plans, en vue d’optimiser la contribution de la Pac aux priorités et aux objectifs de l’UE et à la réalisation des objectifs en matière de climat et d’énergie ».

Un soutien au revenu «équitable et mieux adapté»

Pour soutenir « de manière équitable et mieux adaptée les revenus des agriculteurs », la Commission suggère « d’explorer » diverses possibilités : « instaurer un plafonnement obligatoire des paiements directs en tenant compte de la main-d’œuvre afin d’éviter les effets négatifs sur l’emploi ; introduire des paiements dégressifs, en tant que mesure de réduction de l’aide aux plus grandes exploitations agricoles ; mettre l’accent sur le paiement redistributif, afin d’être en mesure de fournir une aide ciblée, par exemple aux petites et moyennes exploitations ».
Parallèlement, « les écarts entre États membres du point de vue de l’aide de la Pac seraient réduits », même s’il faut « reconnaître la grande diversité des coûts relatifs de la main-d’œuvre et des terres et les potentiels agronomiques différents dans l’UE ».

Gestion des risques, technologies, jeunes agriculteurs

«La Pac offre déjà un ensemble hiérarchisé d’instruments qui aident les agriculteurs à prévenir et à gérer les risques, allant des paiements directs et interventions sur le marché aux indemnisations d’après-crise et mesures actuelles du second pilier, en particulier un instrument de stabilisation des revenus et l’aide à l’assurance », rappelle par ailleurs la Commission.
Elle annonce toutefois qu’« une plateforme européenne permanente consacrée à la gestion des risques sera bientôt créée pour offrir aux agriculteurs, aux autorités publiques et aux acteurs du secteur un lieu d’échange de leurs expériences et meilleures pratiques, dans le but d’améliorer l’application des instruments actuels et d’orienter l’évolution future des politiques».
La communication propose aussi d’encourager le recours aux technologies modernes pour soutenir les agriculteurs sur le terrain et accroître la transparence et la sécurité des marchés, et d’inciter davantage les jeunes à s’engager dans l’agriculture, en coordination avec les pouvoirs exercés par les États membres dans les domaines de la taxation foncière, de la planification et du développe-ment des compétences.

Secteurs sensibles et négociations commerciales

Enfin, la Commission souligne la nécessité de rechercher la cohérence entre les politiques de l’Union, en tenant compte de sa dimension mondiale, notamment en matière de commerce, de migration et de développement durable.
« Nul ne peut ignorer que certains secteurs agricoles ne sont pas en mesure d’affronter une libéralisation totale du commerce et une concurrence sans entraves pour les importations », relève-t-elle notamment. « Aussi devons-nous continuer à reconnaître et prendre dûment en considération, dans les négociations commerciales, le caractère sensible des produits en question et réfléchir aux moyens de remédier à la répartition géographique inégale des avantages et désavantages que les accords commerciaux de l’UE entraînent pour le secteur agricole dans l’Union ».

L’Action Agricole de Touraine n°3691 du 8 décembre 2017.

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