Entretien avec le député polonais au Parlement européen Marek Jurek, ancien maréchal (président) de la Diète de Pologne, membre du groupe Conservateurs et réformistes européens.
Lu pour vous dans Présent.
— Mercredi matin, le Parlement européen débattait pour la cinquième fois en deux ans de l’Etat de droit en Pologne et a adopté une résolution condamnant le gouvernement de Beata Szydlo. En quoi cette discussion différait-elle des précédentes ?
— Plus encore que les autres fois, ce débat était contre la société polonaise. En effet, les actions comme l’initiative citoyenne visant à interdire les avortements eugéniques ou la Marche de l’indépendance viennent de la société civile. Et l’on a parlé au Parlement européen de violation du « droit des femmes à disposer de leur corps » et de fascisme en Pologne.
— Pourquoi l’opposition polonaise qui a initié la plupart des actions de Bruxelles contre le gouvernement de son pays s’est-elle majoritairement abstenue lors du vote de la résolution contre la Pologne ?
— Les Polonais s’opposent très majoritairement aux pressions de l’étranger. L’opposition libérale essaie donc d’utiliser ce type de résolution du Parlement européen pour prouver que la Pologne est isolée sur la scène internationale, mais elle cherche en même temps à s’en laver les mains.
— Officiellement, le principal objet de cette résolution, c’était la réforme de la justice en Pologne, alors que cette réforme est encore en débat au Parlement polonais.
— Le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a déclaré publiquement que la Commission analysait même les projets de loi polonais, ce qui veut dire qu’elle s’arroge des droits qu’elle n’a pas vis-à-vis des États membres. Bien entendu, cette attitude ne concerne que la Pologne et la Hongrie parce que leur politique déplaît à la Commission et au Parlement.
— Dans une lettre à Timmermans publiée sur le site Visegreid Post, vous lui reprochez de violer le droit européen. Que peut faire la Pologne s’il a la majorité du PE et des États membres derrière lui ?
— Si une majorité de gouvernements nationaux choisissent, au sein du Conseil, de fermer les yeux sur les abus de la Commission, c’est que nous sommes en train de nous éloigner de manière radicale de l’Etat de droit au niveau des institutions européennes. Pourquoi ce choix ? Parce que cela arrange certains pays de voir la Commission pacifier les Etats d’Europe centrale et orientale. On ne verra pas la Commission agir de même contre l’Allemagne ou la Suède, par exemple.
— En conférence de presse mardi, le premier ministre polonais Beata Szydlo a affirmé que la Pologne avait gagné sa dispute sur les migrants avec l’UE. Ne faut-il pas voir là la cause première de cette nouvelle résolution du PE contre votre pays ?
— C’est évident. Si la Pologne et la Hongrie sont attaquées, c’est parce qu’elles font obstacle à la politique immigrationniste des dirigeants européens. Tous ceux qui s’opposent à cette politique sont traités de « populistes » et de « nationalistes » et sont exclus de fait des processus de décision. L’immigrationnisme est pour les sphères dirigeantes de l’UE un instrument pour créer une société multiculturelle et détruire la cohésion des nations chrétiennes.
— On entend souvent parler de « valeurs européennes », mais peut-on encore parler de communauté de valeurs en Europe au vu des divergences actuelles ?
— L’Europe n’est pas une communauté de valeurs. En effet, la politique menée par les classes dirigeantes de l’Union européenne est souvent contraire aux valeurs qui sont pour nous essentielles : la foi chrétienne, l’indépendance et les traditions nationales, le droit à la vie, le droit des familles, le droit naturel… Ce que peut être l’Europe aujourd’hui, c’est une communauté de destin. Elle peut avoir des positions communes pour les questions importantes, avec un respect mutuel pour les questions qui nous séparent.
— Le Belge Guy Verhofstadt, chef des libéraux au PE, a parlé de la Marche de l’indépendance de samedi à Varsovie comme d’une manifestation ayant rassemblé 60 000 néonazis. Quelle est votre réaction ?
— Ce sont des mots absolument scandaleux et inadmissibles, et j’ai demandé au président du PE de réagir, mais ce n’est malheureusement pas la première fois. M. Verhofstadt compare en permanence ses opposants politiques à des nazis tandis que M. Timmermans qualifie les populistes de droite de bolcheviques du XXIe siècle. La révolution bolchevique déshumanisait les koulaks. Les koulaks d’aujourd’hui, ce sont les «populistes nationalistes» qui font obstacle à la révolution européenne.
propos recueillis par Olivier Bault
Présent n°8989 du 17 novembre 2017