La vision mondialiste du pape François

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Le patriarche Cyrille accueille le secrétaire d'Etat du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, bras droit du pape François, dans sa résidence à Moscou, le 22 août 2017.

Cependant que le pape François appelle à légaliser tous les migrants, le cardinal Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican en voyage en Russie, entend franchir de «nouvelles étapes inédites dans le développement du dialogue œcuménique» (Radio Vatican, 20 août).

Lu pour vous dans Présent.

Les différentes confessions doivent partager leurs expériences pour coopérer efficacement et secourir ainsi le monde. Ce voyage œcuménique, dans la lignée de la rencontre entre le patriarche Cyrille et le pape, à Cuba, l’année dernière, est moins l’occasion d’un rapprochement entre orthodoxes et catholiques que la possibilité d’affirmer une nouvelle fois la vision politique mondialiste du pape François : «développer, consolider et parfois renouer des relations de dialogue au niveau culturel et religieux, mais surtout au niveau socio-humanitaire». Car le pape François «demande aux leaders mondiaux (…) de ne pas s’enfermer dans des intérêts nationaux ou partiels».

En fait, il apparaît que le Saint-Siège développe une action politique internationale fondée sur au moins deux principes : le rejet des nationalismes, dénoncés par le cardinal Parolin en juillet dans le quotidien il Sole 24 Ore, et l’alliance universelle des religions comme facteur de paix… et moyen de pression médiatique. Il s’agit d’anesthésier les nations — voire de les euthanasier — puisque « le Saint-Siège ne se lasse pas de répéter que le respect mutuel et le dialogue sincère dans les relations entre les Etats devraient être supérieurs aux intérêts d’un seul Etat » (La Croix, 21 août).

Dans cette perspective, toute action gouvernementale qui vise à défendre la nation est forcément mauvaise : Laudato Si évoquait une internationalisation souhaitable, et même nécessaire, des décisions environnementales, et il paraît clair que la gouvernante mondiale est l’horizon politique du pape François. «C’est seulement lorsque les principales puissances sur la scène internationale concéderont que la coopération pour le bien de tous est la principale valeur à laquelle l’on doit aspirer que l’on pourra former de larges alliances, y compris contre le terrorisme fondamentaliste. Afin de vaincre le mal, la compréhension mutuelle et une sincère aspiration au bien sont nécessaires», insiste le cardinal Parolin (Sputnik, 20 août).

Le cardinal Parolin a quand même évoqué les sujets qui fâchent : avec les orthodoxes, la question de l’Eglise gréco-catholique en Ukraine (fer de lance de la résistance à la Russie) et de ses relations avec les orthodoxes et le pouvoir russe ; avec les Russes, la question des biens immobiliers spoliés à l’Eglise par le gouvernement communiste et jamais rendus (National Catholic Register, 22 août). On peut toutefois remarquer que, sur le premier sujet, le prélat a indiqué qu’il était surtout nécessaire que toutes les confessions collaborent pour faire advenir la paix (on sent la même volonté qu’en Chine : gommer l’histoire au profit d’un futur irénique), et que la restitution des biens d’Eglise est réclamée au nom de la liberté religieuse (dont le cardinal a souligné qu’elle devait être assurée dans tous les pays quelle que soit la situation politique) et du droit de chaque communauté à disposer de ses lieux de culte…

Dépêcher son « numéro 2 » en Russie, qui aura auparavant expliqué que l’Europe occidentale doit reconnaître tout ce que l’Orient européen lui a apporté, c’est pour le pape François, spectaculairement et une fois de plus (en Chine hier, aux Etats-Unis demain), proposer une politique radicalement différente qui ne se veut prisonnière d’aucun passé ni même d’aucun présent : la Russie de Poutine n’a pas bonne presse, tant pis. Le cardinal Parolin affirme que la Russie a un rôle à jouer en Syrie et au Venezuela (précisément là où les Etats-Unis de Trump entendent être présents). On sent le Saint-Siège désireux de profiter de la popularité du pape pour transformer l’Eglise en agent de paix, une paix fondée sur une approche humanitaire des malheurs du monde. Le pape François teste en grandeur nature sa capacité à peser sur les décisions internationales. Le cardinal Parolin est peut-être en train de préparer le voyage du souverain pontife en Russie, ou d’œuvrer pour un mol et consensuel œcuménisme, il est plus sûrement en train de démontrer que le pape François a conscience d’être à la tête d’une de ces organisations internationales qu’il chérit, et qu’il entend mettre ce poids au service du monde en excédant les bornes où les pouvoirs laïques entendent cantonner la religion ; quitte à laïciser son message.

Hubert Champrun

Présent n°8931 du 26 août 2017.

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