On sait que les statistiques sont aux hommes politiques ce que les « réverbères sont aux ivrognes : elles les soutiennent plus qu’elles ne les éclairent.
Lu pour vous dans Désinformation hebdo.
C’est ainsi que, depuis des lustres – en fait, depuis Chirac -, les courbes en progression inverse du nombre des radars routiers et de la mortalité au volant donnaient à tous les M. Sécurité routière l’occasion de pérorer régulièrement sur les écrans, sur le thème «La répression de la vitesse, ça marche…» Oubliant, au passage, comme le dit Bld Voltaire la responsabilité des anxiolytiques (consommés par 13% des Français), des somnolences et endormissements au volant, certes moins faciles à réprimer. Star de l’équipe célérophobe, une certaine Chantal Perrichon nous assène périodiquement ses tricotages hypothético-déductifs télévisés. Ce sosie de Cruella est présidente de la Ligue contre la violence routière, association aussi cachottière sur son nombre d’adhérents que sur les subventions qu’elle reçoit de l’État, et a une place de choix au Conseil national de la sécurité routière. Avec une oreillette, probablement… D’ailleurs, la LCVR est à la pointe du modernisme, puisqu’elle a une page Facebook ! Sur laquelle des petits curieux ont toutefois remarqué que, tout d’un coup, en janvier 2014, celle-ci avait montré en quelques jours un décuplement du nombre de «like» par des internautes… Et, hasard incroyable, tous Marocains et âgés de 18 à 24 ans ! N’est-il pas admirable, cet intérêt spontané des jeunes Casablancais pour la sécurité de nos routes ? Notez que, depuis ce miracle islamique, la page en question apparaît estampillée «non officielle»… L’argument intégriste massue du lien mathématique entre multiplication des radars et baisse de la mortalité vient, toutefois, de prendre un sérieux coup. Parce qu’en 2016, et pour la troisième année consécutive, le nombre de victimes a augmenté : 3500 tués sur les routes métropolitaines, soit une augmentation de 2,3%. En clair, plus on multiplie les radars, plus il y a de morts. Mais la Cour des comptes vient de révéler que les radars vitesse ont rapporté plus de 920 millions d’euros en 2016, soit 131 millions de plus qu’en 2015. Et si l’on élargit aux infractions au stationnement, «le montant global des amendes perçues par l’État au titre de la circulation s’est élevé à 1.817,9 millions d’euros au lieu de 1607,7 millions d’euros en 2015», soit une hausse de 11,6 %. Et d’après la Cour des comptes, ça continue en 2017. Mais les idéologues ne reviennent jamais sur leurs certitudes.
Désinformation hebdo n°1486 du 23 août 2017