Un bénédictin du recoupement : Ratier.

Lu pour vous ce matin dans À l’écoute de Radio Courtoisie

J’ai pris la suite de l’émission d’Emmanuel Ratier à sa mort, comme il avait pris la mienne à mon départ de Radio Courtoisie en 2008.

Dix ans plus tôt, lorsque je dirigeais National-Hebdo, Jean-Marie Le Pen m’avait chargé de réunir régulièrement les patrons de ce qu’il nommait la « presse amie », notamment Beketch, Madiran, Brigneau, et nous avions gardé l’habitude de nous voir. Dans cet esprit, j’instituai en première partie de mon Libre Journal une conversation entre amis journalistes.
Ratier y venait invité, il reprit la formule. Patron, je la maintiens, bien sûr. Hélas, seule des participants de l’époque, Camille Galic demeure ! Avec Emmanuel, nous nous sommes croisés pendant trente ans, et ce n’est pas une mince coïncidence qu’il m’ait reçu dans sa dernière émission, diffusée le jour même où l’on apprit son décès.
Nous l’avions enregistrée par une belle matinée de juillet. À la sortie du studio, il m’offrit un café, parla de ses projets avec cette élocution un peu traînante qui devenait ironique lorsque l’œil, pétillant, regardait par-dessus ses lunettes. Il s’inquiétait du sort de la presse nationale.
Cela faisait partie de nos soucis depuis que nous avions fait connaissance, à l’automne 1986. Chirac étant Premier ministre de François Mitterrand, Patrick Buisson Jacques_Chirac_par_Claude_Truong-Ngoc_septembre_1980trouva Yves Montenay pour financer la transformation du vieux Minute de feu Devay en une sorte de revue d’actualité au service de la stratégie du « pas d’ennemi à droite ».
Elle devait porter Chirac à l’Élysée en 1998 pour y appliquer une politique de droite en matière notamment d’immigration. Tout y invitait, sauf un détail, Chirac n’était pas de droite et Buisson resta en l’air faute d’argent.
À Minute, Emmanuel se promenait le nez au vent, parfois très direct. Il dirigeait les grandes enquêtes, Jean-François Gauthier, la politique, et moi la société. Une de nos plaisanteries d’apéritif, avec Serge de Beketch, portait sur le « journalisme d’investigation ». C’est un genre difficile et peu pratiqué. La plupart des enquêtes sont livrées clé en main, c’est vrai du Canard à Médiapart, ce fut souvent vrai à Minute. Heureusement, Charles Pasqua avait de l’amitié pour Buisson et des dossiers à écouler.
Cependant, Ratier pratiquait déjà le recueil méticuleux d’éléments dispersés et leur recoupement scrupuleux. Il devait s’en servir avec art dans sa lettre, Faits et documents, qu’il reprit à la mort de Yann Moncomble, le successeur d’Henri Coston. Ce païen tranquille travaillait comme un bénédictin. Je l’ai engagé à National-Hebdo. J’appréciais son flair, sa méthode, son inlassable ardeur intellectuelle.

Martin Peltier

À l’écoute de Radio Courtoisie, n°35, janvier-mars 2016, p. 3.

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