Le contraste est extraordinairement violent. Nous sortons de cinq années d’immobilisme absolu, marquées au fond par une seule réforme, sur un sujet sociétal d’une brûlante inactualité : le mariage des homos. En revanche, tous les blocages, tous les archaïsmes, tous les dysfonctionnements, toutes les impasses du passé sont restés non traités. Le RSI en faisait partie.
Lu pour vous dans Présent.
Nous avons démarré la rentrée avec, dans le domaine social, le plus grand chamboulement législatif de l’après-guerre, un chamboulement déjà légalisé, les barrages des procédures ayant été franchis. Il ne reste plus que l’obstacle de la rue, les 12 et 23 septembre.
On pouvait donc s’attendre à une pause. Mais l’exécutif met déjà sur la table le problème du RSI, le fameux régime social obligatoire des indépendants, qui s’est révélé n’être qu’une vaste pétaudière.
Dans le cadre d’une délégation de Service public, le RSI gère l’assurance maladie et la retraite de cinq millions de personnes : commerçants, artisans, professions libérales, micro-entrepreneurs. La fusion de différentes caisses a donné naissance à un monstre, en 2008, et le fiasco est là : courriers fantaisistes, incompétence généralisée, mise en demeure par huissier pour des cotisations déjà payées, incohérence dans les prestations et dans les calculs des pensions de vieillesse, etc. Des dizaines de milliers de contentieux sont en cours.
L’équipe Sarkozy n’a rien fait. Admettons qu’il n’en ait pas eu le temps, compte tenu de la défaite de 2012. Quant à Hollande, il a carrément enterré le dossier.
Un malheur n’arrive jamais seul. Profitant de l’anarchie dans la communication officielle du RSI, des aigrefins ont créé des sociétés aux sigles proches, et ont grugé des dizaines de milliers de personnes, qui croyaient cotiser au RSI obligatoire, mais payaient à des caisses fantôme ou à des sous-mutuelles. L’horreur absolue !
En fait la remise à plat du dispositif était dans les cartons. La Cour des comptes, dans un rapport très complet de 2012, avait parfaitement analysé les dysfonctionnements. Nous étions devant une véritable « catastrophe industrielle » selon ses mots. En gros, rien n’était à garder.
Récemment, Claude Reichman, qui fut un proche de Serge de Beketch, et responsable d’émissions de Radio Courtoisie, et qui est aussi un expert reconnu de ces questions, pouvait déclarer publiquement : « Tout le monde sait que le RSI est un capharnaüm (…). Le RSI prend la moitié de ce que gagne un indépendant (…) pour lui assurer une protection minable (…). Il n’y a qu’un seul système d’assurance et de protection qui prend la moitié de ce qu’une personne gagne, c’est la mafia. »
Hollande a gelé pendant cinq ans, toute velléité de réforme, sur ce dossier comme sur les tous les autres. Par conservatisme intrinsèque, par paresse intellectuelle et aussi sans doute du fait de cette culture du compromis qui avait fait son succès au Parti socialiste et lui a offert un destin national.
La nouvelle équipe n’a eu qu’à dresser le constat de décès du « machin », avec enterrement fixé au 31 décembre, et à sortir les dossiers des placards. Le régime sera progressivement adossé au régime général de Sécurité sociale. Cet adossement n’est sans doute pas la solution idéale, mais au moins, elle fait bouger les choses et prépare la fin de cet infernal RSI. Les usagers pourront opter pour une couverture sociale plus ou moins large, ce qui est une liberté par rapport au régime général.
Francis Bergeron.
Présent n°8939 du 7 septembre 2017