Tant qu’il n’y aura pas de réelle volonté de changer les choses en profondeur, en réformant les mœurs et l’éducation, alors toute publication de loi de moralisation de la vie politique ne sera que cautère sur jambe de bois.
Lu pour vous dans les 4 vérités hebdo
Le nouveau gouvernement « planche » sur la moralisation de la vie politique, dont Emmanuel Macron et François Bayrou – le nouveau Garde des Sceaux, qui reçut ce maroquin en remerciement de sa énième trahison des électeurs, le tout, naturellement, au nom des « grands principes » – ont fait un cheval de bataille électorale.
Je ne peux pas, pour ma part, m’empêcher de penser qu’il s’agit d’un gadget démagogique et sans portée pratique.
Naturellement, nous jugerons la loi sur pièce, quand nous la connaîtrons.
Mais tout se passe comme si le message essentiel était, une nouvelle fois : « Nous avons entendu la colère des électeurs et, désormais, nous allons arrêter de piquer dans la caisse. »
Bien sûr que je suis favorable à ce que les parlementaires soient irréprochables ou à ce que les deniers publics soient gérés scrupuleusement et ne s’évaporent pas en cadeaux somptuaires, en financement du népotisme ou en corruption.
Mais croit-on sérieusement qu’une nouvelle loi de moralisation de la vie politique y suffira ? Ne voit-on pas que ce sont les relations malsaines entre pouvoir politique et puissance financière qui sont en cause ? Qu’il s’agit donc de mœurs et d’éducation, bien davantage que de législation ?
Si, vraiment, MM. Macron et Bayrou voulaient en finir avec les scandales politico-financiers à répétition, ils travailleraient à faire de la représentation politique, non un métier, mais un service. Or, toutes les lois dites « de moralisation », depuis 1990, n’ont jamais cessé d’aggraver le caractère « professionnel » du mandat politique.
Je crois qu’il faut prendre une stratégie exactement inverse.
Plutôt que de centraliser les flux financiers approvisionnant les politiciens, sous prétexte de mieux les contrôler, il faudrait, au contraire, les multiplier et les décentraliser.
Chacun sait, par exemple, que, malgré la réforme des fonds secrets par Lionel Jospin, les fonds secrets existent toujours – et c’est logique : on ne va pas faire voter en public, par le parlement, le budget de telle opération clandestine de la DGSE ! –, mais, désormais, ils sont entre les mains des « grands crocodiles » du marigot.
En d’autres termes, la tentation d’opacité a plutôt augmenté que diminué avec cette réforme. Mais – et c’était le principal « intérêt » de la réforme – la liberté des parlementaires et des ministres a, elle aussi, diminué…
On peut donc, autant qu’on voudra, interdire à l’argent privé de financer la vie politique pour éviter le soupçon de corruption, empêcher les parlementaires de rencontrer des lobbyistes, pour éviter le soupçon de conflit d’intérêts, leur interdire toute relation avec leurs proches pour éviter le soupçon de népotisme, réclamer les informations patrimoniales d’un entourage toujours plus vaste pour éviter le soupçon d’enrichissement illicite, on n’arrivera à rien.
Je suis favorable à une bien plus grande liberté pour les parlementaires, qui peuvent bien travailler avec qui ils veulent. Mais aussi à une bien plus grande fermeté en cas de manquement : un homme condamné dans une affaire politico-financière ne devrait pas pouvoir être réélu. Mais ce n’est pas simplement un problème légal ; c’est aussi un problème moral : les électeurs manifestent une sorte de complicité avec les élus corrompus.
Quant à faire de la représentation politique un service et non un métier, je ne vois qu’un moyen : interdire la rémunération des mandats électoraux. Exactement comme cela se fait dans les associations, où les administrateurs sont bénévoles, sans que cela entraîne de problème particulier. Ou comme cela se fait pour la plupart des élus locaux.
Guillaume de Thieulloy
Les 4 vérités hebdo n°1095 du 26 mai 2017