L’élection du nouveau président du parti Les Républicains est prévue pour les 10 et 17 décembre prochains. Le poste est vacant depuis la primaire de la droite et du centre de novembre 2016. Cette consultation est déterminante pour l’avenir de la ligne idéologique du principal parti d’opposition à l’Assemblée nationale et qui détient toujours la présidence du Sénat.
Lu pour vous dans Minute.
De la même façon qu’ils ont tout fait pour stigmatiser la ligne incarnée par François Filon lors de l’élection présidentielle, les médias mettent aujourd’hui en exergue ceux qui prétendent incarner une droite « modérée », c’est-à-dire l’alignement de la droite traditionnelle sur des positions centristes : Alain Juppé, maire de Bordeaux, Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, Valérie Pécresse, présidente du conseil régional Ile-de-France… Ces hommes et ces femmes incarnent des positions euro-béates et anti Manif pour tous.
POUSSÉ PAR SARKOZY ET FILLON
Cela dit, rien ne semble pouvoir empêcher Laurent Wauquiez, 42 ans, d’emporter la présidence du parti. Normalien et énarque, agrégé d’histoire, il a des qualités indéniables, à commencer par un vrai sens stratégique. Des défauts aussi : autoritaire et sans pitié. Il lui est surtout reproché d’être passé de la social-démocratie à la droite de conviction en passant par la démocratie-chrétienne.
Repéré et poussé en Haute-Loire par le centriste Jacques Barrot, il est fâché avec la famille de celui-ci (le fils de Jacques, Jean-Noël Barrot, est aujourd’hui député macroniste des Yvelines). Il a le soutien de Nicolas Sarkozy, dernier détenteur du poste et dont il fut sans interruption le ministre de 2007 à 2012. Il a en outre mis la main sur le mouvement étudiant gaulliste UNI en l’aidant financièrement alors que l’organisation connaissait des difficultés financières.
A Lyon, le premier président du conseil régional de la grande région Rhône-Alpes-Auvergne s’appuie notamment sur le discret Ange Sitbon, séguiniste de choc au moment du combat contre Maastricht et responsable de la carte électorale à l’UMP durant l’ère Nicolas Sarkozy. Laurent Wauquiez devrait surtout recevoir le soutien de Bruno Retailleau, président du conseil régional des Pays de la Loire, qui, s’il n’a pas renoncé officiellement à se présenter, se concentre surtout sur sa réélection comme président du groupe LR au Sénat.
Derrière l’ancien lieutenant de Philippe de Villiers, c’est surtout le ralliement de François Fillon à Laurent Wauquiez qui se profile. Wauquiez partage aujourd’hui la vision eurocritique du séguiniste Fillon, son inquiétude face au communautarisme islamique et son scepticisme sur les prétendues avancées de la loi Taubira en matière de libertés publiques.
FASQUELLE COMME PRINCIPAL CHALLENGER
Le principal concurrent de Laurent Wauquiez se nomme Daniel Fasquelle, 54 ans, professeur agrégé de droit privé. Il est député du Pas-de-Calais, réélu aux forceps en juin dernier dans la circonscription d’Emmanuel Macron (dont la belle fille était candidate suppléante) et a dû en conséquence abandonner sa mairie du Touquet. Ancien étudiant à la faculté d’Assas, il y était au début des années 1980 l’un des piliers de la Corpo de droit de Paris, présidée en son temps par Jean-Marie Le Pen.
Fasquelle n’a donc rien d’un centriste mais tout du notable sarkozyste de province rompu au militantisme de terrain tout autant que sensible à la ré-flexion politique de fond. Peu connu du grand public, il ne peut songer réellement à l’emporter mais actuel trésorier du parti (la tâche n’est pas aisée), il veut s’assurer une place de choix dans le nouvel organigramme. il porte des idées nouvelles pour relancer la machine : créer un statut de sympathisant en plus de celui d’adhérent et créer une fondation chargée de la réflexion politique et historique de la droite.
Voilà donc un opposant constructif et compatible avec la ligne du président de la région Rhône-Alpes-Auvergne. Il a réalisé un tour de France des fédérations cet été, ce qui lui a permis de prendre le pouls réel des élus locaux et militants. De quoi réaliser un bon score mais pas, a priori, de l’emporter. Deux femmes pourraient également figurer sur la ligne de départ. Il s’agit de la libérale Laurence Sailliet et du maire de Taverny, Florence Portelli, ancien porte-parole de François Fillon.
En l’absence de campagne électorale d’une nature semblable à celle de la primaire et en l’absence d’un ténor pour s’opposer à lui, on ne voit pas bien ce qui pourrait empêcher Laurent Wauquiez d’être élu (dès le premier tour du scrutin ?) par les militants LR. C’est ce qui inquiète tant les chiraquiens et les anciens de l’UDF comme Dominique Bussereau et Jean-Pierre Raffarin.
Si la victoire programmée de Laurent Wauquiez inquiète le clan Juppé, fragilisé par l’arrivée d’Edouard Philippe à Matignon, elle rend soucieuse le FN car Marine Le Pen pourrait trouver en Laurent Wauquiez un défenseur d’une ligne national-libérale beaucoup plus séduisante que les rêveries chevènementistes de Florian Philippot. Surtout au moment où Marion Maréchal-Le Pen s’est mise en retrait provisoire de la vie politique…
Antoine Ciney
Minute n°2836 du 30 août 2017.